(T-U 5, nov-déc 1998, p.2)

  SEMESTRIALISATION:
l'ouragan Bayrou-Attali arrive sur Paris IV

 

L'UNEF avait réussi à empêcher jusqu'à présent l'application de cet aspect particulièrement dangereux de la réforme Bayrou. C'est fini: le CEVU et le CA (Conseil des Études et Conseil d'Administration) viennent de voter le passage à la semestrialisation. Pas de gaieté de coeur: les élus UNEF étaient contre, les profs aussi (Quant à l'UNEF-ID, dont nous n'avons toujours pas compris pourquoi elle était pour, ses élus sont rarement présents et jamais nombreux. Même chose pour l'UNI, dont nous savons très bien pourquoi elle est pour). Mais quand notre élu est intervenu au CA pour dire que l'UNEF soutiendrait fermement toute solution maintenant les modules sur un an, Monsieur Molinié a répondu que le ministère avait donné l'ordre formel de semestrialiser. Cela voulait dire qu'en cas de refus il couperait les crédits de l'Université. La démocratie universitaire selon Allègre...

 

La semestrialisation semble une mesure technique sans grande portée. Au lieu d'avoir, par exemple, six modules sur l'année, avec trois heures de cours et TD par semaine, on en a trois au premier semestre, trois au deuxième, avec six heures par semaine. Rien de changé, à première vue.
Ceux qui la défendent n'ont d'ailleurs pas beaucoup d'arguments. Le principal est que "C'est comme ça partout ailleurs en Europe". Magnifique ! Mais si on regardait plutôt les conséquences que ça a, partout où ça existe ?

 En effet, au deuxième coup d'oeil, la semestrialisation a des effets catastrophiques
1) Deux heures par semaine jusqu'en janvier, ça n'équivaut pas à une heure jusqu'en juin. Le temps pour assimiler, prendre du recul par rapport au cours, s'approprier les connaissances, est deux fois moindre.
Au lieu d'étudier parallèlement les différents aspects d'une matière (en histoire, les quatre périodes, en français, les différents siècles...) on se bourre le crane successivement avec deux ou trois d'entre eux. Ce n'est pas la même approche !
2) Elle pose un problème pratique: deux fois plus de sessions d'examens ! En effet, les terminaux du premier semestre auront lieu en janvier, à l'époque qui est aujourd'hui celle des partiels.
Que faire de ceux-ci ? Il y a deux solutions, toutes deux désastreuses (chaque conseil d'UFR devra trancher). La première est de les maintenir au milieu de chaque module, c'est à dire en novembre (un mois après la rentrée !). La deuxième, encore pire, est de les supprimer, ce qui veut dire que nous n'aurions plus qu'un exercice écrit par module au lieu de deux. Quoi qu'en disent ceux qui nous prêchent la "méthodologie" (sans jamais nous dire en quoi elle pourrait consister), le seul moyen connu d'apprendre à faire des dissertations, des commentaires et des versions, c'est d'en faire. Plus de partiel signifie plus d'occasion de s'entrainer et de s'améliorer avant le terminal.
3) Elle menace plus gravement encore tous ceux (il y en a, malheureusement) qui n'ont pas les moyens d'être étudiants à plein temps. C'est le système même de l'examen terminal qui est remis en cause. On pouvait, avant, travailler à plein temps toute l'année et consacrer le mois de juin aux exams. Désormais, il faudra en passer aussi en janvier. De plus, le CA et le CEVU ont décidé que les modules optionnels seraient notés à 100 % en contrôle continu: plus aucune possibilité de contrôle terminal donc.

 De plus, la semestrialisation ouvre la porte à toute sorte d'attaques.
Contre la session de septembre. Elle est maintenue cette année: c'est une grande victoire de l'UNEF (et, il faut le dire, de l'UNEF seule). Mais pour combien de temps ? La logique de la semestrialisation implique sa suppression: de nombreuses facs l'ont déjà fait. Il ne sera d'ailleurs pas évident de repasser en septembre des modules sur des sujets dont nous n'aurons plus entendu parler depuis janvier. Pour tous les partisans de la réforme, une solution simple s'impose: plus de session de rattrappage, ou une deuxième session juste après la première, qui ne donne aucune chance de faire de nouvelles révisions pour se mettre à niveau. Coup dur pour tous les étudiants, et en particulier pour les étudiants salariés.
Enfin cette application forcée de la réforme Bayrou, qu'on avait pu croire un instant enterrée, prépare la mise en oeuvre du rapport Attali, qui préconise la soumission des facs aux entreprises privées. En cassant l'année universitaire, on ouvre la possibilité de l'alternance un semestre de cours (bâclés) / un semestre de stage (sous-payé et sans formation réelle). Juppé et Bayrou en avaient rêvé, Jospin et Allègre le ferons, si nous ne réagissons pas.