[discussions] =?iso-8859-1?Q?r=E9flexions_sur_une_r=E9unification?=
Posté par laurent.tarayre le 4/6.
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Bonjour,
Il y a presque dix ans (déjà), j'étais étudiant et syndiqué à l'UNEF. C'est avec plaisir que je découvre vos (!) sites internet.
Je vois que la discussion actuellement porte sur une éventuelle réunification avec l'UNEF ID.
Avec le recul, voici tout d'abord ce que je retiens de mes "années UNEF":
- Un éparpillement des organisations à cause,j'exagère à peine, d'une virgule mal placée. Cet état d'esprit se retrouve dans les "terribles" divergences que je viens de lire et qui font que, aux yeux de certains, les deux UNEF ne peuvent pas se rejoindre. A lire certains messages, ce serait la fin du monde, l'ignoble trahison. Franchement, vu de l'extérieur, y'a pas de quoi fouetter un chat ! La multiplication des organisations, officines de partis politiques, ne joue pas en faveur des étudiants. Les opinions exprimées sont souvent tranchées (chacun ayant peur de trahir sa chapelle politique), les discussions tournent à la foire d'empoigne, l'écoute de l'autre est très limitée... Les étudiants s'en rendent vite comptent et désertent vos organisations. En syndiquant, allez, 1% ou 2% de la population étudiante, j'estime que vous ne répondez pas à ce qu'attendent l'immense majorité des étudiants. Et pourtant, il y a sûrement tant à faire... ou à ne pas faire si personne n'a envie de se bouger. Mais si vous avez envie de peser, d'être forts et crédibles, il faut chercher par tous les moyens l'union car il est très facile de jouer la carte de la division chez vos interlocuteurs pour mieux régner. Aujourd'hui comme hier, je constate que chez certains la volonté de se distinguer en créant son énième groupuscule toujours plus royaliste que le roi sur la base de détails anodins prend le pas sur une réelle volonté de faire bouger les choses. Regardez pourtant, en France comme à l'étranger, ce sont les organisations qui dépassent les clivages primaires, qui savent rassembler qui sont les plus puissantes et qui obtiennent le plus pour ceux qu'elles sont censées défendre.
- Des méthodes pas toujours démocratiques ( les AG par exemple ne représentent pas le summum de la démocratie : qui y vient ? les plus motivés! qu'y décide t on ? ce que le leader pense etc. etc.) où l'étudiant qui posait des questions, ou qui n'était pas vraiment d'accord ou qui n'avait pas envie de faire grève était immédiatement catalogué par la bien pensance syndicale et montré du doigt. Pourtant parmi ces étudiants, il n'y avait pas que des gens de droite ou des écervelés ! J'en veux pour preuve les collègues de travail qui, gardant un très mauvais souvenir des méthodes des deux UNEF , ne veulent pas entendre parler de se syndiquer aujourd'hui. Bien des comportements enflammés ont eu un effet repoussoir chez de nombreux jeunes, dont beaucoup, j'insiste, sincèrement de gauche. Actuellement, la situation ne doit pas être bien différente. Je connais des étudiants partageant vos (nos) valeurs et qui sont indifférents au syndicalisme étudiant. Indifférents parce qu'il n'apparaît pas vraiment utile à leurs yeux, ni à l'image de ce qu'ils sont. Reconnaissons que sans véritable projet, sans réel pouvoir dans les facs, sans moyens militants et financiers, sans assise profonde dans les milieux étudiants, vos deux organisations séparées ne sont malheureusement pas très crédibles ! Il s'en suit une indifférence complète de la part des média et des autres forces (politiques, syndicales, associatives...) de la société. J'en veux pour preuve le simple fait que je côtoie régulièrement des étudiants et que je milite dans diverses organisations mais que je n'avais pas entendu parler jusqu'à ce soir de votre éventuelle réunification, ni de vos luttes actuelles !
- La troisième faiblesse du syndicalisme étudiant est le "turn over" de son public. On est censé rester que peu d'années étudiant d'où un travail de formation des militants qui est toujours à refaire ainsi que le travail de reconnaissance auprès des nouveaux étudiants. C'est une faiblesse mais ça peut devenir une force à partir du moment où on s'appuie sur la spontanéité et sur ce qui intéresse les étudiants, leurs façons d'être, leur façons d'agir.
Je considère donc aujourd'hui que la réunification ne peut être qu'une bonne chose car ce qui manque au monde étudiant, c'est de disposer d'une grande organisation syndicale de sensibilité disons humaniste, laïque et progressiste dont l'objectif serait la défense des étudiants pour qu'ils puissent vivre et étudier dans de meilleures conditions, point. La révolution, elle attendra ! En tout cas, elle ne partira jamais des facs. : il faut voir la réalité en face, ça ne représente aucun intérêt économique. Pour le reste, chacun est libre d'aller défendre d'autres causes dans d'autres assos spécifiques, mais sans engager systématiquement le syndicat. Tout doit être discuté et voté sans dogmatisme et il faut accepter que le copain d'à côté ne pense pas pareil : et oui, chacun est différent. Il existe dans la société comme dans le monde étudiant plusieurs gauches. Tous ces courants de pensée ont leur histoire et jamais aucun ne triomphera de l'autre (malgré l'ego de certains). Cela doit être reconnu et accepté de tous pour, grâce à ces différences, construire cette grande organisation dont le monde étudiant a tant besoin.
Ce syndicat (peu importe le nom) devra se fixer comme objectif d'être représentatif du monde étudiant (qui adhère généralement à ces valeurs) c'est à dire de construire un projet d'ensemble pour l'université à partir des véritables préoccupations des étudiants. Les méthodes et les façons de militer seront singulièrement différentes de celles que j'ai connu (et qui doivent peu ou prou être les mêmes aujourd'hui). Chaque adhérent ou militant reconnaîtra que tout le monde (c'est heureux) ne pense pas pareil (tout sujet doit faire débat, il n'y a pas de dogmes) ce qui n'empêche pas d'être dans la même organisation. Je vous assure, personne n'est mort parce qu'à un certain moment il a mis un peu d'eau dans son vin (après avoir écouté les arguments d'autrui... et c'est toujours réciproque) ou qu'il a accepté d'être mis en minorité ! Le moyen de voir si ce syndicat est représentatif et légitime serait qu'il soit majoritaire certes, mais aussi que son nombre d'adhérents et surtout que le taux de participation aux élections soit enfin significatif. On en était très loin il y a dix ans, vous en êtes sûrement très loin encore aujourd'hui.
Mais c'est à cette condition seulement que le syndicalisme étudiant et son projet sera reconnu auprès des médias, du pouvoir, des organisations syndicales de salariés, des partis politiques...
Là, les choses pourront commencer à bouger. La parole des étudiants sera entendue.
Sinon, vous resterez une simple et gentille école de formation militante pour des luttes futures, dans d'autres domaines... Ce qui est déjà pas mal, mais ce qui n'est pas grand chose croyez moi !
Quoi que vous fassiez comme choix, je vous souhaite beaucoup de courage! Le défi à relever est important.
Amitiés.