La FRUF 1975-1984 ou l'enjeu des cits U !


Tmoignage de Franois Bonnarel,
( l'UNEF de 1975 1986, Marseille, surtout, et Jussieu),
initialement publi sur le groupe Facebook le 9 mai 2021
(ci-contre, photo de l'auteur dans une manifestation Paris le 12 dcembre 1980)





Ces limites temporelles n'ont pas de sens "historique" particulier. Elles ne sont que celles de ma participation active au mouvement tudiant.

4 annes avant l'arme 75-79 et 4 annes aprs: 80-84. (j'ai encore eu les cartes 84-85 et 85-86, et mme 86-87, ayant pass ma thse fin 86 mais je ne militais plus l'UNEF ou la FRUF : la thse tranait en longueur, fallait quand mme finir)

Lorsque je suis arriv en fac Marseille la rentre 75 (voir mon post du 31 janvier sur le mouvement contre la rforme des seconds cycles) je vivais en cit U. La Cit U Gaston Berger qui jouxtait la fac saint Charles tait relativement petite et n'avait que 400 chambres (photo ci-contre, d'aprs le site du ministre de la Culture). Y rsidaient des trangers et des provenaux non marseillais. C'tait une cit non mixte. J'avais obtenu une chambre car je venais de Marignane qui n'tait loign pourtant que de 25 kilomtres.

Ds les premiers temps je me suis rendu des runions de l'association de la cit U, que la FERUF (excroissance en cit U de l'unef unit-syndicale-AJS-OCI) tait en train de prendre en main. J'ai appris bien plus tard que cette officine avait scissionn de la FRUF pas plus d'un an plus tt en 1974.

Le discours essentiel de ce groupe tait tout la fois de dnoncer les manquements invitables de la FRUF ou de l'UNEF (notamment sur les autres cits-U: invrifiable !) tout en appelant l'unit .... Qu'ils avaient bris l'anne prcdente !

De fait la FRUF n'existait plus dans cette cit U quand j'y suis arriv. L'AGEM UNEF avait d laisser aller les choses dans les annes prcdentes et nous tions peu d'adhrents de l'UNEF dans la cit , pour ne pas dire que j'tais seul. Il faut dire que la grande masse des tudiants de Saint Charles dont les militants de l'UNEF habitaient Marseille mme et que peu avaient besoin de vivre en cit U.

La cit tant en plein ville, les rsidents taient aussi plus attirs par les activits de centre vile que par une relle vie associative. Peut tre y avait il une bibliothque : je m'en souviens peine.

J'ai pourtant le souvenir de longues soires de discussion dans ma chambre avec des tudiants trangers ou d'autres copains rsidents pas toujours de mon bord syndical ou politique. Cela forgeait des convictions et ouvrait sur le monde.

A Marseille, la FRUF existait quand mme dans les grandes cits "ghettos" de Luminy et Saint Jrme mais la FERUF s'appuyait sur toute une srie de petites cits de centre ville comme Gaston Berger pour faire son travail de sape et dnoncer les "trahisons" de l'UNEF/FRUF

Dans ces conditions, il tait difficile, ds la rentr 75 pour une jeune militant sans exprience de "(re)monter la FRUF". J'ai bien d me prsenter et tre lu au conseil de rsidence, mais sans adhrents avec moi il tait difficile de surnager, d'autant que l'AJS ne me mnageait gure.

Pour l'UNEF, la FERUF, pas plus que l'UNEF-US n'tait un syndicat, contrairement la FRUF. Mais dans la situation concrte de Gaston Berger, il tait difficile de le prouver.

Je sais que vers 78 ou 79 nous avions agi pour rcuprer un poste de femme de mnage. Cette action victorieuse tait cite dans un cho des luttes d'un des premiers numros de "Campus". A ce moment l les difficults taient diffrentes j'tais devenu prsident d'AG et avait peu de temps consacrer la cit U. Sauf en priode lectorale : les lections au CROUS de 79, difficiles aprs celle de 77 plutt fastes pour nous.

J'ai tout de mme particip un vnement national de la FRUF, dlgu .... par le BN de l'UNEF ! Il s'agissait du congrs d'Orsay du printemps 79. Une tentative de l'AJS de prendre le contrle de la FRUF tait crainte. Il n'en avait finalement rien t.Herv Guillemet s'en souvient. Le prsident de la FRUF tait alors Daniel Mollier-Sabet.

Plus tard (mais j'tais devenu parisien et "antonien" ) je suis all faire le pompier Poitiers et Rennes la demande du BN de la FRUF, pour des runions compliques menaces par des offensives de la FERUF. Je me souviens que quand je m'exprimais dans les runions, j'avais du mal dire FRUF et pas UNEF, ce qui ne passait pas forcment trs bien auprs des associs !!!

Laisser aller la situation en Cit-U tait une mauvaise ide pour l'UNEF. En effet le recrutement des rsidents se faisant sur critres sociaux la problmatique de la slection sociale y tait particulirement prgnante. Par ailleurs la concentration d'tudiantes et d'tudiants dans un lieu de vie (et pas seulement d'tudes) commun crait des conditions favorables une activit associative de masse.C'est ainsi que l o elle fonctionnait bien la FRUF regroupait bien plus d'tudiants que les adhrents de l'UNEF. Si le passage de l'UNEF la FRUF tait quasi automatique, il tait loin d'en tre de mme dans l'autre sens. Cependant, la FRUF donnait au combat sur l'aide sociale men par l'UNEF et l'UGE de considrables renforts.

A la rentre 1980, je revenais de l'arme et commenait un DEA Jussieu. J'avais une chambre la cit d'Antony, la cit Jean Zay (photo ci-contre: vue prise du btiment C, poste par Pascal Verdier sur le groupe Facebook). On y trouvait Le sige national de la FRUF, dont le prsidence avait chue Jean-Franois Rossi, un tudiant corse taiseux mais terriblement efficace, et aussi l'AERUA, le modle de toutes les associations de rsidents. Cette qualification serait sans doute conteste par mon ami Pierre Rincon, dit Pedro, qui dirigeait ce moment l l'AERUBO de Bures-Orsay avant de rejoindre Antony l'anne suivante. AERUBO qui rivalisait avec l'AERUA dans l'excellence associative. La Cit Jean Zay tait immense, les chambres taient d'un bien meilleur standing que dans la plupart des cits construites aprs elle dans les annes 60 ou 70. Partout dans les couloirs, les affiches de l'AERUA, sans parler de celles de l'UEC. C'est dans cette cit que j'ai dcouvert ce qu'tait vraiment la FRUF, sa capacit de mobilisation et la force animatrice qu'elle avait pour les rsidents. La vie associative tait intense : l'AERUA avait un foyer, qui fermait tard et on l'on pouvait se restaurer un peu bien aprs la fermeture du RU. Bien pratique pour accueillir les militants aprs de longues soires de porte porte. C'tait Ernest un tudiant voltaque (Burkina Fasso) progressiste qui tenait le foyer avec sa copine Marie-Jo. Il mettait du Bob Marley tue-tte sur son magntophone cassettes. Quelques autres militants de la FRUF Antony dont le nom me revient : Jean-Grard Lacaze, Christine qui venait de Grenoble, Jean-Louis Bellet et Laure sa compagne, Patrick Theuret. L'AERUA organisait aussi un cin club, des tournois sportifs (car il y avait quelques quipements de qualit) et s'investissait dans la direction des "groupes d'tudes" qu'elle avait cre mais qui tait devenus autonomes par rapport elle. Les groupes d'tudes existaient pour la plupart des disciplines et organisaient des enseignements complmentaires avec des profs de l'extrieur qu'on dfrayait un peu pour leurs services. Il y avait un peu de matriel, et un budget (financ je crois par la rsidence), de premiers ordinateurs et des confrences, des activits de vulgarisation. Cependant la relative indpendance acquise par les groupes d'tudes par rapport l'AERUA nous imposait de faire campagne pour intgrer le bureau des groupes d'tudes car nous craignions qu'ils ne soient privatiss par certains au dtriment de l'ensemble des rsidentes et des rsidents.

Je pense que cette exprience des groupes d'tudes d'Antony et plus gnralement des cits U joua un rle dans l'orientation du congrs de Reims de l'UNEF qui remplaa les comits (qui ne s'appelaient plus comit d'action depuis le congrs de Nancy) par les groupes d'tudes. Je crois aussi me souvenir que 3 ans plus tard le congrs d'Orsay instaura les associations UNEF de filires ou de facs ou d'amphis en lien et place des Groupes d'tudes avec comme modle les associations de rsidents.

Je fus beaucoup plus actif Antony en 81-82 qu'en 80-81, car cette anne l j'tais surtout "sur l'UEC" Jussieu, pour faire la campagne de Marchais, mme si bien sur j'ai particip la campagne du CROUS de janvier 81 Antony (et ailleurs) et ai dmarr quelques activits UNEF 3eme cycle (j'y reviendrai ,dans un autre post). Mais en 81-82 j'intgrais le bureau des groupes d'tudes pour le compte de l'AERUA et je participais en parallle au dveloppement des luttes revendicatives. Etant tudiant non plus Jussieu mais l'Observatoire de Paris, peu renomm pour le volume des masses tudiantes qui le frquentaient, je fus cette anne l essentiellement un militant de la FRUF. Pedro nomm adjoint du prsident de la FRUF et qui devint peu aprs prsident en remplacement de Jean-Franois Rossi tait mon voisin de chambre. Une activit de lutte permanente de l'AERUA et non couronne de succs tait l'exigence de la rouverture du btiment C, abandonn quelques annes plus tt et qui tait devenu un squat se dgradant vue d'oeil. Plusieurs centaines de chambres laisses l'abandon et la destruction dont certaines s'clairaient la nuit la bougie ou la lampe lectrique. La dtermination du CROUS ne pas investir pour r-ouvrir des chambres bien utiles en raison de la pnurie permanente de logements tudiants tait sans doute le prmisse de la volont liquidatrice de cette splendide cit-U qui devait se concrtiser plus tard.

81-82 premire anne du "changement". En rsidence cela commence par l'annonce de la hausse du ticket de RU et du loyer des chambres. Nous nous mettons de suite Antony mais aussi dans plusieurs cits de France organiser la grve de la hausse. C'est dire que les grvistes payaient l'ancien prix. La grve dure des mois.Nous argumentons que le changement doit aussi passer par les cits U. Ce souvenir trs vif m'a toujours fait affirmer qu'il n'y avait pas dans les rangs de la FRUF ou de l'UNEF au dbut du mandat de Mitterand de soumission au pouvoir ou d'attentisme mais une volont d'agir pour hter le changement.

Cette lutte de 81-82 ne fut pas victorieuse, mais le combat se poursuivit l'anne suivante.

A partir d'Octobre 1982 j'tais retourn Marseille pour commencer une thse l'Observatoire de la ville. Pour la premire fois depuis le dbut de mes tudes je n'habitais plus en cit U mais dans un studio en ville. J'avais rintgr le bureau de l'AGEM-UNEF que j'avais quitt trois ans plus tt en partant l'arme, AGEM alors dirige par Roland Walger puis par Olivier Meier futur prsident national.

Rapidement il fut dcid que, compte tenu de mon exprience antonienne, je "suivrai" les Cit Us et essaierait de monter la FRUF l ou elle n'existait pas, c'est dire presque partout. Pour moi mme j'avais une revanche prendre sur le point faible de mes annes d'avant le service militaire.

Les lections du CROUS avaient lieu cette anne ds le mois de Dcembre et taient prcdes par les lections aux conseils de rsidence. En quelques semaines, nous avons mont des listes FRUF presque partout Marseille, en nous appuyant sur quelques camarades de l'UNEF et leurs amis et amies. Je me souviens d'avoir parcouru des centaines de kilomtres dans l'hiver 82-83 de Luminy Saint Jrome, de Gaston Berger Madagascar ou Gallinat et Cornil pour organiser des runions, faire des portes portes. Nous avions obtenu de trs bons rsultats dans les Cits U et aux lections au CROUS. En parallle des lections nous menions l'action contre les hausses du ticket de RU et des chambres en cit. Nous nous appuyons aussi sur le fait que fort de l'action de l'anne prcdente nous avions obtenu le report de la hausse des loyers cette anne l qui n'intervint qu'en dcembre. Quelques mois plus tard (automne 1983) nous avons alors organis un boycott tournant de tous les restaus-U de Marseille en quelques jours. Au del de l'augmentation des bourses , du blocage du prix du ticket de RU et du prix des chambres, revendications nationales, nous nous opposions aussi Marseille la mise en place de salles de restauration prix non rglement, que le CROUS commenait installer pour "rpondre la demande diversifie des tudiants" en prenant sur les salles des restaus-u classiques. Nous craignions en effet l'aggravation des queues sur les chanes classiques rserves aux tudiants les moins argents

Nous avions des propositions nationales pour financer nos demandes : la titularisation des personnels du CROUS (un objectif commun avec la CGT des CROUS enfin ralis il y a quelques mois seulement) et le remboursement de la TVA au CROUS

Dans la foule de ces boycotts et forts de nos lues et lus, nous avions obtenu dbut 1984 une entrevue au CROUS pour discuter de ces revendications.Yves Cottens'en souvient srement. Le CROUS n'avait pas cd. Mais notre implantation dans les cits Marseille s'tait renforce. Elle se confirma l'anne suivante et j'avais dj pu passer la main d'autres camarades, rsidents , cette fois pour coordonner la FRUF sur l'ensemble de Marseille en troite liaison avec l'AGEM-UNEF