TŽmoignage de Jean-Franois Courtille (ˆ l'UNEF au Mans, puis ˆ Paris I de janvier 1986 ˆ 1989)

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Etudiant ˆ l'universitŽ du Mans entre 1985 et 1987, puis ˆ Paris I entre 1987 et 1988, j'ai adhŽrŽ ˆ l'UNEF en janvier 1986. Nous avons constituŽ une AG de l'UNEF, avec l'appui d'un membre du bureau national, Emmanuel Marin, aux c™tŽs de quelques copains comme les frres Chaillou, les frres Landeau, Mostafa Nafaa et Didier Martin. Et nous avons aussi prŽsentŽ une liste aux Žlections du CEVU (conseil des Žtudes et de la vie universitaire), une instance consultative crŽŽe par la loi Savary, et au conseil d'administration. Cela nous a permis d'avoir plusieurs Žlus, et de commencer un vrai travail syndical de proximitŽ. Au dŽbut de l'automne 1986, l'orientation de l'UNEF, dont le prŽsident Žtait ˆ l'Žpoque Patrice Leclerc, Žtait toujours celle de la SolidaritŽ Žtudiante. Face au projet Foyer (en juin 1986) puis au projet Devaquet (en octobre 1986), l'UNEF appelait les Žtudiants ˆ "dŽraciner un projet qui remettait en cause le droit de tous ˆ accŽder aux Žtudes".Ê

Quelques semaines avant l'Žclatement du mouvement contre le projet Devaquet, qui a rŽuni ˆ l'Žpoque plusieurs centaines de milliers d'Žtudiants, l'UNEF a sorti un numŽro de sa revue "Nouveau Campus", que nous avons distribuŽ gratuitement et massivement dans les facs. A l'Žpoque, nous organisions aussi rŽgulirement des "porte ˆ porte" dans les citŽs U et des tables d'information dans les restaus U. J'ai le souvenir que, avant la sortie de ce "Nouveau Campus", la plus grande partie des tracts que nous avions distribuŽs jonchaient le sol du restau U du Mans. Pour le "Nouveau Campus" sur le projet Devaquet, aucun journal ne tra”nait par terre. Les Žtudiants l'avaient pris et lu.Ê

Le dŽbut du mouvement 1986 a ŽtŽ sans doute le fruit de "l'appel de Caen", rŽdigŽ par un Žtudiant de la LCR, Daniel Cabieu, ˆ l'Žpoque adhŽrent ˆ l'UNEF-ID. Mais dans les facs, c'est le travail de terrain des deux UNEF qui a prŽparŽ d'abord la sensibilisation des Žtudiants ˆ ce sujet, et si de nombreux leaders spontanŽs ont surgi au dŽbut de la grve, avec un mot d'ordre de dŽfiance ˆ l'Žgard des syndicats, il n'en demeure pas moins que de nombreux Žlus - j'en faisais partie sur mon campus du Mans -ont jouŽ un r™le dans les dŽbrayages et la constitution des comitŽs locaux. Lˆ o les AG de l'UNEF Žtaient anciennes et puissantes, comme ˆ Toulouse ou ˆ Limoges, certains Žlus ont mme ŽtŽ dŽsignŽs pour faire partie de la coordination nationale Žtudiante, qui comptait 14 reprŽsentants. C'est ainsi que l'UNEF comptait dans ce fameux bureau Luis Ferrari, de l'UNEF Toulouse, et Vincent Guicharnaud, de l'UNEF Limoges, qui furent ensuite Žlus au BN de l'UNEF au printemps 1987. Un ŽvŽnement s'est ensuite dŽroulŽ en mars 1987, hŽlas bien oubliŽ par l'histoire rŽsenteÊ: les Etats GŽnŽraux de l'UniversitŽ, organisŽs ˆ Saint Denis, o des dŽlŽguŽs Žlus de toute la France par des coordinations issues du mouvement de dŽcembre 1986 ont discutŽ, rŽdigŽ et votŽ un projet d'avenir pour l'universitŽ franaise.

Cette expŽrience a considŽrablement fait bouger les lignes au sein de l'UNEF, car les Žtudiants de tous horizons se sont rencontrŽs, concertŽs, et ont pu dŽcouvrir ˆ cette occasion que la rŽalitŽ n'Žtait pas "blanche" ou "noire", mais plut™t "grise", et que l'idŽologie ne pouvait pas ˆ elle seule gouverner la rŽflexion et l'action des Žtudiants de cette Žpoque. Aussi, la stratŽgie du rassemblement, imaginŽe par une Žquipe autour de Xavier Aknine et Marc Rossetti, ttes pensantes de la rŽnovation, n'a pas ŽtŽ seulement une option "opportuniste" pour reconstruire un syndicat en perte de vitesse, mais un vrai projet syndical d'avenir, qui, ˆ mon sens, reste valable encore aujourd'hui. J'ai eu la chance d'apporter une modeste contribution ˆ cette rŽflexion collective, ayant rejoint en mars 1987 le BN de l'UNEF, avant de prendre, aprs le congrs de Saint Etienne, la responsabilitŽ de la commission nationale sur l'aide sociale. Je prŽcise que je n'Žtais pas communiste, mais chrŽtien de gauche, avec des tendances libertaires.Ê

La stratŽgie du rassemblement, qui a durŽ ˆ peu prs un an et demi, jusqu'au tristement cŽlbre congrs de Toulouse, en mai 1990, a permis ˆ l'UNEF de continuer ˆ recruter de nouveaux adhŽrents et ˆ afficher des scores honorables aux Žlections universitaires, mme si l'UNEF-ID avait pris le leadership. L'UNEF a participŽ ˆ cette Žpoque - hiver 1987-1988 - ˆ un mouvement national pour obtenir un rŽengagement de l'Etat dans le finacement de l'universitŽ, mouvement qui fut peu soutenu ˆ l'Žpoque par l'UNEF-ID, sinon par la tendance minoritaire. J'ai pour ma part quittŽ l'UNEF au congrs de CrŽteil, en novembre 1988, ayant achevŽ mes Žtudes et trouvŽ du travail.Ê

Ce qui s'est passŽ en 1990, je n'y ai pas assistŽ personnellement, mais j'ai recueilli les tŽmoignages d'une bonne vingtaine de mes anciens condisciples, la plupart effondrŽs par la manire dont Xavier Aknine et Marc Rossetti, entre autres, ont ŽtŽ critiquŽs, pour ne pas dire dŽmolis, lors des congrs de Gennevilliers et de Toulouse. La reprise en mains - je pse mes mots - de l'UNEF a signŽ selon moi la mort d'une certaine conception du syndicalisme universitaire, indŽpendant des partis, mais centrŽ sur la construction d'un projet d'universitŽ ouvert ˆ tous, et connectŽ avec la sociŽtŽ et l'Žconomie.Ê

Pour les sceptiques, qui persistent encore aujourd'hui ˆ penser que l'UNEF des annŽes 1987-1989 Žtait un simple jouet du Parti communiste, je rappellerai qu'un collectif national de l'UNEF, au printemps 1988, avait votŽ contre la consigne de vote conseillŽe par le secrŽtariat national de l'UNEF, en vue des Žlections prŽsidentielles de 1988, et que ce vote avait ŽtŽ respectŽ par la direction nationale de l'UNEF. Les dŽbats au sein du Bureau National pendant ces annŽes lˆ Žtaient souvent vifs et contradictoires, car nous avions un mme idŽal pour l'universitŽ, sans pour autant partager les mmes convictions politiques, idŽologiques ou spirituelles. Cette UNEF-lˆ semble en effet avoir un temps refait surface ˆ l'Žpoque de Bob Injey, mais depuis, le train de l'histoire est passŽ ...

Jean-Franois Courtille, le 8 mars 2014
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