Texte élaboré par la réunion fondatrice de l'UNEF (RS)
à Evry, le 6 janvier 2002

Réforme Lang des ECTS : Attention Danger !!

La réforme Lang est une nouvelle attaque contre l'objectif d'une Université publique de qualité ouverte à tous. Dans l'anonymat du CNESER (conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche), la réforme Lang suit son cours. Cette réforme est dangereuse. Voici pourquoi.

LA CASSE DU CADRE NATIONAL DES DIPLOMES

- Chaque université est encouragée par le ministère à mettre en place des projets "innovants", à concocter de nouveaux diplômes maisons. Une procédure d'habilitation des diplômes a posteriori (après "évaluation") remplace désormais la procédure a priori. C'est la porte ouverte à la régionalisation des diplômes. Pour mieux préparer les facs à la concurrence européenne et mondiale, Lang est donc prêt à faire sauter le cadre national des diplômes.

- Plus d'autonomie va de pair avec plus d'évaluation : le rapport Fitoussi (approuvé par Lang) prévoit ainsi que les étudiants pourront consulter sur internet les "performances" des différentes universités et faire leur marché. La mise en concurrence des facs établira un système universitaire à deux vitesses. D'une part, les facs d'élite, qui sélectionneront leurs étudiants, se placeront sur le marché mondial de l'éducation - dont la libéralisation progressive est programmée par l'OMC. D'autre part, les facs poubelles, délaissées par les pouvoirs publics, accueilleront le gros des stocks étudiants.

LA PROFESSIONNALISATION GENERALISEE DE L'UNIVERSITE

- Un objectif primordial de la réforme est "de développer la professionalisation" des cursus. Cette professionnalisation est déjà bien entamée : de nombreuses filières professionnalisées sélectives (IUP, magistères) remplacent dors et déjà des filières générales (qui risquent de plus en plus de devenir des filières de relégation). Cette professionalisation rampante est imposée aux facs, appauvries, contraintes d'accepter ces filières pour toucher le pactole financier qui les accompagne. De même, le manque de moyens des facs les poussent à passer des contrats avec des entreprises.

- Avec l'unification de l'actuel troisième cycle (DEA-DESS) dans le grade "mastaire", la spécificité des DEA est menacée : l'actuel DEA ne sera plus qu'un mastaire avec "orientation recherche". Nous avons pourtant besoin de chercheurs intègres au service de la société, et non de chercheurs encouragés à créer leur start-up (loi Allègre sur l'innovation de 1999) parallèlement à leur travail universitaire.

- Nous refusons cette professionnalisation des cursus synonyme de main-mise croissante du patronat sur les programmes. C'est un changement total de la fonction de l'Université qu'on veut imposer : non plus donner une formation intellectuelle pouvant servir dans un grand nombre de carrières, mais fournir de la main d'oeuvre à très bon marché à très court terme - pendant les études : stagiaire ; ensuite : chômeur, pour laisser la place à d'autres stagiaires - au patronat, tandis que les Grandes Écoles fourniront les cadres.

QUELLE VALEUR AURAIENT CES DIPLOMES DEMONTABLES ?

- Le créditage des modules se fait selon la "charge de travail". Ainsi, tout est placé sur le même plan et converti en équivalent-heure de travail : or, les diplômes doivent sanctionner l'acquisition d'un savoir. On ne peut pas mettre sur le même plan les disciplines fondamentales et "l'apprentissage des compétences transversales" (langues, informatique) : il faut tout de même distinguer le savoir et les moyens de communiquer ce savoir ! Lang est bien le disciple d'Allègre pour qui l'enseignement du français doit avant tout servir à écrire correctement des CV ! ECTS permet en outre de mieux insérer les stages dans les cursus, alors que beaucoup de stages sont sous-payés et pas formateurs pour un sou. Mais peu importe ! Il s'agit de tout agglomérer pour mieux dissoudre les savoirs fondamentaux. Comble de la démagogie : Lang prévoit une validation des actions syndicales (pour les dirigeants), histoire de se mettre dans la poche les syndicats !

- Par ailleurs, Lang n'a que le mot "pluridisciplinarité" à la bouche. Nostalgie de la quête du savoir encyclopédique ? Non ! Il ne s'agit en fait que d'un cache-sexe d'une réforme des enseignements réintroduisant le patronat dans la définition des programmes. Déjà, à Montpellier III, un Deug pluridisciplinaire a été créé pour répondre à une "demande profonde d'implantation professionnelle régionale". Fitoussi, dans son rapport sur l'enseignement de l'économie, regrette, avec le patronat, le bon vieux temps des cursus mixtes d'économie-gestion.

Il faut au contraire défendre les disciplines traditionnelles menacées par un patchwork pluridisciplinaire insipide, alibi pour fermer les filières les moins rentables et "faciliter la création d'enseignements par des méthodes faisant appel aux technologies de l'information".

En outre, la pluridisciplinarité empêche tout approfondissement d'un type de savoir. Nous refusons la secondarisation de la fac. Fitoussi propose de faire de la première année, une année d'orientation : a-t-on besoin d'une année entière de garderie pour choisir sa voie ? Ce type de mesure ne peut qu'accroître le fossé entre les classes prépa et la fac.

ECTS MENACE LES DROITS DES ETUDIANTS

- Officiellement, la compensation et la session de septembre peuvent être rendues compatibles avec le système ECTS. Courageusement, le ministère laisse carte blanche aux universités et ne veut pas prendre la responsabilité du démantèlement des acquis du syndicalisme étudiant.

On voit mal comment le système ECTS peut être rendu compatible avec le système actuel de validation par année universitaire, avec capitalisation des acquis et compensation entre les notes. Sur ce point, Lang ne dit rien : ça n'est pas bon signe.

La session de septembre est indispensable, en particulier pour les étudiants salariés qui profitent de la période des vacances pour se remettre à niveau. Lang a décidé de ne pas garantir cette session et de renvoyer la patate chaude aux universités.

- ECTS restructure le système universitaire français en 3 grades (système 3-5-8) comme le préconisait le rapport Attali : licence-mastaire-doctorat. Autrement dit, la première sortie diplômante sera à Bac +3. Le Deug, maintenu articiellement, n'aura plus aucune lisibilité, ni aucune valeur. L'effet de cette mesure sera dissuasif pour les étudiants de milieu modeste qui n'ont pas forcément la possibilité de faire des études longues.