Texte élaboré par la réunion fondatrice de l'UNEF (RS) Réforme Lang des ECTS : Attention Danger !!
La réforme Lang est une nouvelle attaque contre
l'objectif d'une Université publique de qualité
ouverte à tous. Dans l'anonymat du CNESER (conseil
national de l'enseignement supérieur et de la
recherche), la réforme Lang suit son cours. Cette
réforme est dangereuse. Voici pourquoi.
LA CASSE DU CADRE NATIONAL DES DIPLOMES
- Chaque université est encouragée par le ministère à
mettre en place des projets "innovants", à concocter
de nouveaux diplômes maisons. Une procédure
d'habilitation des diplômes a posteriori (après
"évaluation") remplace désormais la procédure a
priori. C'est la porte ouverte à la régionalisation
des diplômes. Pour mieux préparer les facs à la
concurrence européenne et mondiale, Lang est donc prêt
à faire sauter le cadre national des diplômes.
- Plus d'autonomie va de pair avec plus d'évaluation :
le rapport Fitoussi (approuvé par Lang) prévoit ainsi
que les étudiants pourront consulter sur internet les
"performances" des différentes universités et faire
leur marché. La mise en concurrence des facs établira
un système universitaire à deux vitesses. D'une part,
les facs d'élite, qui sélectionneront leurs étudiants,
se placeront sur le marché mondial de l'éducation -
dont la libéralisation progressive est programmée par
l'OMC. D'autre part, les facs poubelles, délaissées
par les pouvoirs publics, accueilleront le gros des
stocks étudiants.
LA PROFESSIONNALISATION GENERALISEE DE L'UNIVERSITE
- Un objectif primordial de la réforme est "de
développer la professionalisation" des cursus. Cette
professionnalisation est déjà bien entamée : de
nombreuses filières professionnalisées sélectives
(IUP, magistères) remplacent dors et déjà des filières
générales (qui risquent de plus en plus de devenir des
filières de relégation). Cette professionalisation
rampante est imposée aux facs, appauvries, contraintes
d'accepter ces filières pour toucher le pactole
financier qui les accompagne. De même, le manque de
moyens des facs les poussent à passer des contrats
avec des entreprises.
- Avec l'unification de l'actuel troisième cycle
(DEA-DESS) dans le grade "mastaire", la spécificité
des DEA est menacée : l'actuel DEA ne sera plus qu'un
mastaire avec "orientation recherche". Nous avons
pourtant besoin de chercheurs intègres au service de
la société, et non de chercheurs encouragés à créer
leur start-up (loi Allègre sur l'innovation de 1999)
parallèlement à leur travail universitaire.
- Nous refusons cette professionnalisation des cursus
synonyme de main-mise croissante du patronat sur les
programmes. C'est un changement total de la fonction
de l'Université qu'on veut imposer : non plus donner
une formation intellectuelle pouvant servir dans un
grand nombre de carrières, mais fournir de la main
d'oeuvre à très bon marché à très court terme -
pendant les études : stagiaire ; ensuite : chômeur,
pour laisser la place à d'autres stagiaires - au
patronat, tandis que les Grandes Écoles fourniront les
cadres.
QUELLE VALEUR AURAIENT CES DIPLOMES DEMONTABLES ?
- Le créditage des modules se fait selon la "charge de
travail". Ainsi, tout est placé sur le même plan et
converti en équivalent-heure de travail : or, les
diplômes doivent sanctionner l'acquisition d'un
savoir. On ne peut pas mettre sur le même plan les
disciplines fondamentales et "l'apprentissage des
compétences transversales" (langues, informatique) :
il faut tout de même distinguer le savoir et les
moyens de communiquer ce savoir ! Lang est bien le
disciple d'Allègre pour qui l'enseignement du français
doit avant tout servir à écrire correctement des CV !
ECTS permet en outre de mieux insérer les stages dans
les cursus, alors que beaucoup de stages sont
sous-payés et pas formateurs pour un sou. Mais peu
importe ! Il s'agit de tout agglomérer pour mieux
dissoudre les savoirs fondamentaux.
Comble de la démagogie : Lang prévoit une validation
des actions syndicales (pour les dirigeants), histoire
de se mettre dans la poche les syndicats !
- Par ailleurs, Lang n'a que le mot
"pluridisciplinarité" à la bouche. Nostalgie de la
quête du savoir encyclopédique ? Non ! Il ne s'agit en
fait que d'un cache-sexe d'une réforme des
enseignements réintroduisant le patronat dans la
définition des programmes. Déjà, à Montpellier III, un
Deug pluridisciplinaire a été créé pour répondre à une
"demande profonde d'implantation professionnelle
régionale". Fitoussi, dans son rapport sur
l'enseignement de l'économie, regrette, avec le
patronat, le bon vieux temps des cursus mixtes
d'économie-gestion.
Il faut au contraire défendre les disciplines
traditionnelles menacées par un patchwork
pluridisciplinaire insipide, alibi pour fermer les
filières les moins rentables et "faciliter la création
d'enseignements par des méthodes faisant appel aux
technologies de l'information".
En outre, la pluridisciplinarité empêche tout
approfondissement d'un type de savoir. Nous refusons
la secondarisation de la fac. Fitoussi propose de
faire de la première année, une année d'orientation :
a-t-on besoin d'une année entière de garderie pour
choisir sa voie ? Ce type de mesure ne peut
qu'accroître le fossé entre les classes prépa et la
fac.
ECTS MENACE LES DROITS DES ETUDIANTS
- Officiellement, la compensation et la session de
septembre peuvent être rendues compatibles avec le
système ECTS. Courageusement, le ministère laisse
carte blanche aux universités et ne veut pas prendre
la responsabilité du démantèlement des acquis du
syndicalisme étudiant.
On voit mal comment le système ECTS peut être rendu
compatible avec le système actuel de validation par
année universitaire, avec capitalisation des acquis et
compensation entre les notes. Sur ce point, Lang ne
dit rien : ça n'est pas bon signe.
La session de septembre est indispensable, en
particulier pour les étudiants salariés qui profitent
de la période des vacances pour se remettre à niveau.
Lang a décidé de ne pas garantir cette session et de
renvoyer la patate chaude aux universités.
- ECTS restructure le système universitaire français
en 3 grades (système 3-5-8) comme le préconisait le
rapport Attali : licence-mastaire-doctorat.
Autrement dit, la première sortie diplômante sera à
Bac +3. Le Deug, maintenu articiellement, n'aura plus
aucune lisibilité, ni aucune valeur. L'effet de cette
mesure sera dissuasif pour les étudiants de milieu
modeste qui n'ont pas forcément la possibilité de
faire des études longues.
à Evry, le 6 janvier 2002