Emmanuel Lyasse, Matthias Vincenot, Sophie Grosjean

Reconstruire notre syndicat

Contribution aux débats de l'assemblée générale de l'UNEF Paris IV (AGEPS) du 27 avril

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Notre syndicat va mal. Il est même légitime de se demander s'il est aujourd'hui mort ou vivant.

Une précision immédiate s'impose: notre syndicat, c'est l'UNEF Paris IV. Aussi ne parlerons-nous que peu ici, et dans un deuxième temps, des questions nationales. Ceux qui procèdent inversement, considèrent l'UNEF comme un syndicat dont nous serions les adhérents, s'étendent longuement sur la situation de son fantôme de direction nationale, comme si nous lui avions jamais, ces dernières années, accordé la moindre importance, concluent à sa mort et bornent là le débat voudront bien nous excuser d'affirmer qu'ils ne font ainsi que montrer leur totale ignorance de ce que sont un syndicat et une démarche syndicale.

Un syndicat n'est pas une organisation politique, réunie nationalement ou internationalement autour d'une doctrine, dont les structures locales ne sont que des relais. Il rassemble au plus bas niveau possible des individus ayant des intérêts catégoriels communs à faire valoir et à défendre. Il a vocation à se fédérer avec d'autres qui défendent ailleurs les mêmes intérêts, à se confédérer avec des fédérations défendant d'autres catégories dont les intérêts sont convergents. L'ignorance ou l'oubli de cette distinction entre syndical et politique sont à la base de la crise actuelle.

Un syndicat se juge d'abord à son activité en direction de ceux qu'il prétend représenter. De ce point de vue, le nôtre est jugé, et par le discours même qu'il a tenu lors des élections de décembre. Nous sommes allés aux urnes avec un argument essentiel, résumable ainsi: "Votez pour nous parce que vous ne nous verrez pas seulement le jour des élections". Depuis ce jour de tristesse, nous n'avons eu absolument aucune apparition publique en tant que syndicat.

Et nous voici, le moins nombreux de tous les peuples

La session de janvier s'est déroulée, avec les problèmes dus aux raisons que nous avons depuis longtemps analysées, sans que nous ne faisions rien pour diffuser nos analyses avancer des solutions, et appeler à la mobilisation pour les imposer, ni pour recenser les cas individuels posant problème et les défendre.

Lang a publié un nombre de postes aux concours qui trahit les engagements qu'il avait pris en succédant à Allègre. Certains d’entre nous ont imprimé une douzaine d’affiches, dont ils ont posé trois. Notre réaction s’est bornée là. C’est d’autant plus grave que nous avions revendiqué, y compris lors des élections, ces engagements comme une victoire, et affirmé la nécessité d’être vigilants sur leur application. Peu de temps après, la réforme du CAPES nous a trouvés tout à fait indifférents.

Un rapport du Commisariat général au Plan est sorti, expression de la doctrine libérale de casse de l’Université publique et de refus du droit à étudier. Il aurait été d’autant plus nécessaire d’en diffuser une analyse que l’U-ID a mené à son propos une campagne odieusement démagogique. Nous sommes restés silencieux.

Des mouvements étudiants ont eu lieu dans plusieurs Universités, qui appelaient certes des réserves quant à leur contenu revendicatif et à leurs moyens d’action, mais non que nous ne diffusions aucune information à leur sujet.

Quelques uns d’entre nous ont réussi, par un bel effort qui fut aussi un assez lourd effort financier de l’organisation, à monter une liste pour les élections mutualistes. Personne n’a levé le petit doigt pour faire campagne pour cette liste.

Certes, nos élus ont siégé dans les conseils. Mais s’ils n’établissent pas de liaison avec leurs mandants, il ne peuvent y espérer que le rôle de conseillers du prince. Le dernier conseil d’UFR d’Histoire, par exemple, a été marqué par plusieurs décisions scandaleuses. Notre élu, qui exprimait son opposition, a été traité par les enseignants exactement à la hauteur de ce qu’il représentait. Notre incapacité depuis à envisager la moindre riposte leur donne raison.

Les causes de ce constat affligeant sont à chercher en deçà des élections de décembre. Nous avons été incapables de les surmonter. Mais avons-nous vraiment essayé ?

L’un d’entre nous les avait analysées et avait proposé des solutions dans une longue contribution. La réunion du bureau d’AGE du 15 janvier, la première depuis les élections ( !) en a débattu de façon sérieuse et approfondie, et adopté un calendrier d’actions pour reprendre l’activité immédiatement après les examens, dans lequel s’inscrivait la convocation de l’AG. Aucune des dates n’a été tenue. L’AG, convoquée sans souci réel que tous puissent y participer, a été délibérément enlisée dans un faux débat sur de fausses questions nationales, autour d’un invité extérieur qui certes ne pouvait rien nous apprendre sur la reconstruction du syndicat à Paris IV, de sorte qu’il n’en est rien sorti. La direction qu’elle a élue à la hâte et sans véritable débat n’a pas été réunie avant le lundi 2 avril.

Une solution miracle ?

Cette réunion ne peut être qualifiée de réunion de bureau. D’abord par sa composition. S’il était légitime, et convenu entre nous, d’inviter deux camarades qui auraient eu leur place au bureau si l’élection s’était déroulée normalement, il ne l’était pas d’inviter un ancien camarade qui avait refusé de reprendre sa carte et s’était signalé par une prise de position publique contre la notion de syndicats étudiants, et de lui donner la vedette.

Par ses débats, ensuite. Le constat que nous faisons ci-dessus n’a été abordé que par un intervenant, sans susciter le moindre intérêt. Aucune proposition d’action concrète pour nous adresser aux étudiants de Paris IV que nous prétendons représenter n’a été avancée. Le même, soulignant l’urgence de répondre aux décisions de l’UFR d’Histoire, n’a obtenu aucune réponse. Ni la reparution de Trait d’Union, ni son remplacement par d’autres vecteurs de propagande n’ont été envisagés.

Toute la discussion a porté sur la nécessité d’abandonner le nom UNEF dont tous sauf un faisaient la cause de tous nos maux. Ce discours s’est d’abord appuyé sur une pseudo-analyse des questions nationales par des orateurs n’ayant jamais, ou presque jamais, mis les pieds dans une réunion nationale. Ces arguments réfutés, il a sombré dans un anticommunisme qui, avant même d’être crétin, était totalement hors de propos puisque nous savons tous que notre syndicat, par sa définition même, a toujours été indépendant de ce parti politique comme de tous les autres.

Le raisonnement énoncé par Thibaud et auquel s’étaient ralliés dès avant la réunion et avant tout débat les trois membres du secrétariat d’AGE et notre VPE était : c’est le nom UNEF qui éloigne de nous les étudiants, changeons le et tous nos problèmes seront résolus. De cette analyse subtile découle la décision de rester un mois de plus dans l’inaction, et de convoquer une AG dans le seul but de changer de nom.

Nous refusons cette démarche. Non par attachement sentimental au nom UNEF, comme nous en accusent ceux qui veulent éviter tout débat sur le fond. Mais parce que la polarisation sur cette question — s’il y a un acharnement d’ordre sentimental, il n’est pas de notre fait — conduit à refuser d'analyser les véritables problèmes et les moyens de les dépasser.

Quel observateur sérieux peut prétendre sans rire que c’est à cause du nom de l’UNEF et de sa supposée identité communiste (Il est surprenant, et décevant, de voir des camarades reprendre à ce propos des sottises et des calomnies que nous avons combattues naguère avec succès) que les étudiants de Paris IV n’adhèrent pas en masse à notre syndicat ? Ceux qui profèrent de telles absurdités montrent ainsi soit qu’ils n’ont guère d’occasions de s’adresser à des étudiants hors du ou des clubs restreints qu’ils forment, soit, ce qui est plus grave que lorsqu’il s’adressent à eux, ce n’est pas pour les convaincre de l’intérêt du syndicat mais pour véhiculer des calomnies à son propos.

Les limites structurelles de la notion de syndicalisme étudiant sont connues, ou devraient l'être, qui tiennent au caractère transitoire de la condition étudiante, à l'hétérogénéité du milieu. Il est vain d'espérer de la majorité des étudiants une conscience spontanée qu'ils ont des intérêts communs à défendre. Il est difficile de leur en faire prendre conscience avant qu'ils aient cessé d'être étudiants.

La précarisation croissante de la condition étudiante est un facteur aggravant, qui limite à la fois le temps passé sur les facs et la disponibilité d'esprit. La crise générale de la notion de militantisme n'arrange rien.

On peut en conclure que toute démarche syndicale en milieu étudiant est vaine. On peut aussi prendre en compte ses limites pour tenter de les repousser, de développer une conscience qui, si elle reste minoritaire, peut permettre d'obtenir des résultats concrets pour tout ou partie des étudiants, lesquels résultats sont eux-mêmes un facteur de prise de conscience. Nous avons su prouver naguère qu'une telle démarche n'était pas totalement vaine. Les exemples d'autres syndicats, l'AGEE-UNEF à Evry, l'AGEL-UNEF à Lille et l'AGET_ASL à Toulouse Arsenal, montrent qu'elle ne l'est pas devenue, et que les causes de notre crise actuelle sont à chercher à Paris IV et non ailleurs.

Ceux qui dissertent longuement sur la situation nationale dont le plus souvent ils ignorent à peu près tout, qui imputent notre échec aux trahisons en partie réelles, en partie imaginaires, de responsables de l'Union nationale dont il aurait fallu que nous fussions stupides pour attendre quoi que ce fût de syndical refusent d'examiner leurs propres insuffisances tant dans l'analyse que dans l'action. Le contexte national de clarification n'explique rien. À Evry et à Lille il a été au contraire un facteur de motivation et de dynamisme. Il aurait pu l'être de même à Paris IV. Il l'a été sur les chaînes d'inscription. Il a cessé de l'être lorsque des camarades ont choisi d'en faire le prétexte de leur inaction: tout au plus peut-on admettre qu'il a dès lors été un accélérateur de notre débandade

C'est sur cette erreur d'analyse qui est en fait un refus d'analyser que se fonde le projet sur lequel est convoquée cette assemblée générale. Il se caractérise par la soumission de la direction que nous avons élue au diktat d'un groupe extérieur au syndicat, sur qui elle dit compter pour lui fournir les militants qui nous ont cruellement manqué durant la dernière période. Ce groupe dit de son côté faire de l'abandon du nom UNEF et de la modification des statuts la condition nécessaire et suffisante de son adhésion. On voudrait nous faire croire qu'il ne s'agit que de troquer un changement de nom du syndicat contre une résurrection de sa force militante. Nous ne sommes pas dupes. Il n'est pas besoin de remonter loin dans l'histoire de notre organisation pour comprendre ce qu'est ce groupe qui fait de sa haine viscérale du nom UNEF l'alpha et l'oméga de sa pensée syndicale.

Démasquer les faux révolutionnaires

C'est ici le lieu de placer un certain nombre de choses qui seront désagréables à lire. Nous supplions nos lecteurs de bien vouloir croire qu'elles sont tout aussi désagréables à écrire, et qu'elles ne le sont que parce que nous nous trouvons à un tournant décisif où rien ne serait pire que d'avancer les yeux fermés. On ne peut comprendre le débat qui est posé sans rappeler qui sont ceux qui viennent aujourd'hui nous donner des leçons, ce qu'ils ont fait quand ils étaient membres de notre syndicat, pourquoi ils l'ont quitté et ce qu'ils ont fait depuis.

Au cours de l'année dernière, ces camarades, en en convainquant certains et en en écœurant d'autres ont réussi à transformer notre local à Clignancourt en un club fermé dont le syndicalisme était le dernier des soucis, favorisé en cela par la nullité de la direction d'AGE d'alors. La tentative dite d'autogestion, visant à les intégrer dans la direction, qu'ils ont bruyamment soutenue, a montré qu'ils n'en avaient ni la volonté, ni les moyens. Ils ont réagi au redressement syndical entrepris à partir de juin en refusant de reprendre leur carte, mais ont continué à occuper le local de Clignancourt, faute de volonté ferme de les en déloger. Il est inutile donc de se demander pourquoi il n'y a pas eu de campagne de rentrée à Clignancourt, pourquoi nous n'y avons pas fait une adhésion depuis la rentrée, quand le local était rempli par des étudiants ressassant leur haine de l'UNEF et leur refus d'y adhérer, pourquoi nous avons fait aux élections un score inférieur à ce que nous faisions quand le local était fermé toute l'année, quand fleurissaient dans ce local les autocollants "Agir au lieu d'élire", pourquoi nos derniers militants là-haut ont baissé les bras.

Leur dernier exploit, qui résume à lui seul leur attitude depuis un an, a été l'organisation, sous couvert du syndicat et en utilisant sa logistique, d'une réunion publique sur une thématique fumeuse à propos de mondialisation, où après que Céline Martinez, de l'U-ID, a pu faire sa publicité, l'expression du représentant de l'UNEF, notre camarade de Paris I Sylvestre Roth, a été perturbée par une intervention de Thibaud Lejeune dénonçant violemment les syndicats étudiants et leurs querelles, et concluant à leur inutilité.

Il est clair que la haine du nom UNEF qu'affichent ceux-là n'est que le paravent de leur refus de la notion même de syndicalisme. Leur activité depuis un an illustre une conception depuis longtemps analysée et critiquée, vieille comme le mouvement ouvrier mais qui à chaque fois se prétend novatrice, qui parce qu'elle refuse la distinction entre le syndical et le politique aboutit à trahir l'un et l'autre, et à servir ceux qu'elle prétend combattre. S'ils pointent aujourd'hui justement la faiblesse structurelle, renforcée par la conjoncture, du syndicalisme étudiant qui prétend représenter la majorité des étudiants mais ne réussit jamais qu'à en intéresser une petite minorité, la solution qu'ils proposent est de choisir délibérément de ne s'adresser qu'à une minorité d'étudiants, ceux qui n'ont aucun souci de leurs études et donc aucune raison de les défendre et s'en évadent vers des délires qu'ils croient politiques.

Nous ne leur reprochons pas ces positions, que nous avons depuis longtemps appris à connaître. On peut s'indigner, mais non s'étonner, de la suffisance avec laquelle ils somment un syndicat qu'ils ont abandonné et dont ils ont travaillé à empêcher toute réimplantation à Clignancourt de s'y rallier et de s'auto-dissoudre.

Un curieux attelage

Nous avons en revanche été surpris, dans un premier temps, de voir que les plus prompts à céder à ce chantage, car c'en est un, sont ceux d'entre nous qui ont dans la dernière période accordé une importance certes juste au travail dans les conseils, parfois peut-être aux dépens des autres aspects du travail syndical, et qui semblaient donc se positionner à l'exact opposé de ceux-ci. Dans un deuxième temps, cette conjonction nous apparaît comme lourde de sens, et révélatrice de la nature exacte de ce qu'on nous propose. Si tout semble opposer idéologiquement ceux qui ne se soucient que de rêver de révolution mondiale ou de grève générale et ceux qui bornent leur horizon à siéger le plus avantageusement possible dans les conseils de notre Université, ils se trouvent rapprochés par le projet d'abolition du syndicat, car le point commun entre leurs rêves respectifs est que l'existence d'une organisation syndicale leur est inutile, que l'exigence d'une démarche syndicale leur est un obstacle. Ces deux aspirations apparemment contradictoires se retrouvent dans le refus de s'adresser aux étudiants de Paris IV en tant que tels et de tenter de les organiser pour se défendre.

Sous le joli nom d'AGEPS, il s'agit en fait de fédérer deux clubs de recrutement et d'esprit très différents, l'un s'agitant à propos de mondialisation ou à tout autre propos à Clignancourt, l'autre se consacrant à siéger dans les conseils en Sorbonne, réunis par leur intérêt commun à conserver certains avantages acquis par le syndicat dans la période précédente: pour les uns leur position institutionnelle, pour les autres le local qu'ils ont accaparé. La pérennité de l'union semble garantie par la séparation géographique, qu'on nous propose de sanctionner statutairement, qui devrait leur éviter de se rencontrer trop souvent. On peut néanmoins émettre des doutes sur sa viabilité à long terme.

Il s'agit de résoudre la crise du syndicalisme étudiant à Paris IV par la négation de sa possibilité même et d'utiliser les structures subsistant du syndicat pour construire une organisation qui n'aura rien de syndical, mais satisfera au moins à court terme les aspirations diverses de ses promoteurs.

Pour affligeant que soit ce projet, nous ne pouvons qu'être amusés en entendant dans la bouche de ses défenseurs les arguments que nous avons entendus, de CN en congrès, dans celles de ceux que nous combattions, de la nécessité d'être "à l'écoute des étudiants", d'être ouverts, aux fantasmes sur la nouvelle organisation qui naîtra du dépassement miraculeux de formes périmées d'action. On voudra bien nous excuser de traiter ces arguments avec le même mépris que nous les traitâmes naguère, et de n'y voir aujourd'hui comme alors que le masque maladroit d'une opération de liquidation essentiellement motivée par une très grande fatigue et une vaste résignation.

Refuser la liquidation, pour pouvoir reconstruire

Parce que les étudiants de Paris IV ont plus que jamais besoin, même si fort peu en sont conscients (mais qu'avons-nous fait récemment pour qu'ils le deviennent ?) d'un syndicat qui les défende, nous ne pouvons croire que notre syndicat ne sortira pas du coma profond où il est plongé depuis décembre. Son histoire, comme celle d'autres syndicats UNEF, nous apprend que s'il faut peu de choses pour tuer une AGE, il n'en faut guère plus pour qu'elle revive. Il était bien bas en janvier 1998 quand quelques uns, dont Philippe et deux d'entre nous en ont assumé la direction. Il triomphait un an plus tard, se perdait en querelles l'année suivante, avant d'être pour le CNESER et sur les chaînes d'inscription une référence pour tous les syndicalistes étudiants de France.

La contribution déjà citée d'Emmanuel Lyasse, à laquelle nous renvoyons, proposait cinq axes prioritaires, et observait qu'il suffisait que quelques camarades se décidassent à assumer la direction pour que fût reconstruit ce qui était détruit, car toutes les bases étaient là. Si cette AG voit se constituer une équipe pour reprendre la direction, ce que n'a pas fait la précédente, nous n'aurons fait que perdre trois mois. C'est ce que nous espérons, et ce que nous défendons.

Si cela ne devait pas se produire, nous ne verrions néanmoins pas là une raison suffisante de renier tout ce que nous avons fait depuis des années et, en laissant les clefs de l'organisation à la disposition d'autres qui ne feront pas de syndicalisme, à procéder, pour reprendre une heureuse expression de Thibaud à l'euthanasie de l'UNEF Paris IV au nom d'un pari pascalien sur l'au-delà du syndicalisme étudiant. Il nous semblerait plus conforme aux mandats que nous avons sollicités et obtenus de ceux des étudiants de Paris IV qui votent, à qui nous devons nos locaux et notre subvention, de laisser les choses en l'état pour qu'un jour d'autres que nous puissent faire revivre le syndicat.

Ce qu'on nous propose revient à détruire la structure qui nous a accueillis et qui, si vraiment, ce dont nous ne sommes pas encore convaincus, personne, dans cette assemblée générale, ne peut plus rien pour elle, pourra en accueillir d'autres. Dans les circonstances actuelles, l'abandon du nom UNEF ne peut avoir d'autre signification.

Nous terminons ainsi par là où on voudrait nous faire commencer. Ceux qui nous auront suivis jusque là auront compris que ce n'était pas au nom du syndicat que nous étions attachés, mais à l'existence de notre organisation en tant que syndicat. Il nous faut constater, et il n'y a rien là de sentimental, qu'aujourd'hui, en l'absence de toute activité militante, le nom UNEF Paris IV est le seul élément restant de notre identité syndicale. C'est en parfaite cohérence avec leur projet que des camarades et des anciens camarades exigent que nous y renoncions. C'est en parfaite cohérence avec notre volonté de maintenir les conditions de possibilité d'un syndicat à Paris IV que nous déclarons que cela est aujourd'hui inopportun, sans qu'il s'agisse là d'une position de principe.

Il ne s'agit certes pas de notre affiliation à feue l'UNEF Pailleron. De celle-là, nous avions fait notre deuil bien avant certains de ceux qui nous donnent aujourd'hui des leçons à ce sujet et qui naguère y trouvaient matière à nous faire des procès (Vous rappelez-vous l'affiche "Mammouth" ?). Il est évident pour nous que la place de l'UNEF Paris IV est dans le combat pour la reconstruction d'une Union nationale. Il est également évident que cette place ne pourra être que modeste. L'AGEE-UNEF, en convoquant une réunion nationale pour les 5 et 6 mai, (transformée en réunion parisienne depuis) et l'AGEL-UNEF, en soutenant cette convocation, semblent décidées à assumer un rôle directeur que nous ne pouvons plus tenir. Nous nous en félicitons, et estimons que notre syndicat doit répondre à cet appel. Mais là n'est pas la question.

Un changement de nom est toujours une décision grave, et lourde de périls. Quand la décision est prise par une organisation forte, décidée à l'assumer et à faire l'effort de propagande nécessaire pour imposer sa nouvelle identité, il peut être positif pour elle. Quand elle est prise par une organisation en difficulté, voire exsangue, qui se convainc que là est sa nécessaire et suffisante planche de salut, dont la direction accuse le nom d'être le responsable de son incapacité à la faire vivre, elle ne peut qu'accélérer sa dégringolade. L'AGET-ASL de Toulouse Arsenal donne un exemple du premier cas. S'il est trop tôt pour juger l'expérience de la FSE Caen, ex ACE-UNEF, l'expérience des SE à Limoges et à Toulouse Mirail offre le parfait exemple du second, qu'il est d'autant plus indispensable d'étudier que Thibaud ne cache pas que c'est son modèle. Nous avons vu l'AG UNEF la plus solidement implantée en France, appuyée sur une forte assise matérielle, s'effondrer en moins d'un an, au point que les derniers s'en réclamant dont nous ayons eu des nouvelles avaient, après avoir été les principaux responsables de l'échec de notre liste au CNESER, pour souci exclusif de lutter contre la célébration de la Saint Valentin. Cela parce que sa direction avait cru résoudre une crise passagère en rejetant le nom UNEF… pour satisfaire un groupe d'étudiants qui en faisaient la condition de leur adhésion. Cela nous semble un exemple à méditer.

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Nous n'avons pas rédigé ce texte pour nous faire plaisir ou pour témoigner pour l'avenir. Nous l'avons fait parce que nous considérons qu'il est digne de ce que nous sommes et de ce que nous avons fait de tout faire pour qu'une génération de militants ne signe pas, dans l'ignorance, la mort du syndicat.

À ceux dont certains furent nos camarades, qui ont constaté que le syndicalisme ne leur convenait pas et qu'ils aspiraient à autre chose, nous n'avons qu'une chose à dire: pourquoi ne pas créer l'organisation étudiante de vos rêves et juger de sa viabilité à l'épreuve des faits, plutôt que mettre comme préalable la destruction, après son long parasitage, d'un syndicat qui a prouvé qu'il pouvait servir aux étudiants de Paris IV ?

A nos camarades qu'une très grande fatigue dissuade de continuer une lutte qui n'a jamais été simple, nous demandons de ne pas appeler cette lassitude compréhensible pour certains (nous ne mettons certes pas sur le même plan ceux qui sont justement fatigués après tant de travail, ceux dont tout indique qu'ils étaient fatigués de naissance) constat de l'impossibilité définitive du syndicalisme à Paris IV, et de ne pas sacrifier son avenir à leur volonté de réussir leur sortie.

À tous les camarades qui ont adhéré à l'UNEF Paris IV pour faire du syndicalisme et n'y ont pas renoncé, et spécialement aux plus jeunes qui ont adhéré sur les chaînes d'inscription juste avant la crise, nous affirmons que c'est à eux de faire vivre l'organisation. Nous sommes prêts à y contribuer, avec eux, dans la mesure de nos moyens. Il vaut mieux constater que nous partons de très bas et entamer, en adaptant nos objectifs à nos moyens, la reconstruction, que chercher la justification dans le renoncement.

Si ce choix était finalement celui de l'AG, chacun de nous aurait à se déterminer en fonction de ce que lui commanderait sa fidélité au syndicat, au passé, à l'avenir, aux mandats reçus des étudiants et à lui-même. Mais nous avons toutes les raisons d'espérer que nous n'aurons pas à en arriver là.

 

Emmanuel Lyasse,
membre du bureau d'AGE depuis oct 2000, de fév à mai 2000 et d'avr 1997 à nov 1999,
secrétaire à l'organisation de jan 1998 à nov 1999 et d'oct 2000 à févr 2001,
élu au Conseil scientifique et au Conseil d'UFR d'Histoire

Matthias Vincenot,
membre du bureau depuis oct 2000 et de fév à mai 2000,
élu au Conseil d'Administration
et au Conseil d'UFR de Langue française
.

Sophie Grosjean,
élue au Conseil d'UFR de Grec,
membre du Bureau d'AGE de nov 1996 à oct 1999.