Lettre au Président de
la République d'universitaires d'Aix-Marseille
Voilà maintenant trois mois que la France est engagée dans une guerre qui n'ose pas dire son nom, une sale guerre.
Monsieur le Président, vous avez voulu que notre pays entre en guerre, que votre gouvernement nous fasse entrer en guerre, sans que nos élus ne soient consultés. Pourtant seul le parlement que nous avons élu peut décider la guerre ! Et cette guerre est menée contre les lois du monde de l'ONU, de la Cour Internationale de La Haye, contre la chartre de l'OTAN même !
Pour cette guerre, Monsieur le Président, vous êtes poursuivi, ainsi que Messieurs JOSPIN, VEDRINE et MARCHAND. Diverses plaintes ont été déposées devant le Tribunal contre les Crimes en Yougoslavie par des citoyens grecs, canadiens et maintenant d'autres pays dont le nôtre. Madame Louise ARBOUR, procureur de la Cour Internationale de Justice de LA HAYE, enquête sur votre compte et celui de vos collègues des pays de l'OTAN. Elle enquête pour crime de guerre et crime contre l'humanité.
Les Français savent que nous menons en Yougoslavie une guerre contre les civils, contre les simples gens.
L'aviation de lOTAN , nos avions participent au massacre de milliers de personnes. 30 % des victimes sont des enfants. Nous empoisonnons un pays, une région dEurope. Nous en faisons comme dit l'historien latin TACITE "un désert que vous appellerez la paix ".
Nous utilisons des armes interdites par toutes les conventions que nous avons signées : bombes à uranium appauvri, bombes à fragmentation qui répandent des mines sur des kilomètres carrés.
Nous qui avons lutté pour l'interdiction des mines antipersonnelles nous nous parjurons !
Nous détruisons des écoles,
des hôpitaux. La médecine n'existe pratiquement
plus en Yougoslavie. Les bombes
au graphite, en coupant l'électricité, détruisent
les scanners et les couveuses.
La liste de nos crimes nous donne le vertige !
Pourquoi faisons-nous ça, Monsieur le Président ?
La guerre en Yougoslavie dure depuis 1992. Il y a eu des massacres et des erreurs et les Serbes y ont pris une large part. Mais ils ne furent pas les seuls. Le gouvernement de Milosevic est un gouvernement ultra nationaliste, gangrené par la violence et la corruption, hautement responsable de crimes dans l'ensemble du pays.
Mais il n'est pas pire que bien d'autres, en Europe même, que loin de châtier, nous traitons comme des amis.
La situation au Kosovo, qui puise ses origines dans des centaines d'années d'une histoire sanglante, est complexe. Il y a eu depuis l'été 98 une guerre, de libération pour les uns, terroriste pour les autres, menée par l'UCK et une répression terrible.Mais il n'y avait pas de " nettoyage ethnique " jusqu'aux bombardements de l'OTAN. L'exode tragique d'un million de Kosovars était prévisible, annoncée par l'extrême droite du gouvernement serbe, connue des dirigeants de lOTAN. Malgré cela nous avons lancé les bombardements. Là encore nous avons une terrible responsabilité dans une tragédie.
Vous avez avec votre gouvernement jeté de l'huile sur le feu. La farouche résistance yougoslave fait que la guerre aérienne dure, et qu'elle ne pourra briser la volonté d'un peuple courageux que sous un déluge de feu, sous encore plus de cadavres.
Nous ne voulons pas ça.
Nous ne voulons pas que nos fils meurent là-bas et pour ça !
Car on nous cache nos pertes : nous avons perdu des avions, des Français sont prisonniers, nos hommes près de la ligne de feu souffrent. Si l'OTAN veut déclencher une opération au sol, les morts dans nos rangs seront nombreuses.
Pourquoi nos enfants devraient-ils mourir, et pour qui ?
Parce que pour qui tout ça ?
Qui a intérêt à ce carnage en Europe ? Ceux qui ont poussé à l'échec des pourparlers de Rambouillet en voulant imposer aux Yougoslaves l'occupation de leur pays ? Ceux qui poussent à l'intransigeance et au diktat de l'OTAN alors que linitiative pour un accord pourrait déboucher ?
Veut-on casser l'Europe ? Veut-on en faire la vassale des Américains ?
Qui a intérêt à créer à une encablure des cotes italiennes un abcès purulent en renforçant l'UCK, liée au trafic de la drogue, à la mafia, partisane d'une Grande Albanie, dont la prise de pouvoir entraînerait une tension régionale et méditerranéenne constante ?
Nous refusons que le peuple kosovar, que le peuple albanais ne soit à son tour et une fois encore utilisé comme une menace pour ses voisins !
L'Europe est un corps couvert de vieilles cicatrices. On les rouvre à plaisir . On creuse les lignes de fracture médiévales : chrétiens contre musulmans, catholiques contre orthodoxes.
Où cela s'arrêtera-t-il ?
Chez nous les gens souffrent dune politique néo-libérale qui entraîne chômage, restrictions budgétaires, privations et surtout l'absence d'espoir. Cette guerre n'apporte rien de bon. Sous des motifs humanitaires c'est la barbarie qu'elle exhibe !
Aussi nous vous demandons :
* DE RETIRER IMMEDIATEMENT NOS
TROUPES COMBATTANTES
* D'EXIGER DES AUTRES MEMBRES DE L'OTAN LA FIN DES
BOMBARDEMENTS ET L'OUVERTURE DES NEGOCIATIONS
Premiers signataires:
Jacques Jedwab psychanalyste.
Marseille
Annie Colas psychologue. ingénieur
d'études. CNRS. Aix.
Danielle Bleitrach Maître
de Conférence en Sociologie. Université de Provence. Aix
Jacky Bouju. Ethnologue. Maître
de Conférence. Université de Provence. Aix
Anne-Marie Daune-Richard. chargée
de recherche. CNRS. Aix en Provence
Mohamed Dendani, sociologue
maître de conférence Aix
Jacques Lautman, professeur
sociologie. Aix
Michèle Pagès.
Sociologue, maître de conférence. Aix
Jean Peneff, professeur. Aix.
Sociologie
Patrick Perez , Maître
de Conférence sociologie, Aix
Jean luc Primon , sociologie,
maître de conférence. Nice
Trinh Van Tao , Professeur.
Aix . Sociologie
Jean Claude Weiler PRAG Economie
gestion LEA. Aix