(Trait d'Union 13, spécial élections du CROUS de Paris, 29 mars 2000, page 4-5)

CONTRE LE PLAN SOCIAL ÉTUDIANT, MAINTENONS NOS REVENDICATIONS

Allocations d’études: de l’utopie à l’arnaque

L’allocation d’études pour tous est une revendication vieille comme le syndicalisme étudiant. Elle repose sur l’idée que chacun d’entre nous devait être salarié par l’État en tant qu’étudiant. À l’époque, vers 1950, il n’y avait que quelques milliers d’étudiants, presque tous issus de milieux aisés, qui trouvaient injuste de dépendre financièrement de leurs riches parents.

Aujourd’hui, la situation a radicalement changé. Il y a plus de deux millions d’étudiants, dont 700 000 sont obligés de se salarier pendant l’année, beaucoup plus pendant les vacances, aux dépens de leurs études, de courir de petit boulot en petit boulot, voire sombrent dans la misère (100 000 selon le récent rapport Dauriac, rejeté par Allègre, sont au dessous du seuil de pauvreté officiel, qui ne tient pas compte de ce que les études ont un coût).

Face à cela, la politique des gouvernements successifs a été constante depuis vingt ans: recul généralisé de l’aide sociale, qui a contribué à aggraver la situation.

Dans ce contexte, on voit mal quel sens peut avoir la revendication d’une allocation dont le montant serait le même pour tous, et qui remplacerait à la fois les bourses, les RU, les cités et les aides au logement.

Bien évidemment, nous n’avons rien contre son principe, si elle permettait à tout le monde d’étudier. Seulement, pour cela, il faudrait compter au moins 4000 F par mois, multipliés par 2,2 millions d’étudiants, soit plus de 100 milliards de F par an ! Ceux qui prétendent que nous pourrions l’obtenir aujourd’hui d’un seul coup, d’un gouvernement dont le seul but est de réduire ses dépenses (c’est contre cela qu’il faut lutter !) ne sont pas sérieux.

En revanche, s’il s’agit, avec un budget total constant voire en régression de donner beaucoup moins à chacun pour donner à tous la même chose, même à ceux qui n’en ont pas besoin, nous ne sommes pas d’accord. C’est ici qu’on passe de l’utopie à l’arnaque.

Et c’est ici qu’on retrouve l’allocation instaurée par le plan social d’Allègre, que l’UNEF-ID considère comme sa grande victoire. En fait, il s’agit, pour toute la France, de 7000 aides de même montant qu’une bourse, mais attribuées sans autre critère que la preuve (pas évidente à faire, d’ailleurs) qu’on ne touche pas d’argent de ses parents. Ce n’est pas une allocation d’études: son montant est très insuffisant pour vivre. Elle n’est pas pour tous: il en manque… 2 193 000, et les assistantes sociales du CROUS ne savent pas comment en désigner les heureux bénéficiaires. C’est une goutte d’eau, qui ne suffit même pas à compenser les restrictions sur les autres aides, et qui en plus ne va pas forcément à ceux qui en ont le plus besoin.

Nous ne sommes donc pas de ceux qui crient victoire et disent que c’est un premier pas vers sa généralisation. C’est plutôt un premier pas vers la casse du système des bourses.

L’aspiration des étudiants à être de plus en plus autonomes est légitime: il est juste d’exiger que la collectivité prenne en charge nos années de formation, qui sont pour elle un investissement. Mais la vraie question est celle des moyens d’avancer vers cette autonomie. Pour nous, il est clair que les aides financières, tant qu’il n’y en a pas pour tout le monde, doivent d’abord aller à ceux qui en ont le plus besoin. Le travail de représentants étudiants est de se battre contre leur diminution, pour l’augmentation progressive de leurs montants et du nombre de leurs bénéficiaires (La situation exigerait au moins le doublement de l’un et de l’autre), pas de brandir une revendication qui n’a aucun sens dans la situation actuelle, et peut facilement être détournée par le pouvoir pour liquider les aides existantes, comme le montre le PSE d’Allègre. En revanche, les aides dites indirectes, Resto-U et Cités-U, doivent être accessibles à tous, et être un moyen, égalitaire celui-là, d’autonomie pour tous ceux qui le désirent (voir page 7 nos propositions à ce sujet).

Nos élus agiront pour qu’à Paris les prétendues "allocations d’études" soient données sur critères sociaux, comme les bourses, et non à la tête du client.

 

Plus que jamais, exigeons l'année Joker

La suppression des bourses en cas de redoublement est un des aspects les plus ignobles du système actuel. "Vous n'avez pas réussi à avoir votre année avec une aide ? Essayez donc sans !" (ce qui veut presque toujours dire en se salariant à plein temps).

Quand on est riche, on a le droit de passer deux ans sur la même année. Quand on est pauvre, pas question. C'est ça, la justice sociale !

Rassurez-vous, nous dira-t-on, grâce au PSE d'Allègre, cette injustice a pris fin, le maintien des bourses en cas de redoublement a été obtenu. Malheureusement, c'est totalement faux.

Cette mesure ne concerne que les premiers cycles. On se demande bien ce qui peut justifier cela. Surtout, le maintien est conditionnel, et les conditions sont drastiques. Pour l'obtenir, il faut prouver son assiduité et avoir réussi une partie de son année (génial: pour que la bourse soit maintenue en cas d'échec, il faut avoir réussi)

Un petit progrès, quand même ? Oui, pour une minorité parmi les redoublants. Pour les autres c'est une régression. En effet, auparavant, une AIE, inférieure de deux échelons à la bourse était attribuée aux boursiers redoublants. Avec le PSE, elle est supprimée. Ce sera le maintien de la bourse, ou rien.

Encore une revendication étudiante détournée contre nous par Allègre et ses complices.

Les élus UNEF et UNEM porteront la revendication d'une véritable année joker garantissant le droit au redoublement des boursiers.

Ils demanderont le maintien des bourses pour tous les redoublants.

Ils défendront au cas par cas les dossiers de ceux qui ne l'auront pas obtenu, pour qu'ils aient au moins une aide exceptionnelle (AIE ou FSU).

Pour un vrai demi tarif sur la carte orange

De 1990 à 1998, l'UNEF, puis l'UNEF-ID ont réclamé le demi tairf sur la carte orange (question de justice: pour les salariés, l'entreprise en rembourse la moitié).

On nous a donné la carte Imagine R. Pour la plupart d'entre nous, c'est un léger progrès. Mais les inconvénients sont nombreux, surtout on est obligé de payer pour un an même si on n'est pas à Paris en juillet et août.

Nous continuons donc, pour notre part, à demander un vrai 50 %: qu'on puisse au début du mois payer son coupon deux fois moins cher en présentant sa carte d'étudiant.

Pendant que l'aide sociale stagne, les droits d'inscription montent

Pour être étudiant, il faut payer, beaucoup, tous les ans à la rentrée: ça semble naturel.

Pourtant, ça n'a pas toujours été le cas: jusqu'en 1984, la carte d'étudiant coûtait 100 F (au plus 170 F d'aujourd'hui), sécu comprise. Depuis, elle a augmenté chaque année plus que l'inflation, pour frôler les 2000 F aujourd'hui. Avec ça, l'État nous reprend largement la faible hausse du budget de l'aide sociale depuis cette date.

La loi Savary de 1984, qui a permis cette augmentation, prévoyait cependant que 10 % des étudiants non boursiers pourraient être exonérés.

Là encore, le PSE prétend faire mieux. Il appelle ça "bourse à taux zéro", la bourse qui ne donne pas un centime. Ça fait monter le pourcentage total de boursiers. Un détail: cette année, 11500 de ces pseudo-bourses ont été attribuées. Une aumône.

Et l'exonération ? Dans notre fac, elle a été maintenue cette année. Mais dans d'autres, on a déjà répondu aux étudiants qu'il n'en était plus question… puisqu'Allègre avait inventé la bourse à taux zéro ! On risque donc de passer de 10 % à moins de 1 %. Merci le PSE !

Les élus UNEF et UNEM demanderont:

– que les bourses à taux zéro soient transformées en véritables bourses.

– que l'exonération soit maintenue, et concerne vraiment 10 % d'entre nous.

Ils protesteront contre toute nouvelle hausse des droits d'inscription, et porteront l'exigence d'un retour à la situation d'avant 1984