JOHANN MORRI
Les non-communistes dans lUNEF

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C.E.D On entend souvent dire que lUNEF est anime principalement par des tudiants communistes. Quen penser?
Ren Maurice: Il y a lUNEF des communistes, des socialistes, des gaullistes, des chrtiens et une masse dinorganiss. Cet aspect est cach par la presse. Cest normal, le gouvernement craint une UNEF toujours plus attractive, unifiant les forces vives du mouvement tudiant.Il fait donc tout pour en carter le plus grand nombre, utilisant encore une fois lanticommunisme.Certes, pour des raisons historiques, les tudiants communistes ont jou un grand rle, au ct dautres forces politiques tudiantes, dans le Renouveau de lUNEF notamment. Mais regardons les choses en face. Aujourdhui, il y a au moins quatre fois plus dadhrents lUNEF quՈ lUEC. Alors pourquoi nier lexistence des trois quarts de notre organisation? Notre objectif de fond nest pas de faire un cartel dorganisations de gauche ou dextrme-gauche, mais de regrouper la masse des tudiants au sein de lUNEF.[]
CED LUNEF est-elle une organisation de gauche? Quelle est sa position par rapport au programme commun de gouvernement?
R.M: LUNEF est une organisation syndicale. Les critres habituels ʐtre de droite, tre de gauche ne sappliquent donc pas. Lorganisation syndicale dfend quotidiennement les intrts des tudiants. Si un tudiant dit de droiteveut dfendre ses intrts, rien ne lempche dadhrer lUNEF. Aucune exclusive nexiste, condition de respecter la plate-forme de lorganisation. A priori, lUNEF nest donc pas une organisation de gauche. Mais elle se heurte en permanence au pouvoir et cest sur cette base que lUNEF soutient et dfend le Programme commun de gouvernement.

Interview de Ren Maurice au Crayon entre les dents, mensuel des tudiants du CERES, avril 76 (sur le site)



Mme si elle en constitue un aspect central, lhistoire politique de lUNEF ne peut pas tre rduite celle des tudiants communistes, ou ses rapports lUEC ou avec le parti communiste. Lambition de construire une organisation syndicale de masse conduisait ncessairement rassembler des tudiants au-del dun courant de pense et, dans ce cas prcis, de la sphre communiste. Cette ambition fut plus ou moins affirme, et plus ou moins ralise, selon les priodes, ne serait-ce que parce quelle se heurtait une aspiration contradictoire: garder le contrle de lorganisation. Les non-communistes ont-ils vraiment reprsent, comme le dclarait Ren Maurice en 1976, jusquaux trois quarts de lorganisation? Cest presque impossible vrifier. Mais de nombreux lments (presse, tmoignages, publications de parti, etc.) que les non-communistes ont jou un rle important dans lUNEF, tant au niveau des AGE quau niveau national.

DEFINITIONS ET QUESTIONS

Il faudrait dabord sentendre sur ce quon englobe dans la catgorie non-communistes. Au sens large, cette catgorie peut inclure tous les adhrents de lUNEF qui nՎtaient pas par ailleurs membres de lUEC ou du PCF. Cette dfinition, qui a lavantage dՐtre prcise, a linconvnient dinclure des communistes non-encarts ou communistes de fait, cest--dire des adhrents qui, sans avoir rejoint lUEC ou le PC, partageaient lessentiel de leurs convictions (on vitera le terme de crypto-communiste, qui prte polmique). Il faut ajouter le cas des compagnons de route et autres dmocrates de progrs qui sont une des constantes du mouvement communiste.

Mme si on en exclut (un peu arbitrairement) la catgorie des communistes de fait, la catgorie des non-communiste est trs htrogne. Elle englobe aussi bien des adhrents sans parti ou inorganiss qui nՎtaient membres daucune organisation politique, que des adhrents de lUNEF membres dautres organisations politiques (socialistes, trotskistes, etc.). De plus, certaines familles de pense, tout en ayant une certaine cohrence, comme les chrtiens de gauche, ne correspondaient pas forcment des organisations ou des partis

Sagissant des adhrents sans parti, lhistoire en sera sans doute utile et passionnante. Mais elle est trs difficile entreprendre, autrement que par des biographies individuelles et des lments anecdotiques, ou de celui de certaines AGE dans lequel la prsence non-communiste a t plus importante ou majoritaire.

Il reste donc le prisme des familles de penses plus organises. On est oblig de lutiliser avec deux rserves. Dabord, parce quil est forcment dformant, et ne rend pas justice aux nombreux adhrents qui ne reconnaissaient pas dans une formation politique prcise. Ensuite, puisquՈ la diffrence de lUNEF-US puis de lUNEF-ID, lUNEF a toujours refus lorganisation en tendances. Il ny a donc pas de dcompte officiel de telle ou telle composante, mme, si on peut trouver, diffrents moments, la trace de tractations arithmtiques dans la composition du bureau national (au moment du Renouveau, dans les discussions avec le CERES ou, dans les annes 90, sur la prsence de lopposition) et de discussions avec des groupes organiss.

Ces rserves tant faites, on peut livrer une chronologie grands traits de la prsence non-communiste dans lUNEF.

JALONS CHRONOLOGIQUES

LA FAMILLE DU RENOUVEAU (1971-75)

Lors du Renouveau, les tudiants communistes, qui constituent la force centrale au sein du mouvement de relance de lUNEF comme organisation syndicale, cherchent viter limpression dune organisation domine par un parti et, ds lors, largir le spectre dautres courants politiques. Ces forces dappoint recoupent en partie celles de lUnion de la Gauche naissante (socialistes conventionnels, radicaux de gauche) auxquelles sajoute une composante particulire, les chrtiens.

Les Conventionnels

Les Conventionnels (les membres de la Convention des Institutions Rpublicaines de Franois Mitterrand) jouent un rle signal dans le congrs du Renouveau du 5 au 7 mars 1971. Leur prsence est largement mentionne dans la presse qui couvre le congrs et dans les dclarations officielles. Ils reprsentent 4 ou 5 membres sur 26 dans le bureau national[1]. Le secrtaire gnral, Yves Luchaire, en est issu. On note aussi la prsence de Gilbert Mitterrand (un des fils de Franois Mitterrand) et de Gilles Catoire.

Ce rle est paradoxal, dans la mesure o la CIR est une toute petite organisation. En 1971, la famille socialiste est affaiblie et divise, en encore plus en milieu tudiant. Le PSU a volontairement abandonn lUNEF aprs le congrs dOrlans pour se lancer dans la chimrique cration dun mouvement politique de masse. Ses positions le rattachent plus la mouvance gauchiste. Les Etudiants Socialistes, pour leur part, aprs avoir un temps sembl vouloir rejoindre le Renouveau, ont finalement refus de participer aux deux congrs tenus en 71 ( lexception, semble-t-il, de quelques dissidents qui ont rejoint le Renouveau)[2]. La prsence des Conventionnelsa semble-t-il t lobjet dune ngociation: daprs Roger Fajnzylberg[3], cest Maurice Benassayag qui aurait linterlocuteur sur cette question dans lentourage mitterrandien.

On a peu dinformations -et on aimerait en savoir plus!- sur le sort de ces conventionnels, et plus gnralement des socialistes mitterrandistes dans lUNEF dans les annes 1971-75. Leur prsence tait-elle essentiellement symbolique, voire dcorative, ou ont-ils jou un rle significatifdans les orientations et pratiques de lorganisation? La CIR se fond dans le parti socialiste au congrs dEpinay du 11 au 13 juin 1971. A lUNEF, ds lanne suivante, Yves Luchaire cde son poste de secrtaire gnral. Bien plus tard, en 1975, les mitterrandistes tentent de lancer leur propre syndicat tudiant, le COSEF, avec un succs limit[4].

Les radicaux de gauche

Les radicaux de gauche[5] sont galement prsents dans lUNEF dans la premire moiti des annes 1970. Plusieurs tmoignages signalent par exemple la prsence de radicaux de gauche au bureau national lu au 60me congrs, en mars 72, notamment en la personne de Nicole Chambon[6]. Daprs Robi Morder, les radicaux de gauche auraient t prsent dans le renouveau ds 1971[7]. Comme la not le mme auteur, la composition de lUNEF ce moment-l prfigure en quelque sort celle du programme commun, sign le 27 juin 1972 entre le PC, le PS, et les Radicaux de Gauche. En 1976, les radicaux de gauche, qui crent une branche tudiante, signalent que leurs adhrents se partagent entre lUNEF, lUNEF-US et le COSEF.[8]

Aux radicaux de gauche, il faut ajouter des divers gauche, prsents diffrents niveaux de lorganisation. Par exemple, un certain Franois Hollande[9] (qui nest pas membre de lUEC et qui na pas encore adhr au parti socialiste) est galement dirigeant puis prsident de lAGE de Sciences Po aux alentours de 1973-74[10]. Les versions divergent sur les circonstances de son lection, mais la version la plus courante est que les socialistes et les communistes, qui narrivaient pas sentendre, avaient fait le choix dune personnalit neutre pour diriger lAGE. [11]

Les chrtiens de gauche

Comme celles des conventionnels, la prsence des chrtiens a t abondamment signale dans la communication lors du congrs du Renouveau[12]. Et Ren Maurice fait encore rfrence la prsence des chrtiens en 1976 dans LUNEF ou le pari tudiant(voir encadr). Comme pour les socialistes et les radicaux, il est difficile de savoir quel est leur poids exact dans lUNEF, et mme encore plus, puisquil sagit dun courant de pense (on ne prend pas sa carte!). Fait intressants, cette prsence semble antrieure aux signaux douverture du PCF vers les chrtiens, qui semblent culminer vers 1976-77, lorsque le PC domine la gauche et cherche largir encore son influence (Nous ne dclarerons jamais la guerre la religion, dclarait Georges Marchais en 1976[13]).

Ces chrtiens ne sont pas forcment membres dune organisation. On na pas de traces, par exemple, de relations suivies entre lUNEF et la JEC. Cette organisation semble avoir davantage t lie la deuxime gauche et la CFDT[14]. Il est plus frquent, en revanche, que les chrtiens de lUNEF soient pass par le MJRCF (lex-jeunesse agricole chrtienne) ou par la JOC, qui sont sociologiquement et politiquement plus proches des communistes[15]. Par ailleurs, la qualit de chrtien nexclut pas lappartenance une organisation politique (mme si le PCF nabandonne officiellement la condition dathisme quen 1979).

Une chose est sre: des cadres important de lUNEF sont issus du courant chrtien. Deux secrtaires gnraux, Bernard Huvet (lu SG au congrs de Lyon en mars 1975) et Etienne Andreux (trsorier en 1975, puis lu secrtaire gnral au congrs de Toulouse en mai 1976), viennent des milieux catholiques pratiquants et ont frquent le petit sminaire. A la prsence dEtienne Andreux sajoute celle de son ami Dominique Fontaine. Fontaine, prsident de lAGE de Nancy, est membre du secrtariat national de 1975 1977, en parallle ses tudes de sminariste (ils ont frquent le mme petit sminaire lors de leur adolescence). Mme sils nen taient pas membre au dpart, Dominique Fontaine et Etienne Andreux ont adhr lUEC et au PC. Dominique Fontaine devient prtre quelques annes plus tard[16]. La prsence des chrtiens tait particulirement forte Nancy (une des AG les plus importantes de lUNEF), o ils auraient reprsent environ la moiti des adhrents dans les annes suivant le renouveau.[17]

Le rle des chrtiens (qui semblent surtout tre catholiques) dans lUNEF des annes 1970 interroge. Pourquoi ont-ils fait le choix de militer lUNEF plutt quՈ la JEC, par exemple? Peut-tre que lUNEF tait simplement la seule organisation faire un vritable travail syndical concret. Et lUNEF-US nՎtait gure une option, compte-tenu de lanticlricalisme de lOCI. On-t-ils vraiment consist une mouvance distincte des communistes, ou un sas dentre vers le militantisme communiste? Pour les dirigeants, cest plutt la deuxime hypothse qui semble privilgier.

A noter quil nest plus gure question des chrtiens (en tant que composante collective) dans lUNEF aprs la dcennie 70. Mais on trouve encore des dirigeants de lUNEF qui sont passs par le MJRCF (comme Ronan Kerrest) ou qui se dfinissent comme chrtiens de gauche sans appartenir au parti communiste (comme Jean-Franois Courtille, BN 1987-88).

LE RENOUVELLEMENT DE LA FAMILLE NON-COMMUNISTE (CERES, LCR, ETC.) (1975-1987)

Au milieu des annes 1970, alors que les mitterrandistes semblent se dtourner de lUNEF (avec la tentative de cration du COSEF en 1976), deux courants politiques renouvellent le paysage non communistes au sein de lUNEF: le CERES et certains trotskistes de la LCR.

Le CERES

En 1975, les tudiants socialistes du CERES dcident dadhrer collectivement lUNEF-Renouveau. Ils sont en dlicatesse avec la direction mitterrandienne du PS qui a aprs la rupture Mitterrand-CERES dissout les Etudiants Socialistes et confie une mission de reprise en main Edith Cresson[18]. La lune de miel entre le CERES et la direction de lUNEF est relativement courte. Si les premiers numros du Crayon entre les dents (le journal de Socialisme et Universit, dont les animateurs seront Laurent Tirard (futur Joffrin) puis Patrick Weil) consacrent de longs dveloppements lUNEF, et donnent notamment la parole Ren Maurice, puis Jean-Luc Mano, les relations se tendent sous la prsidence Mano. Les tudiants du CERES comment alors dnoncer rgulirement le manque de pluralisme de la direction ou ses pratiques antidmocratiques, en compagnie des communistes critiques et, aprs 76, des tudiants de la LCR. Ils sont galement critiques sur les relations internationales et la prsence au congrs de dlgations dorganisations venues de lautre ct du rideau de fer.[19]

Les tudiants du CERES sont prsent par intermittence dans la direction. Les tudiant du CERES rentrent au BN au 63me congrs Toulouse (1976). A la fin du congrs de Nancy, les quatre tudiants du CERES quittent la direction (1977)[20]. En 1978, les tudiants CERES tiennent une confrence de presse pour dnoncer les pratiques antidmocratiques de la direction[21]. Au congrs de Villetaneuse (1979), le CERES et dautres opposants tiennent galement une confrence de presse parallle, toujours pour dnoncer des problmes de fonctionnement[22]. Les tudiants du CERES, qui sexpriment par la voix de Patrick Weil, posent comme condition leur entre dans la direction ladoption dun rglement intrieur -revendication qui sera finalement satisfaite[23]. Au niveau local, les tudiants du CERES sont notamment majoritaires lAGE de Sciences Po (jusquen 1979-80, lorsquune grande partie quittent le CERES puis lUNEF, une partie importante de lAGE passant lUNEF-ID fin 80). Ils sont aussi trs bien reprsents lUnion des Grandes coles, organisation sur de lUNEF, et sont deux doigts dy devenir majoritaires vers 79-80.

Dans ses bisbilles avec la direction de lUNEF, le CERES est parfois rejointe par les communistes critiques de diverses obdiences. Un des plus vocaux dentre eux, lՎpoque, est Paul Robel, tudiant en mdecine, membre du bureau national et futur lu au CNESER. Prsent comme proche dHenri Fizbin, il prend plusieurs reprises position dans la presse pour critiquer les liens entre lUNEF et le PCF, ce qui lui vaut plusieurs fois de figurer dans les colonnes du Monde[24]. En 1982, il intervient aussi au congrs de lUNEF-ID pour dnoncer la courroie de transmission et appeler la reprise du dialogue entre les deux UNEF. Daprs le tmoignage a posteriori de Philippe Campinchi, Paul Robel tait en fait un militant infiltr de lOCI.[25]

Le CERES rintgre finalement la direction, puisquil y est prsent lors du congrs de Reims (1980), notamment en la personne de Tristan Malle[26], membre du bureau national[27]. Lors du congrs, une partie des dlgus du CERES quittent la salle. Au congrs suivant, Villeurbanne en Novembre 1981, les tudiants socialistes, majorit du CERES, sont nouveau dans la direction (9 membres du BN sur 31). Les tudiants du CERES sont de nouveau prsent au bureau national de lUNEF jusquen 1985, au congrs de Colombes[28], aprs un congrs trs critique vis--vis du gouvernement, que les communistes ont quitt quelques mois plus tt. Henri Krasucki, invit du congrs[29], prononce notamment un discours trs offensif contre la politique gouvernementale.

Dans le domaine de lՎducation, les relations ne sont pas non plus au beau fixe. LUNEF, qui a globalement soutenu la rforme Savary, est en revanche trs critique lՎgard de la politique juge ʎlitiste de Jean-Pierre Chevnement. Entre 85 et 86, quelques tudiants du CERES sont encore dans lUNEF, comme Daniel Beliki, qui alerte les jeunes militants de lAGE de Nanterre sur le projet Devaquet. A Paris I-Tolbiac, 3 chevnementistes adhrent lAGE en 1985 sans mentionner leur appartenance en 1986. Lun dentre eux, le future dput LREM Guillaume Vuilletet, est lu au CEVU en dcembre 1985.[30] En mai 1987, les chevnementistes rejoignent Didier Leschi lUNEF-ID au congrs de Nanterre.[31]

Au total, le CERES a t prsent lUNEF pendant plus dune dcennie, ce qui est considrable. Mais l encore, on en sait finalement assez peu sur son influence exacte: mouche du coche cantonne au rle dopposant perptuel, ou composante ayant pes sur les orientations de lUNEF? Et on en sait encore moins sur son rle au niveau local, dans les diffrentes AGE.

Les autres courants non-communistes

Aprs le dpart du CERES, au moins deux forces politiques non communistes sont encore prsentes dans lUNEF: les socialistes popernistes[32] et des tudiants de la LCR (et/ou des JCR, on nous excusera dutiliser les termes lun pour lautre, ce qui relve de lapproximation). Dans les deux cas, les effectifs sont rduits. Si lՎpisode poperniste sera relativement court, la prsence de la LCR sera durable et jouera un rle important dans la fin de lUNEF.

Les popernistes

Les popernistes comptent un dirigeant au bureau national en 1988 (Frdric Vallat, de lAGE-UNEF Sciences Po, puis Dauphine). Sa prsence donne lieu un pisode cocasse, puisquil appelle voter Andr Lajoinie au premier tour de lՎlection prsidentielle. Mais il se fait aussi remarquer par son travail au service des tudiants trangers, dans lUNEF puis Intercapa. Il fait partie des dirigeants purgs au congrs de Toulouse (1990). Dans les annes 1990, les popernistes continuent dՐtre prsents lAGE de Sciences Po (notamment autour dEmmanuel Maurel et Johanna Barasz), jusquՈ la quasi-disparition de lAGE fin 95 dbut 96 (avec la scission et la cration de Sud Etudiants, notamment linitiative de Xavier Brunschwig). La tradition se poursuit galement Paris IV, avec Philippe Lieutaud, prsident dAGE et membre du bureau national.

La LCR

En 1976, la LCR dcide de rintgrer le syndicalisme tudiant, dont elle (ou les organisations qui lont prcde) sest tenue lՎcart depuis 1968.[33] Ce retour se fait principalement dans le cadre du MAS, syndicat tudiant cr en avril 1976 avec le soutien de la CFDT et du PSU, que des militants tudiants de la LCR rejoignent en novembre 1976 au congrs de Lille[34]. Mais des tudiants de la LCR adhrent galement lUNEF. La direction de lUNEF ne voit pas cette arrive dun trs bon il. En 1978, dans le cadre de la confrence oppositionnelle dj cite, les opposants dnoncent des refus de cartes aux militants de la LCR et des tentatives dexclusion. La direction, par la voix de Jean Luc Mano, ritre que ladhsion lUNEF ne peut tre refuse pour des raisons dappartenance politique, mais justifie les " exclusions prononces contre des adhrents favorables au droit de tendance l'UNEF ". Ces exclusions provoquent parfois une gne des militants locaux qui doivent mettre en uvre ces consignes[35].

Mme aprs la cration de lUNEF-ID en 1980, et la cration de PSA en 1982 (dans laquelle ils sont galement prsents) des militants de la LCR/JCR restent prsents dans de lUNEF. Cest notamment un membre de la LCR, Vincent Guicharnaud, prsident de lAGE de Limoges et membre du BN, qui est un des premiers suggrer la ligne du retrait du projet Devaquet en 1986. LAGE de Limoges sera un des premires sengager dans le mouvement. Cest aussi une des AGE qui critiquent le soutien public de certains membres du BN, dont le prsident, la candidature dAndr Lajoinie la prsidentielle de 1988.[36]

Au congrs de Toulouse en 1990, la prsence des militants JCR/LCR est encore limite, avec trois dlgus dans la salle[37], et un venu en observateur pour une autre organisation. Mais dans la dcennie suivante, des militants de la LCR jouent un rle plus important au sein de lopposition.

LOPPOSITION (1990-95)

Aprs la purge du congrs de Toulouse et la reprise en main de la direction de lUNEF par lUEC, une opposition cherche se structurer au sein de lUNEF. Les dirigeants carts ou marginaliss au congrs de Toulouse ou dans la foule taient pour beaucoup des communistes devenus critiques lՎgard de lUEC. Mme si certains restent au dpart dans lUNEF (comme Isabelle Bucher, prsidente de l'AGE de Nanterre) la gnration de Toulouse quitte progressivement le syndicalisme tudiant, soit pour entrer dans la vie professionnelle, soit par lassitude vis--vis de lattitude de lUEC et du PCF). Elle est remplace par des militants de diffrents horizons: trotskistes JCR/LCR, JCR Egalit, libertaires (et notamment militants de lAlternative Libertaire, cre en 1971), socialistes, divers gauche de la gauche, ex-communistes et communistes critiques, divers gauche[38], etc. Il sagit souvent de militants minoritaires au sein de leur organisation (les popernistes) ou en marge de celle-ci ( la LCR, par exemple, la priorit de lorganisation est plutt lUNEF-ID)[39].

La monte en puissance de la LCR

La prsence des militants LCR est importante Paris I, qui est un des bastions de lopposition avant la reprise en main de lAG par lUEC en 1994, et significative lAGE de Sciences Po, du moins chez les dirigeants (trois prsidents dAGE sur quatre -Eric Schultz, Sophie Camard et Amaelle Guitton- en seront issus entre 1990 et 1995, alors mme que trs peu dadhrents sont membre de la LCR ou des JCR). A partir de 1990, il faut galement mentionner la prsence des JCR Egalit ( lorigine organisation de jeunesse de la LCR)[40] , qui sont notamment bien implants dans les AGE de Rouen, Caen et Reims.

De faon gnrale, cest une priode o LCR a le vent en poupe, comme en tmoignent son rle dans le mouvement de dcembre 1995, puis le score dOlivier Besancenot la prsidentielle de 2002. Le mme Olivier Besancenot, dailleurs, tait adhrent de lUNEF Nanterre, et il est intervenu au congrs de Montpellier en 1995.[41]

EPILOGUE: LES DERNIERES ANNEES DE LUNEF

Lhistoire des dernires annes de lUNEF, et du rle des non-communistes, et particulirement de la LCR, a dj t en grande partie faite dans le tmoignage dEmmanuel Lyasse publi sur le site.[42] Faute de pouvoir y ajouter, dans limmdiat, quoi que ce soit dutile, on la remettra plus tard.[43]

Au total, deux constats simposent: dune part, lhistoire des non-communistes au sein de lUNEF est encore mal connue, et on espre quelle sera enrichie, dans les prochaines annes, par les documents et les tmoignages, notamment sur le niveau local. Dautre part, les lments parcellaires quon a retracs montrent que ce rle na pas t ngligeable, et quil mrite quon sy intresse.

7 mai 2021
Initialement pubi dans le numro 4 de notre buletin

[1] Selon les sources, il sagit de 4 ou 5. Voir Frdric Gaussen Les deux UNEF, Le Monde, 11 mars 1971, qui cite le chiffre de cinq.

[2] Id.

[3] Tmoignage Fajnzylberg rapport par Frdric Geneve.

[4] https://www.lemonde.fr/archives/article/1975/11/11/les-projets-de-creation-d-un-nouveau-syndicat-etudiant_2585102_1819218.html

[5] Le Parti Radical de Gauche est fond en 1972, par une scission de laile gauche du Parti Radical. Il devient le MRG en 1973.

[6] Tmoignage d'Etienne Andreux Alors alors on avait dans le Bureau National de lUNEF un Radical de Gauche, deux Radicaux de Gauche, Leduc qui sappelait et puis on a eu Nicole Chambon aprs, hein, au dbut que jՎtais l on a mme eu on avait les les gens de la, parce que lUNEF-Renouveau sՎtait fait avec la Convention des Institutions Rpublicaines, le courant de Mitterrand on avait Luchaire qui tait l, le fils du professeur de droit, avait du Conseil Constitutionnel qui tait prsent (Note: il pourrait sagir de Jean Franois Auduc, prsent au BN en 1972). Daprs Guy Konopnicki, cependant, N. Chambon navait pas daffiliation politique spcifique. Tmoignage Konopnicki sur Facebook.

[7] 14 fvrier 2021, Robi Morder Il y a 50 ans, la scission de lUNEF (2)

[8] https://www.lemonde.fr/archives/article/1976/11/06/les-radicaux-de-gauche-creent-une-organisation-d-etudiants_2946861_1819218.html

[9] https://www.emilemagazine.fr/article/2020/1/27/rencontre-exceptionnelle-avec-francois-hollande

[10] Nous navons pas retrouv la date exacte. Il a reu son diplme en 1974.

[11] Diffrentes versions circulentsur son accession la prsidence dAGE. Comparer https://www.lesinrocks.com/actu/je-ne-pensais-pas-que-hollande-baisserait-les-bras-a-ce-point-7432-11-05-2013/ et https://www.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2017/20161125.OBS1719/les-bonnes-feuilles-de-l-histoire-du-jeune-et-ruse-francois-hollande.html

[12] Yves Agnes LUNEF-rnove ne veut pas tre lUNEF communiste, Le Monde, 9 mars 1971

[13]http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0605_19760614/OBS0605_19760614_034.pdf

[14] Sur les non-rapports entre la JEC et les communistes, voir tmoignage de Jean Pierre Sueur: https://www.cairn.info/revue-histoire-politique-2016-3-page-137.htm

[15] Les archives de la JOC contiennent un dossier sur les relations avec lUNEF, auquel il na pas encore t possible daccder.

[16] A la demande de la hirarchie catholique, il quitte au pralable le PCF.

[17] Mmoire Etienne Bordes. Voir aussi aussi le tmoignage de Bernard Friot: https://www.revue-ballast.fr/bernard-friot-christianisme-et-communisme-1-2/

[18] Voir, sur la saga des Etudiants Socialistes et de leurs relations tumultueuses avec le PS, ArgibayCamilo, Un parti en qute de relais. L'tablissement des liens entre le Parti socialiste et les organisations tudiantes (1969-1986),Genses, 2014/4 (n 97), p. 87-108. DOI : 10.3917/gen.097.0087. URL : https://www.cairn.info/revue-geneses-2014-4-page-87.htm

[19] Voir le Crayon entre les dents, numro doctobre-novembre 1976, reproduit sur le site.

[20] Bordes, p. 59, citant un article de lHumanit du 25 mai 1977, et linterview dEtienne Andreux: cest Andreux qui mentionne le chiffre de 4 membres du BN sortant; Philippe Boggio Les tudiants du CERES refusent de participer la direction de lUNEF, Le Monde 25 mai 1977

[21] Philippe Boggio, LES " OPPOSITIONNELS " L'INTRIEUR DU SYNDICALISME TUDIANT Des adhrents de l'UNEF accusent la direction nationale de " pratiques antidmocratiques Le Monde 20 janvier 1978

[22] Le 65me congrs de lUNEF: la direction accuse dՎliminer ses opposants, Le Monde, 20 Fvrier 1979

[23] Dcid par le 65e Congrs Villetaneuse en Fvrier 1979, le rglement est vot par le CN des 16 et 17 juin. Voir la partie statuts du site unef.org.

[24] Voir notamment la tribune dans le Monde: https://www.lemonde.fr/archives/article/1978/12/27/un-toit-pour-tous_2985766_1819218.html

[25] Voir http://www.germe-inform.fr/?p=527

[26] Prsident lAGE de Sciences Po. Il est devenu par la suite responsable du syndicat FO des journalistes.

[27] Et rdacteur en chef dUNEF inform. Voir: http://www.inrp.fr/presse-education/revue.php?ide_rev=1382&LIMIT_OUVR=2790

[28] Tmoignage Geneve

[29] Ce nՎtait pas sa premire invitation. Il tait dj intervenu au congrs de Nanterre en 1973. Voir Villa, p. 48

[30] Liste des lus aux conseils de Paris I. Document fourni par Frdric Genevee.

[31] Villa, p. 73

[32] Prcisons, pour la moralit des dbats, que lauteur de ces lignes a appartenu au courant popereniste.

[33] Jean Paul Salles La Ligue communiste rvolutionnaire, p. 183-227, https://books.openedition.org/pur/21302

[34] Id.

[35] Tmoignage Franois Bonnarel sur le groupe Facebook

[36] Lettre du bureau de lAGE de Limoges au BN du 4 mai 1988. [37] Tmoignage Schultz Morri

[38] Voir tmoignage Jean-Daniel Lvy la CME, qui note avec amusement que son absence dappartenance une organisation politique prcise est une source de confusion

[39] Tmoignage Schultz Morri; tmoignage Jean-Daniel Levy sur le site de la CME

[40] Exclue en 1993, cette organisation forme ensuite la base de la Gauche rvolutionnaire

[41] Tmoignages Eric Lafon et Eric Schultz

[42] Voir les dveloppements sur ce point sur le site dUnef.org, ainsi que la version longue dans le tmoignage dEmmanuel Lyasse

[43] Disons simplement, pour le rsumer grands traits, que la LCR y fera preuve datermoiements, certains de ses militants se retirant de lUNEF pour participer la cration de SUD, ceux qui restant manifestant peu dintrt pour lUnion Nationale, avant de revenir in extremis sur le devant de la scne en votant pour la runification avec le bloc dirigeant issu de lUEC.