Contre les réformes Allègre,
pour l'Université publique !

 Depuis de nombreuses années, quels que soient les gouvernements, l'Université est victime d'une même logique: casse du service public, désengagement financier de l'Etat, régionalisation, soumission croissante aux intérêts à court terme des entreprises, remise en cause du contenu scientifique des enseignements (ça coûte cher et, de leur point de vue, ça ne rapporte rien).

 La pièce maîtresse en a incontestablement été la réforme Bayrou en 1997. Elle comportait trois points principaux :
1) Remplacement de la première année de DEUG par une année d'orientation bidon, avec un risque net de sélection.
2) Casse de la cohérence de l'année universitaire et des cursus sous prétexte de semestrialisation. C'est le point central.
3) Intégration dans les cursus de deuxième cycle de stages sous-payés (1700F / mois !) sans autre but que vider les facs en fournissant de la main d'oeuvre à très bon marché (autant d'emplois véritables en moins !), les fameux «stages diplômants». Il n'en est pas encore question à Paris IV, mais ce sera la prochaine étape.

 Mais avec la réforme Allègre, une nouvelle étape, hélas décisive, est en train d'être franchie. Cette réforme ne dit pas son nom, mais est éparpillée entre un certain nombre de textes préparatoires (rapport Attali, plan U3M, rapport Guillaume, loi sur l'innovation... C'est pourquoi on parle couramment des réformes Allègre) : elle n'en existe pas moins, et représente l'aboutissement de la politique de casse du service public.

 Elle instaure, avec l'objectif de créer des «pôles d'excellence», la mise en concurrence des Universités. C'est la fin de la valeur nationale des diplômes. C'est aussi la fin de leur valeur permanente: le rapport Attali précise qu'un diplôme n'aura plus aucune valeur reconnue sur le marché du travail au bout de quinze ans.

 Elle consacre le désengagement de l'Etat à qui revient normalement le financement de l'Université (c'est la seule garantie possible d'égalité), et l'appel à d'autres: les régions d'abord (mieux vaudra étudier dans une région riche!), les étudiants eux-mêmes (on commence à parler d'une hausse considérable des droits d'inscription. Cela s'est déjà fait en Grande Bretagne et en Italie. C'est l'harmonisation européenne selon Allègre), et... les entreprises privées. La contrepartie pour elles sera une part prépondérante dans la gestion des Universités : ainsi le rapport Attali propose-t-il que les présidents d'Université ne soient plus des profs mais des représentants du patronat. Il n'est pas excessif de parler de privatisation de l'Université : les entreprises financeront selon leurs propres critères, à court terme.

 Cela conduit à la dévalorisation de tous les enseignements sans rapport direct avec l'activité économique, et même dans certains cas à leur suppression. Déjà, en avril, seule la mobilisation des étudiants a pu empêcher la fermeture de l'Histoire de l'Art à Nantes, au nom du plan U3M. Beaucoup d'autres sont menacés.

 Plus généralement, après la semestrialisation, l'adaptation des cursus aux exigences des entreprises se poursuit. Allongement du DEUG sur trois ans pour faire place aux stages, disparition de la spécificité de l'année de licence, professionnalisation de la maîtrise et de la thèse aux dépens de la recherche: c'est cela le «3-5-8», qui sera appliqué à partir de la rentrée 2000 si nous ne faisons rien (Allègre dit que rien n'est décidé, mais dans les conseils à Paris IV et ailleurs, sur ordre du ministère, on raisonne sur cette base...).

 Ce n'est pas par hasard qu'en parallèle Bayrou puis Allègre ont réduit drastiquement le nombre de postes au CAPES et à l'Agrégation, et entrepris de casser le statut de pion. C'est un changement total de la fonction de l'Université qu'on veut imposer: non plus donner une formation intellectuelle pouvant servir dans un grand nombre de carrières, mais fournir de la  main d'oeuvre à très bon marché à très court terme (pendant les études: stagiaire; ensuite: chômeur, pour laisser la place à d'autres stagiaires !) au patronat, tandis que les Grandes Ecoles fourniront les cadres.

 C'est dès la rentrée que nous devons nous mobiliser pour faire échouer Allègre. Déjà l'hiver dernier, de nombreuses grèves, d'Amiens à Toulouse et de Montpellier à Tolbiac, l'ont fait trembler (c'est sans doute grâce à elles que le 3-5-8 n'est pas appliqué cette année). Cette fois-ci, c'est dans toute la France que nous devons nous mobiliser en même temps pour imposer nos exigences:

Pour un véritable service public de qualité
Pour le réengagement financier total de l'Etat dans l'Enseignement
Pour l'égalité de tous les étudiants quelle que soit leur origine géographique, sociale ou leur nationalité,
pour une université garantissant la transmission et le développement de l'ensemble des savoirs.
Retrait immédiat des réformes Allègre !