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[discussions] Le mythe du rassemblement du mouvement etudiant

Posté par Jihad Wachill le 14/9.

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 Appelée "réunification" par l'UNEF-ID, ou plus pratiquement "rassemblement
du mouvement étudiant" à l'UNEF, le mouvement de fusion enclenché à Nanterre
voit déjà bien des nuages s'amonceler au-dessus de sa tête.
 Au niveau judiciaire, les développements dans l'affaire de la MNEF (dont la
mise en examen de l'UNEF-ID comme personne morale) rendent la pilule bien
difficile à faire avaler à l'UNEF. Néanmoins, gageons que nos dirigeants
vont utiliser la mise en redressement judiciaire de l'UNEF comme un argument
pour la réunification, jouant sur le fatalisme ou le défaitisme de certains
("vue votre situation financière...").
 Déjà, lors des élections au CNESER, un avertissement très clair venant des
AG et des élus UNEF a été adressé à la direction: la liste Ensemble pour
unir Université publique de qualité ouverte à tous, bien que jugée non
recevable par le ministère, a servi de catalyseur à un mouvement spontané
des élus UNEF qui se sont très majoritairement réfugiés dans le vote blanc
ou nul ou dans l'abstention. Mouvement spontané puisqu'aucune campagne
active conte le vote pour la liste UNEF-ID / UNEF n'a été menée, certains
élus (comme à Orléans) ayant même décidé de voter pour cette liste malgré
leur opposition au processus enclenché poiur faire barrage à l'UNI. Les élus
UNEF ont voté en leur âme et conscience et, malgré la pression de nos
dirigeants (que de coups de téléphone passés vers les élus!), ils ont
exprimé une réserve voire une opposition nette à l'encontre de la liste
commune qui leur était proposée: elle obtient 684 voix et 5 élus contre 611
et autant d'élus à la liste UNEF-ID seule il y a deux ans. Or, l'UNEF-ID
s'est légèrement renforcée depuis et la liste commune à incité des élus
associatifs sans doute plus nombreux qu'il y a deux ans à voter pour elle.
Il n'y a donc au plus que 73 élus sur les 184 officiellement revendiqués à
avoir voté pour la liste commune, sans doute en réalité nettement moins (une
cinquantaine). L'avertissement est clair...
 Simple poussée de sectarisme aigu ? Non, le malaise est plus profond et
tient autant à ce que beaucoup considèrent le processus de réunification
comme inopportun, d'autres ayant des réserves de principes, certains
combinent les deux...

 Le moment  est sans doute des plus mal choisis , quelques jours à peine
avant la mise en examen de l'UNEF-ID en tant que personne morale. Mais
au-delà, ce sont aussi l'état de faiblesse actuel de l'UNEF, tout comme les
hésitations et revirements concernant le processus de réunification qui
incitent à la réserve.
 L'état de faiblesse actuel de l'UNEF n'est un secret pour personne depuis
les élections aux CROUS suivies de la perte de notre élu au CNOUS. Cet
affaiblissement date de 1994, date à laquelle l'UNEF faisait jeu égal à plus
de 20% avec l'UNEF-ID, au sortir du mouvement contre le CIP, communément
appelé "SMIC jeune". Le mouvement de 1995, loin d'être l'apogée de
l'influence de l'UNEF, a au contraire simplement masqué le début de son
affaiblissement continu d'élection en élection depuis 1994. Pire, ce
mouvement atypique, fondé surtout sur des revendications budgétaires, s'est
voulu "la" référence d'une génération entière de nos dirigeants,
privilégiant une surenchère démagogique sur le budget de l'éducation
nationale au détriment d'une réflexion de fond globale et cohérente sur
l'enseignement supérieur... Ainsi, avec 9,75% des voix contre 42% à
l'UNEF-ID aux élections du CROUS, l'actuelle UNEF ne peut sérieusement
espérer peser plus en cas de réunification qu'une tendance croupion et sans
vraie emprise sur les décisions de l'actuelle UNEF-ID. Sans doute s'agit-il
là d'une vision qui peut être qualifiée de pessimiste, voire défaitiste par
certains, mais je pense surtout qu'elle est lucide et objective.
 Il n'en reste pas moins que les hésitations de notre direction sur la
réunification conduisent à se poser la question: pourquoi maintenant, alors
que l'influence de l'UNEF en milieu étudiant est au plus bas? Après avoir
tour à tour prôné le rassemblement au dernier congrès et même prévu le
processus pour décembre dernier, tenu ces "assises de rassemblement"
finalement sans l'UNEF-ID, provoquant un refroidissement conséquent des
relations entre les deux syndicats, refroidissement accentué lors de la
campagne des élections aux CROUS puis le refus d'une liste commune pour les
élections au CNOUS, nous avons assisté à un retour en force de cette idée en
un temps record. Cette situation est assurément absurde, et cela partisans
comme opposants affirmés de longue date de la réunification en conviennent:
celle-ci aurait sans doute été moins désavantageuse pour nous il y a un
an... Aujourd'hui, elle apparaît comme un aveu de faiblesse, voire pire, un
constat d'échec de nos dirigeants sans redressement possible.

 En dehors de ces considérations d'opportunité, d'autres arguments existent
sur le fond contre cette réunification: il s'agit d'un rassemblement
fourre-tout et d'un recul démocratique pour les étudiants.
 D'abord, le rassemblement envisagé est large, trop large sous doute, et y
perd sa vocations syndicale. En effet, un syndicat a voction  à se présenter
et défendre tous les étudiants sans distinction. Que dans le cadre du
"rassemblement" préconisé viennent se greffer des associations qui
localement accomplissement un travail syndical, passe encore. Mais je vois
mal, sans jugement de valeur aucun sur leur activité, comment des
associations communautaires ou culturelles (UEJF, EMF...) pourraient rentrer
dans ce cadre syndical, du fait même qu'elles se donnent pour but la défense
et la promotion, voire la représentation d'une partie seulement bien
déterminée, des étudiants et qu'il en va de leur existence même. Ces
association n'ont d'ailleurs objectivement aucun intérêt à entrer dans ce
"rassemblement", ou alors de manière très lâche, ce qui reviendrait à créer
une structure à géométrie variable attrape-tout; vidée de son contenu
syndical.
 Pire encore, ce rassemblement se donne clairement une vocation hégémonique
sur le "mouvement étudiant": comment décemment parler de "citoyenneté
étudiante" dans ces conditions? En effet, la référence de l'UNEF-ID depuis
la seconde moitié des années 80 est la "cogestion", c'est-à-dire la gestion
concertée de la politique universitaire par les pouvoirs publics et une
organisation étudiante à tous les échelons. Il s'agit là d'une revendication
de l'UNEF d'avant 68, qui ne manquait peut-être pas de bon sens dans le
contexte d'une certaine époque où l'UNEF exerçait un monopole sur le
syndicalisme étudiant, monopole légitimé par une adhésion très forte des
étudiants à son action et un taux de syndicalisation de 50%, soit 100 000
adhérents. Aujourd'hui, la "division" syndicale, ou plutôt le pluralisme
syndical. Quant au faible taux de syndicalisation, certains des partisans de
la réunification misent sur l'avenir, pronostiquant un regain de
syndicalisation mécanique grâce à une dynamique de rassemblement, vision
bien aléatoire, voire franchement naïve puisque même un retour au chiffre
historique de 100 000 adhérents signifierait aujourd'hui  un taux de
syndicalisation de 5% du fait de la massification de l'accès à
l'enseignement supérieur intervenue depuis les années 60. D'autres, plus
lucides, concèdent que le taux de syndicalisation n'explosera pas avec la
réunification. Ainsi, quelle légitimité aurait un syndicat unique étudiant
syndiquant sans doute seulement 1% des étudiants à revendiquer la
"cogestion" de l'enseignement supérieur avec les pouvoirs publics? Il
s'agirait là d'un recul démocratique majeur, allant dans le sens d'une
délégation de pouvoir toujours plus poussée où 1% de syndiqués, sorte
d'"élite éclairée", déciderait pour la masse des étudiants ce qui est bon ou
mauvais pour les étudiants. Enfin la prétendue "division" syndicale peut
être analysée comme un nécessaire pluralisme syndical, contrepartie de la
massification de l'accès à l'enseignement supérieur en France depuis les
années 60, qui a rendu la population étudiante de plus en plus hétérogène,
donc de moins en moins susceptible d'être représentée par une seule
organisation monopolistique du fait de la complexité voire la contradiction
des intérêts en présence. Si le syndicalisme étudiant veut avoir une
représentabilité optimale, étant donnée l'hétérogénéité de la population
étudiante, le pluralisme peut être un atout et non une faiblesse, à
condition d'être assumé.

 Finalement la réunification est contestée pour des questions de principe,
mais aussi car jugée inopportune dans le contexte actuel. Mais si cette
contestation prend des formes parfois excessives, c'est aussi car c'est
autant la méthode du "passage en force" de Nanterre après un an de
tergiversations et d'hésitations qui est contestée chez une direction qui
semble avoir perdu plus que l'adhésion de ses adhérents, leur confiance et
leur respect.