Oubliées, l'UNEF-ID et l'UNEF-SE, place à l'UNEF ! Les deux sœurs, séparées depuis 1971, se sont formellement retrouvées dimanche 24 juin dans une seule organisation. L'UNEF "Indépendante et démocratique", majoritaire chez les étudiants, se disait dépositaire des statuts historiques. L'UNEF "Solidarité étudiante", de la marque de la grande UNEF. Voilà le texte et l'image rassemblés. Cette "réunification", qui devait être entérinée lundi 25 au cours d'une assemblée constitutive, met fin à trente ans de luttes politiques au cours desquelles le syndicalisme étudiant n'a cessé de laisser des plumes.
De ce passé, Yassir Fichtali, président de l'UNEF-ID, qui conduira le nouveau syndicat, et Karine Delpas, son alter ego de l'UNEF-SE, n'ont certes pas fait table rase. Le premier dispose d'une majorité Gauche socialiste. La seconde anime une direction communiste. L'UNEF-ID, majoritaire auprès des étudiants, est familière des instances officielles de représentation. L'UNEF-SE, plus petite, est par tradition plus contestataire. La première affichait un "droit de tendance" permettant aux minorités politiques de s'exprimer. La seconde était fidèle au centralisme. La nouvelle UNEF composera. Moult précautions ont été prises pour que socialistes, communistes, trotskistes et autres "syndicaux" trouvent leur compte dans la nouvelle direction, composée d'une cinquantaine de membres.
Peu importe finalement, tant, sur les campus, il était devenu difficile de faire la différence entre l'une et l'autre. Elles ont ces derniers mois obtenu ensemble un demi-tarif pour les transports à Rennes et ont protesté de concert à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) contre l'insuffisance du budget de leur université. C'est cela qui compte désormais.
RENOUER AVEC LE "TERRAIN"
De nombreux aléas ont pourtant retardé la réunification. Dans les années1980, les tentatives de rapprochement menées à l'invitation d'étudiants proches de Socialisme et République, le courant de Jean-Pierre Chevènement, présent dans les deux UNEF, ont fait chou blanc. Le mot "réunification" a certes été prononcé au congrès de l'UNEF-ID de 1995. Mais quand Pouria Amirshahi, son président, a proposé de "construire la maison commune", il a reçu un accueil mitigé de l'autre UNEF. Il faut attendre mars 1999 pour que la réunification soit officiellement annoncée. Les élections à la MNEF sont l'occasion de présenter une liste commune, dont le succès est encourageant. "Le mur de Berlin est tombé. L'essentiel des différences qui existaient entre l'UNEF et l'UNEF-ID ont disparu", affirme alors Carine Se!
iler. Mais les oppositions internes, maîtrisées à l'UNEF-ID, font beaucoup tanguer l'UNEF-SE. Une partie de ses militants préférerait maintenir un pôle contestataire, autour du syndicat SUD, de la LCR et de la CNT notamment. D'autres craignent tout simplement de se faire manger tout cru par l'organisation majoritaire.
En juin 2000, nouvelle tentative. Les deux UNEF annoncent qu'un congrès de réunification se tiendra en décembre à Paris. Elles présentent, pour la première fois depuis trente ans, une liste commune aux élections des représentants étudiants du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (Cneser). Ce ne sera pas une franche réussite : les deux syndicats y perdent la majorité absolue. Quelques semaines plus tôt, l'UNEF-SE avait perdu toute représentation au Conseil national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous).
Le déclin de l'UNEF-SE a sûrement précipité les événements. Elle revendique 3 000 adhérents, quand l'UNEF-ID en affiche 15 000. Mais sur le fond, les deux organisations ont depuis longtemps dressé le constat de leurs limites. Si elles restent des interlocuteurs incontournables du ministère de l'éducation nationale, elles ne peuvent se satisfaire du fait que moins de 1 % des 2 millions d'étudiants soient syndiqués et que la participation aux élections internes des universités plafonne à 10 %.
"Le syndicalisme étudiant ne correspond pas à la demande ; ce que nous faisons vise à mieux y répondre", explique Karine Delpas. L'UNEF veut renouer avec le "terrain". Les nouveaux statuts prévoient la création d'un office des associations. En outre, l'unité de base de l'UNEF sera l'association générale étudiante (AGE), chaque campus pouvant organiser ses AGE. Enfin, le syndicat pourra accueillir des "commissions" de filières : une main tendue vers la coordination des étudiants de Staps (filières sports), le syndicat des étudiants en architecture ou encore le mouvement des étudiants de sciences économiques, que les UNEF ont vu se développer, impuissantes à traduire les préoccupations concrètes de leurs étudiants.
Dès la rentrée, plusieurs batailles sont prévues autour du statut étudiant, de l'allocation d'autonomie pour les jeunes, de l'harmonisation européenne des diplômes, de la régionalisation de l'enseignement supérieur et de la pédagogie à l'université. Une cohérence "maximum" doit en outre s'installer entre la Mutuelle des étudiants et le syndicat sur les dossiers sociaux. "Il sortira de la réunification soit une simple addition de forces, soit une dynamique dont ne pourra mesurer les effets que dans quelques années", analyse prudemment Robi Morder, président du Groupe d'étude et de recherche sur les mouvements étudiants. Dans l'immédiat, réunification signifiera surtout simplification. A la rentrée, les nouveaux bacheliers trouveront, dans le hall de leur université, un guichet d'accueil au lieu de deux.
Nathalie Guibert
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