(Trait d'Union n°10, décembre 1999 - janvier 2000, p. 4)

Licence professionnelle: l'arnaque du troisième millénaire

On ne sait même pas très bien ce que c’est ! Il s'agit, à l'échelle nationale, d'une formation en un an, donnant le grade de licencié, ouverte aux titulaires de formations courtes (DUT, BTS), et du premier cycle (DEUG), ainsi qu'aux actifs, dans le cadre de la formation continue. Jusque là, rien à redire : la poursuite d'études longues, après un DUT ou un BTS, avait toujours été un problème pour les nombreux étudiants qui souhaitaient aller plus loin. On va voir que, d'après le peu que nous savons, la LP n'est pas du tout la formation plus poussée que ceux-ci souhaitaient.

La LP doit, selon, selon l'arrêté ministériel présenté au CNSER, "réalise[r] une mise en contact réelle de l'étudiant avec le monde du travail." En pratique : stage de 12 à 16 semaines, projet tutoré (stage bis, donc), d'un quart de la formation, 25% de cours par des professionnels, comprendre par des actifs du secteur privé, entre 25 et 50% de professionnels dans les jurys, enfin "partenariats mis en œuvre avec les milieux professionnels pour la conception de la formation" (comprendre, avec les patrons).

Au total, l'idée que l'Université est la fidèle servante du MEDEF (en langage contemporain, "sait s'adapter à l'inéluctable et sans cesse accélérée évolution de l'économie et des techniques, dans un monde concurrentiel"), du MEDEF et de ses besoins immédiats en bois de chauffe. L'idée de savoir, comme théorie générale permettant de prendre de la distance, de se développer et de s'orienter dans le monde, et même dans le monde professionnel, voire ensuite de se recycler, n'existe plus.

En effet, si ces précisions sur le rôle du MEDEF (ou des chambres de commerce, puisqu'il faut s'adapter à l'échelle locale) sont assez nettes, rien n'est dit des modalités concrètes du stage, acitivités proposées, rémunération : aucune garantie pour l'étudiant. Rien n'est dit sur les débouchés. Rien non plus sur l'éventuelle poursuite d'études, ou plutôt pire que rien : on sait juste que la LP ne donne pas le droit de s'inscrire en Maîtrise, sauf procédure dérogatoire. Quant à la "formation générale", ce qui s'appelait à une époque la théorie, la science, le savoir, cela vise "notamment, à faciliter la maîtrise et l'utilisation de l'expression écrite et orale, d'au moins une langue vivante étrangère et des outils informatiques ainsi qu'à améliorer la connaissance de l'entreprise." Cette citation était bien nécessaire : on a du mal à y croire, mais pas question de toutes ces petites choses qui pouvaient s'appeler électricité, mécanique, chimie, statistiques, gestion, etc., et qui permettent de voir un peu plus loin que ce qu'il faut pour faire un bon stagiaire puis un bon intérimaire à vie.

On voit que nous ne savons qu'une seule chose : le tout sera étroitement contrôlé par les entreprises consommatrices de stagiaires, et l'idée de la professionnalisation qui est à l'œuvre, c'est qu'on apprend en préparant le café dans une entreprise plutôt qu'en ayant la possibilité d'étuider de manière générale tous les éléments du métier qu'on veut pratiquer. Sur le contenu, presque rien et de toute façon c'est à chaque fac de le décider. Il n'y a pas de définition nationale. Là encore, on a du mal à y croire. Comment croire que les diplômes puissent avoir encore une valeur nationale ? Ce sera après "18 mois d'expérimentation" (in vivo, l'expérimentation, bien sûr) qu'on fera un bilan et qu'il y aura un arrêté national de définition.

A Paris-IV, ce sera quoi ? Trois projets étaient à l'ordre du jour du Conseil Scientifique du 11 décembre d' "habilitations de diplômes", pour 2000-2001, "licence professionnelle: collaborateur des relations internationales, métiers de la librairie et multi-média, techniques et langages des média". Seule la troisième LP, TLM, correspondait à une filière existante. Des deux autres, on ne savait rien. Finalement un seul a été voté, le premier. Le CS a donc validé un intitulé sans contenu ! Mais la protestation de nos élus à ce conseil a permis une victoire provisoire: ils n'ont pas été soumis au Conseil d'Administration du 18. Ce n'est sans doute hélas que partie remise

Au total, le projet national est volontairement très flou, avec deux points essentiels: contrôle patronal à tous les niveaux, et, corrélativement, absence de définition nationale. Et ce qui se prépare à Paris-IV même ne nous rassure pas du tout.