Une nouvelle refondation du mouvement syndical étudiant à Lyon (1968-1975)
Sommaire
ORGANISATION, STRUCTURE ET GESTION QUOTIDIENNE DE lA.G.E.L-U.N.E.F.
I . Limplantation de lA.G.E.L-U.N.E.F : 1971-1994.
II. Une présence au quotidien.
UNE POLITIQUE CONSTANTE VISANT A PLACER LA.G.E.L-U.N.E.F. AU CUR DE LA VIE ETUDIANTE
Chapitre 1. La reconstruction dune économie sociale étudiante.
I. Une tâche secondaire à lactivité revendicative. 1971-1979.
II. La création du CERCOOPE, véritable centrale de services.
Chapitre 2. Un syndicat peu ouvert au tissu syndical, politique et associatif.
I. Les relations U.N.E.F. / C.G.T. / S.N.E.Sup..
II. Un syndicat de gauche sans affiliation partisane.
ORGANISATION, STRUCTURE ET GESTION QUOTIDIENNE DE lA.G.E.L-U.N.E.F.
Rassemblant les étudiants, lA.G.E.L-U.N.E.F. est évidemment très sensible aux mutations du monde étudiant et universitaire, à ses crises souvent violentes et éphémères. Limplantation, lorganisation interne, la structure et la gestion quotidienne du syndicat lyonnais évoluent en conséquence et sadaptent en permanence.
Limplantation de lA.G.E.L-U.N.E.F. est la première concernée par les changements à court ou long terme du milieu étudiant. Caractérisée par un taux de syndicalisation à lA.G.E.L-U.N.E.F. faible, même dans les périodes de relative puissance, elle ne permet pas au syndicat lyonnais de sestimer représentative du monde étudiant. Soumise à différentes variables, elle évolue de manière chaotique de 1971 à 1994.
Organisation très structurée, lA.G.E.L-U.N.E.F. se développe sur un modèle confédéral : groupement dassociations établies sur une base géographique ou disciplinaire, elle dispose de deux instances confédérales, cest à dire le bureau et le collectif dA.G.E. Cependant, il convient de se pencher avec attention sur les associations de filière. En effet, elles prennent des formes successives définies lors des congrès nationaux et indiquent ainsi des changements dorientation .
Lactivité syndicale de lA.G.E.L-U.N.E.F. ne se résume pas seulement à son implication dans les divers mouvements étudiants qui jalonnent toute cette période. En effet, une activité quotidienne dentretien des structures se maintient tout au long de lannée et permet au syndicat davoir une présence au quotidien sur les divers campus. Le rôle des responsables de lA.G.E., cest à dire du président, du trésorier, et du secrétaire à lorganisation, est alors essentiel, vital.
Enfin, lA.G.E.L-U.N.E.F. fait preuve dune gestion financière précaire, aléatoire. La gestion financière apparaît rarement dans les études, qui préfèrent souvent aborder les structures ou les politiques des syndicats. Pourtant, elle peut être révélatrice dun état desprit ou de politiques financières adaptées et volontaires.
I . Limplantation de lA.G.E.L-U.N.E.F : 1971-1994.
Retracer lévolution du nombre dadhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F avec certitude se heurte à des difficultés nombreuses : sources incomplètes (en particulier pour toutes les années 80), fichiers dadhérents rares (quelques exemplaires complets et surtout incomplets : 1971-1972, 1973-1974, 1989-1990, 1991-1994 .), très nette différence entre le nombre dadhérents revendiqué, en particulier auprès des médias, et la réalité, distinction entre le nombre dadhérents et le nombre de cotisants.
En dépit de ces limites, on peut distinguer différentes périodes :
Evolution des effectifs de lA.G.E.L-U.N.E.F
1971-1972 |
454 |
1973 |
env 350 |
1974 |
env 650 |
1975-1976 |
déclin |
1976-1977 |
700 à 800 |
1979-1980 |
env 250 |
1980-1981 |
550 |
1983-1984 |
env 1500 |
1987-1988 |
80 à 90 |
1990-1991 |
250 |
1991-1992 |
185 |
1992-1993 |
168 |
1993-1994 |
275 |
Source : Archives de lA.G.E.L-U.N.E.F.
® 1971 1974 : LA.G.E.L-U.N.E.F connaît un accroissement du nombre de ses adhérents, puisquil passe de 300 environ en 1971 à prés de 650 en 1974. Les multiples mouvements étudiants qui émaillent cette période (DEUG, CFPM, réforme Fontanet ) contribuent probablement à cette progression. De plus, la concurrence exercée par les autres organisations syndicales étudiantes reste faible. Ainsi, lU.G.E.L-U.N.E.F. senferme dans son refus des élections universitaires et ne simplante réellement que sur Lyon I.
® 1974 1976 : Un léger déclin se manifeste, même si létat des sources ne permet pas den apprécier les proportions. Il semble surtout la conséquence de labsence de mouvements revendicatifs dampleur durant cette période. Ladhésion, fortement basée sur le caractère revendicatif et peu sur les services, napparaît plus, en labsence de réalisations concrètes, comme une nécessité pour les étudiants.
® 1976 1977 : Le mouvement de grève contre la réforme du second cycle, durant lequel lA.G.E.L-U.N.E.F a pris une part prépondérante, engendre une nouvelle progression des effectifs. LA.G.E.L-U.N.E.F, qui compte moins de 600 adhérents avant le conflit, atteint 700 à 800 adhérents à la fin de lannée universitaire 1976-1977.
® 1977 1979 : Une très forte baisse du nombre dadhérents se produit entre ces deux dates. De 700 à 800 adhérents, les effectifs chutent et atteignent environ 250 adhérents en 1978-1979. Elle est imputable à labsence de mouvements revendicatifs importants, à léloignement, à la distanciation progressive des étudiants vis à vis des organisations syndicales et politiques, mais aussi à des difficultés de fonctionnement internes. Un collectif dA.G.E. est convoqué en décembre 1978janvier 1979, afin de résoudre un certain nombre de problèmes : "absence de réelle direction dans ton comité, dans lA.G.E.", forces insuffisantes, difficultés financières. De plus, des tensions internes naissent et engendrent des crises, comme la démission dadhérents. Ainsi, en février 1979, B.Blochet, dans sa lettre de démission, critique violemment lorganisation, lactivité et les responsables de lA.G.E.L-U.N.E.F : " constitution bureaucratique du syndicat ", " élitisme ", " statisme des dirigeants ", " recherche dans toute action dune rentabilité ", " concurrence entre organisations syndicales identique à celle des entreprises du grand capital ", " attitude abjecte ", manque de démocratie interne en particulier lors de la désignation de la tête de liste au C.R.O.U.S . Par contre, limpact de la rupture du programme commun de la gauche en mars 1978 semble faible, même sil savère impossible dévaluer la portée réelle de cet événement sur lA.G.E.L-U.N.E.F. Hormis sans doute le déception de nombreux militants .
® 1979 1985 : Une nouvelle période souvre pour lA.G.E.L-U.N.E.F à partir de la rentrée 1979-1980. En effet, lA.G.E.L-U.N.E.F connaît en moins de cinq ans une croissance considérable de ses effectifs : de 250 à 1500 adhérents environ. Cette progression est entamée dés la rentrée 1979-1980, puisque lA.G.E.L-U.N.E.F déclare, lors dun collectif national en mars 1980, 550 adhérents, soit une multiplication par 2,5. En labsence de mouvements étudiants importants ou soutenus par lA.G.E.L-U.N.E.F, les moteurs dune telle croissance sont à chercher ailleurs. Lattrait des services fournis par le syndicat est sans doute le principal ressort. En effet, de très nombreux étudiants adhérent à lA.G.E.L-U.N.E.F sur la base des services, peut-être pour bénéficier de tarifs privilégiés. Le lien entre progression des effectifs et services est dailleurs explicitement mis en lumière au collectif national du 10 novembre 1979. Une corrélation est établie entre la création de nouveaux comités et le fort développement des services en médecine, pionnière dans ce domaine. LA.G.E.L-U.N.E.F apparaît sous un nouveau jour, car les étudiants fréquentent davantage les locaux et les adhérents. Toutefois, la nature de ces adhésions implique des limites et, en particulier, une très faible implication des adhérents dans lorganisation et le fonctionnement du syndicat. De plus, le nombre dadhérents stagne en mai 1981, en dépit dun contexte politique très favorable, et des étudiants viennent au syndicat pour bénéficier des services, mais sans aucune démarche syndicale.
® 1984 1987 : Lévolution des effectifs de lA.G.E.L-U.N.E.F, à partir de la rentrée 1985-1986, demeure très incertaine. Une seule certitude : lA.G.E.L-U.N.E.F compte de 70 à 80 adhérents en 1987-1988. Le nombre dadhérents se stabilise seulement en 1987-1988, sous la présidence de Malika Blanc, seule rescapée du bureau dA.G.E. 1986-1987 !. Dans le même temps, le syndicat U.N.E.F ID, encore faible et fragile au début des années 80, bénéficie à plein de son positionnement lors du mouvement étudiant de novembre-décembre 1986. Lévolution ne date cependant pas de la fin de lannée 1986. Déjà, aux élections aux conseils centraux de janvier 1986 à Lyon II, lU.N.E.F-ID obtient 10 sièges et fait jeu égal avec lA.G.E.L-U.N.E.F. Le retard de lA.G.E.L-U.N.E.F. à sinvestir pleinement dans le mouvement de 1986 a sans doute amplifié le déclin, mais il ne suffit pas à lexpliquer. Les sources écrites, inexistantes pour les années 1985-1987, ne permettent pas de comprendre cette " cassure " dans lévolution de lA.G.E.L-U.N.E.F..
® 1987 1994 : A une première phase de stabilisation (1987-1988), succède une reprise du nombre des adhérents, puisque les effectifs grimpent de 70 à environ 250 adhérents en 1994. LA.G.E.L-U.N.E.F. se renforce surtout grâce aux différents mouvements revendicatifs auxquels elle participe pleinement et à un intense travail de terrain : mise en place de cahiers de revendication dans les cités universitaires, porte à porte, tenue des chaînes dinscription, pétition en faveur du demi-tarif sur les TCL . Le travail de terrain se concrétise par des adhésions : 29 en 1991-1992 (porte à porte ), 23 en 1992-1993, 22 en 1993-1994. Les mouvements revendicatifs, et en particulier le mouvement contre la réforme Jospin en 1992, mettent lA.G.E.L-U.N.E.F. sur le devant de la scène et incitent des groupuscules dextrême-gauche à investir des militants. De nombreux militants de la L.C.R. et de Socialisme International adhérent alors à lA.G.E.L-U.N.E.F. et forment une minorité. Cependant, en dépit dune nouvelle croissance, la situation de lA.G.E.L-U.N.E.F. demeure précaire.
Les effectifs de lA.G.E.L-U.N.E.F. fluctuent fortement en quelques années. La période 1984-1987 est une excellente illustration de ce phénomène. Les variations sont amplifiées par la nature du monde étudiant : brièveté des études et instabilité de la condition étudiante, cest à dire la nécessité pour de nombreux étudiants de se salarier pour continuer leurs études . Le syndicalisme étudiant évolue en osmose avec le monde étudiant. Par conséquent, il est soumis à un renouvellement rapide de ses adhérents. La durée dadhésion à un syndicat étudiant est courte : de 2 à 4 ou 5 ans maximum, sauf les cas particuliers des étudiants en médecine. Ainsi, le collectif dA.G.E. des 22 et 23 mars 1980 comprend 13 étudiants en D.E.U.G., soit 50 % du total. En 1988, le bureau dA.G.E. compte cinq étudiants adhérents à lU.N.E.F. depuis un an sur neuf. Par conséquent, le syndicalisme étudiant est soumis à la nécessité de renouveler rapidement ses effectifs et ses responsables. Linstabilité fragilise les organisations et peut parfois remettre en question leur survie. Ainsi, le cas extrême de 1987 où, à lexception de Malika Blanc, le bureau dA.G.E. est entièrement renouvelé. Stabiliser les effectifs nécessite des efforts constants, sinon le déclin est rapide. La croissance numérique repose sur deux éléments : une remise de carte importante et un effort pour recruter de nouveaux adhérents. Ainsi, lassociation de filière Histoire-Géographie de Lyon II passe de 17 adhérents en 1992-1993 à 23 adhérents en 1993-1994. Elle conjugue à la fois une remise de carte correcte (11 adhérents sur 17 de 1992-1993 reprennent leur carte) et un effort pour recruter : 12 nouveaux adhérents en 1993-1994. A linverse, un déclin se fonde surtout sur labsence de recrutement. Cest le cas de lassociation de filière Histoire- Géographie de Lyon III, qui passe de 12 adhérents en 1992-1993 à 10 en 1993-1994.
Adhérents de l'association de filière Histoire-Géographie de Lyon II |
|||
Année universitaire |
Total |
Nouveaux |
Cartes remises |
adhérents |
|||
1991-1992 |
20 |
11 |
9 |
1992-1993 |
17 |
6 |
11 |
1993-1994 |
23 |
12 |
11 |
Source : Fichier des adhérents de L' A.G.E.L.-U.N.E.F. 1991-1994. | |||
Adhérents de l'association de filière Histoire-Géographie de Lyon III |
|||
Année universitaire |
Total |
Nouveaux |
Cartes remises |
Adhérents |
|||
1991-1992 |
10 |
6 |
4 |
1992-1993 |
12 |
4 |
8 |
1993-1994 |
10 |
1 |
9 |
Source : Fichier des adhérents de l' A.G.E.L.-U.N.E.F. 1991-1994. |
Or, la remise de carte seffectue très bien, puisque le taux de remise de carte est de 80 % dune année sur lautre . Par contre, le nombre de nouvelles adhésions ne cesse de diminuer et ne peut combler les départs : 6 en 1991-1992, 4 en 1992-1993, 1 en 1993-1994.
LU.N.E.F. à Lyon connaît donc une évolution numérique chaotique, souvent soumise aux mouvements revendicatifs. En effet, les conflits permettent aux différents syndicats de se mettre en valeur auprès des étudiants et d'intégrer les acteurs étudiants encore non-syndiqués. Cependant, en dépit de sa puissance à certaines périodes (en particulier au début des années 80), lA.G.E.L-U.N.E.F. ne rassemble quune très faible fraction des étudiants lyonnais.
Taux de syndicalisation des étudiants à lA.G.E.L-U.N.E.F. (en %)
1976-1977 |
1,3 |
1979-1980 |
0,55 |
1980-1981 |
0,83 |
1983-1984 |
env 2,0 |
1987-1988 |
0,11 |
1988-1989 |
0,21 |
1990-1991 |
0,21 |
1991-1992 |
0,13 |
1993-1994 |
0,25 |
Source : Archives de l' A.G.E.L.-U.N.E.F. | |
En effet, le taux de syndicalisation des étudiants à lA.G.E.L-U.N.E.F. reste très faible. Les taux, systématiquement inférieurs à 2 %, se révèlent extrêmement faibles. De toute évidence, lépoque où lU.N.E.F. regroupait un étudiant sur deux apparaît définitivement révolue. LA.G.E.L-U.N.E.F. na donc jamais réussie à simplanter véritablement et à devenir représentative du monde étudiant.
Cette évolution sinscrit dans le cadre plus large dune désyndicalisation du monde étudiant (rejet du politique, nouvelles formes dorganisation ), mais aussi de la crise du syndicalisme en général dans la société française.
De plus, une distinction est à faire, et cela est valable pour toutes les organisations syndicales, entre adhérents et militants. Elle ne sest imposée que progressivement, puisque, au début du siècle, elle nexiste pas : le droit à lindifférence est refusé, limplication du syndiqué dans lorganisation doit être sans faille. G.Sorel, sociologue ayant profondément influencé le syndicalisme révolutionnaire, déclarait : " on saffaiblit en absorbant des éléments faibles ". En 1931, pour Blavet, responsable de la Fédération de lEnseignement C.G.T.U. du Rhone, " il vaut mieux être moins nombreux mais unis et décidés, que davoir à traîner une masse qui vous alourdit, vous enchaîne et vous trahit ". Une confusion règne donc alors entre adhérents et militants.
Cependant, une hiérarchie se met progressivement en place suivant les différents degrés dimplication : non-adhérent, électeur sympathisant, cotisant, militant. LA.G.E.L-U.N.E.F. se compose de cotisants, de non-cotisants (le paiement de la cotisation ne conditionne pas lappartenance au syndicat) et de militants. Le militant cumule souvent de multiples charges : élu étudiant, responsable à lA.G.E.L-U.N.E.F. . Il arrive fréquemment que des responsables dA.G.E. mettent leurs études en sommeil au profit exclusif du syndicalisme. La taille du noyau militant demeure très restreinte et ne dépasse jamais la centaine. Il connaît une évolution selon les périodes, mais ne fluctue jamais dans des proportions importantes. De 50 à 100 étudiants jusquau début des années 80, il diminue fortement pour atteindre une petite vingtaine en 1987. Ensuite, une petite reprise se fait sentir et lA.G.E.L-U.N.E.F. compte en 1988-1989 une soixantaine de militants. Une augmentation significative du nombre dadhérents nengendre pas deffets similaires sur le noyau militant. En 1983-1984, lA.G.E.L-U.N.E.F. compte 800 adhérents de plus par rapport à 1976, mais, dans le même laps de temps, la taille du noyau militant demeure stable. Ce décalage met en lumière le phénomène des adhésions utilitaires, cest à dire fondées sur les services.
LA.G.E.L-U.N.E.F. ne peut donc pas fonder sa représentativité sur ses effectifs, puisquelle ne rassemble quune faible fraction des étudiants. De plus, le syndicalisme étudiant est confronté à un facteur nettement défavorable : le renouvellement rapide de ses adhérents. Sans base stable, lessentiel de lactivité syndicale est assumée par un noyau de militants dévoués, nhésitant pas à sacrifier une partie de leurs études. Ces quelques traits de caractère du syndicalisme étudiant se retrouvent depuis quelques années dans le syndicalisme ouvrier, lui aussi touché depuis le milieu des années 70 par la désyndicalisation. Le milieu étudiant semble donc avoir été touché très tôt par la désyndicalisation.
Lyon I apparaît, durant les premières années de lA.G.E.L-U.N.E.F., comme la principale implantation , notamment grâce à lI.N.S.A., qui fournit les premiers présidents dA.G.E.. La présence de lA.G.E.L-U.N.E.F. est ancienne, puisque cest en partie dans lamicale des sciences U.N.E.F. que se développe lU.N.E.F- Renouveau à Lyon en décembre 1968. Elle perdure sans problèmes notables jusquen 1994. Durant cette période, les effectifs fluctuent fortement, mais demeurent toujours assez conséquents. Une forte implantation permet à lA.G.E.L-U.N.E.F. de multiplier ses structures de façon viable afin de rester au plus près des étudiants. En 1977, elle possède des comités dans huit filières (D.E.U.G. A1, A2, B1, B2, licence de Mathématiques, Médecine, EPS, I.N.S.A.), dans 14 en 1979-1980 (Mathématiques, Physique-Chimie, EPS, Sciences Naturelles, IUT 1, IUT 2, Kinésithérapie, Odontologie, LyonNord, Pharmacie, Grange-Blanche, Sud-Ouest, Alexis-Carrel, INSA), 5 en 1988-1989 (Filières 1,2,4,5, INSA), et 9 en 1993-1994 (Filières 1,2,3,4,5,15,T1,UFRAPS,IUT). Des associations de filière atteignent des tailles importantes. En 1981, le groupe détude Médecine compte 250 adhérents et le groupe détude Sciences 210. De 1971 à 1994, la présence de lA.G.E.L-U.N.E.F. à Lyon I demeure forte, même si limplantation en médecine est perdue au milieu des années 80. Elle permet à lA.G.E.L-U.N.E.F. de multiplier ses structures et ainsi de renforcer son intervention grâce à une plus grande proximité avec les étudiants.
A luniversité Lyon II, lA.G.E.L-U.N.E.F. connaît une implantation assez difficile, même si elle devient rapidement une place majeure. De 1972 à 1975, lA.G.E.L-U.N.E.F. na que quatre Comités dAction, variables dans le temps : Lettres, Histoire-Géographie, Droit et Sciences Economiques en 1972, Lettres, Droit, Sciences Economiques et Bron en 1973, et Pasteur, Bron, Histoire, Psychologie en 1975. Cette implantation restreinte sexplique par la place tenue par le campus de Bron au sein de lUniversité Lyon II. En effet, lA.G.E.L-U.N.E.F. doit simplanter sur un nouveau campus éloigné et isolé des autres sites universitaires. Déjà confrontée à labsence de tradition militante dans ce nouveau campus, elle doit aussi composer avec linfluence des groupes gauchistes, en particulier dans les sciences sociales. Par conséquent, si des associations de filières existent, limplantation prend le plus souvent une forme géographique. Ainsi, en 1973, le C.A. Bron regroupe lensemble des adhérents du campus. La fin des années 70 est marquée par un très net renforcement de limplantation de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Elle est alors présente dans la plupart des filières. En 1979-1980, huit comités existent : Sciences Economiques, Sciences du Langage, IEP, Sciences de lHomme et de son Environnement, IPSE, Lettres, Psychologie, Sciences Juridiques. Après un déclin très net au milieu des années 80, sa présence se réduit au campus de Bron où elle gère une coopérative, elle se réimplante dans la plupart des filières de 1988 à 1994. En 1993-1994, lA.G.E.L-U.N.E.F. est présente en Histoire-Géographie, Psychologie-Sociologie, Sciences du Langage, AES-Droit, Lettres-Langues et Quais. Ce renouveau a été possible grâce à un intense travail de terrain : pétitions, sos-examen, sos-inscription, mouvement étudiant contre la réforme Jospin . Cependant, un certain déséquilibre apparaît : forte à Bron où les étudiants de premier cycle sont très réceptifs et présents, limplantation demeure fragile sur les Quais, où sont concentrés les deuxième et troisième cycles, peu présents. Les adhérents sont alors regroupés sur une base géographique et non par filières.
LA.G.E.L-U.N.E.F. est donc un syndicat étudiant particulièrement présent sur Lyon I et Lyon II : présence continue dans la durée, multiplication des structures grâce à un nombre dadhérents suffisant, véritable représentativité des différentes filières . Toutefois, son implantation géographique se réduit au milieu des années 80 : disparition de médecine, passage de lassociation IEP à lU.N.E.F-ID à la fin des années 80, affaiblissement numérique de certaines associations réduites à quelques adhérents. Cette présence accrue sur quelques campus spécifiques peut sexpliquer par un milieu globalement plus favorable. Le milieu politique est plus porteur, puisque, jusquà récemment encore, Lyon II possédait limage dune université de gauche. De plus, avec laffaiblissement des groupes gauchistes, lUnion des Etudiants Communistes a sans doute réussi à simplanter davantage, procurant ainsi adhérents et militants à lA.G.E.L-U.N.E.F.. Lattitude de ladministration, très tolérante, est aussi essentielle. En autorisant la présence des syndicats étudiants sur les chaînes dinscription, en octroyant des locaux , elle facilite grandement le travail des syndicats étudiants. Enfin, la présence de services et de coopératives sur ces deux universités a sans doute facilité le contact avec les étudiants.
Dans les autres établissements dEnseignement Supérieur de Lyon, limplantation devient aléatoire dans le temps et dans lespace. Il faut cependant distinguer luniversité Lyon III des autres établissements, cest à dire les écoles : grandes écoles, école darchitecture .
Luniversité Lyon III, issue de la scission de luniversité Lyon II en décembre 1973, devient rapidement un terrain difficile pour lA.G.E.L-U.N.E.F.. Contrairement au campus de Bron, véritable " terre vierge ", lA.G.E.L-U.N.E.F. possède une implantation, certes considérablement affaiblie mais toujours présente, à Lyon III. En effet, la scission entraîne dans le giron de Lyon III les facultés de droit et de philosophie principalement. Or, les adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. en droit sinscrivent pour lessentiel en sciences juridiques à Lyon II. Quelques adhérents demeurent, mais très peu de militants hormis en faculté de philosophie. A partir de 1975, quelques comités daction existent en droit principalement. LA.G.E.L-U.N.E.F. stagne par la suite et se heurte à lU.N.I.. En décembre 1988, sa présence se réduit à nouveau à quelques adhérents sur le campus de la Doua, où Lyon III loue des locaux. Les premières élections aux conseils centraux depuis 1982 offrent à lA.G.E.L-U.N.E.F. loccasion de se réimplanter sur Lyon III. Les résultats, modestes, permettent un nouveau départ. Trois associations de filières existent en 1991-1992, quatre en 1993-1994. Par contre, louverture du campus de la Manufacture ne permet pas un nouvel élan, puisquil ne compte que huit adhérents en 1993-1994. De plus, des associations sessoufflent et connaissent des difficultés à renouveler leurs adhérents. Le renouveau de lA.G.E.L-U.N.E.F. à Lyon III se concrétise dans lémergence de nouveaux responsables, dabord au niveau des associations de filières, puis au niveau de lA.G.E. . Ainsi, Lyon III fournit deux présidents dA.G.E. : F. Toulat (1991-1992) et E. Marguinaud (1993-1994). Pourtant, les difficultés ne manquent pas à Lyon III : hostilité de ladministration, milieu associatif et politique très défavorable. Dés la scission de 1973, lA.G.E.L-U.N.E.F. se heurte à ladministration très conservatrice de la nouvelle université. Le décret Rolland, du nom du président de luniversité, inaugure une période daffrontements en interdisant la tenue de stands dans lenceinte de luniversité, sauf autorisation du président sur demande écrite une semaine à lavance. En 1991, contrairement aux attitudes des administrations de Lyon I et Lyon II, le président de luniversité refuse la présence de lA.G.E.L-U.N.E.F. sur les chaînes dinscription en invoquant des prétextes de sécurité et de neutralité. Toujours en 1991, face à labsence de réponse de la part de ladministration, le congrès national de lU.N.E.F., qui devait se tenir initialement à luniversité Lyon III se tient finalement à luniversité Lyon I. Outre lhostilité de ladministration, lA.G.E.L-U.N.E.F. se trouve en butte à un milieu associatif et politique difficile. Le milieu étudiant de Lyon III, dune sensibilité politique plus " conservatrice " ou indifférente, est moins réceptif aux thèses de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Les adhérents sont soumis à lhostilité des associations étudiantes comme la corpo de Lyon III et parfois aux violences dune minorité activiste dextrême-droite.
Dans les autres établissements denseignement supérieur, les implantations ont un caractère éphémère marqué et ne survivent jamais plus de quelques années. Une chronologie sommaire de ces implantations peut être établie :
1972 : Architecture, Sup. de commerce.
1973 : Classes préparatoires (Augustin, Herriot, Le Parc, La Martiniére), Ecole Centrale.
1975 : Ecole Centrale, classes préparatoires, Ecole dArchitecture.
1977 : Classes préparatoires.
1979-1980 : Classes préparatoires, Ecole de tourisme Tournon.
1989-1990 : aucune.
1991-1992 : Classes préparatoires- ENS- IUFM, IUT- BTS- Ecoles.
1992-1993 : BTS- IUT, IUFM- ENS.
1993-1994 : BTS-IUT, Classes préparatoires, Faculté catholique, Ecole dinfirmière, ENSI, Architecture, Cité Universitaire Puvis de Chavannes.
Les implantations sont donc très éphémères et possèdent pour la plupart des effectifs marginaux. Le C.A. Architecture est composé, en 1972, dune dizaine dadhérents et se réduit à quelques personnes en 1978, date à laquelle il disparaît. Lassociation de filière " Classes préparatoires, ENS, IUFM " rassemble cinq adhérents en 1991-1992 et lassociation " IUT, BTS, Ecoles " six adhérents. La faible implantation de lA.G.E.L-U.N.E.F. dans ces écoles tient avant tout à leur nature. En effet, elles laissent en général peu de temps libre aux élèves et sont peu intégrées à la vie étudiante et universitaire. Les milieux dorigine, les conditions de vie et détudes sont très différentes de lUniversité. Par conséquent, le syndicalisme étudiant style A.G.E.L-U.N.E.F. est peu adapté à ce milieu et prend difficilement racine. Les adhésions sont rares et souvent mûrement réfléchies. LA.G.E.L-U.N.E.F. posséde aussi une part de responsabilité : elle ne fait sans doute pas les efforts nécessaires pour simplanter dans les autres établissements. Dailleurs, lattitude de la seule implantation de lU.G.E. à Lyon, cest à dire lI.N.S.A., presque essentiellement tournée vers lA.G.E.L-U.N.E.F., contribue à cette situation.
LA.G.E.L-U.N.E.F. se veut et se définit comme un syndicat de masse, cest à dire un syndicat regroupant tous les étudiants, quelle que soit leur appartenance politique, religieuse , afin de créer un rapport de force à lUniversité. Toutefois, elle demeure un syndicat numériquement non-représentatif du milieu étudiant lyonnais, puisquelle syndique entre 0,1 et 2,0 % des étudiants selon les périodes. Une prise de conscience de cette situation se fait très rapidement au sein de lA.G.E.L-U.N.E.F..
Le congrès dAGE de 1972 aborde cette question et redéfinit la notion de syndicat de masse. LU.N.E.F. est un syndicat de masse, non par le nombre de ses adhérents, mais par son audience mesurée partiellement par les élections universitaires. Elle tire donc sa légitimité et sa représentativité des listes quelle présente aux élections universitaires. Les élections universitaires sont dautant plus importantes pour lA.G.E.L-U.N.E.F. quelle considère celles-ci comme un référendum sur ses solutions pour lUniversité : " Nous ne demandons pas aux étudiants de voter seulement pour lA.G.E.L-U.N.E.F., mais de se prononcer aussi sur son programme de revendications ".
LA.G.E.L-U.N.E.F. tente donc, en général, de présenter partout des listes. Cependant, le nombre trop restreint de ses adhérents ne lui permet pas de constituer des listes dans toutes les U.E.R. . Pour pallier à cette situation, elle propose et présente sur ses listes des étudiants non-syndiqués. Ainsi, aux élections dU.E.R. de décembre 1974, elle propose aux étudiants de se présenter sur ses listes avec pour seule condition lengagement de faire aboutir la plate-forme revendicative. LA.G.E.L-U.N.E.F. peut ainsi constituer des listes là où elle ne compte pas suffisamment de forces et sattirer la légitimité des " non- syndiqués ".
Les résultats obtenus par lA.G.E.L-U.N.E.F. aux différentes élections universitaires permettent de se faire une idée de laudience de ce syndicat. Cependant, cette audience doit être relativisée par la faible participation des étudiants, par le boycott des élections par lU.N.E.F- Unité Syndicale, et par la différence entre le geste de voter pour une liste syndicale et ladhésion aux idées et aux actions dun syndicat étudiant. Laudience électorale de lA.G.E.L-U.N.E.F. varie dans le temps et selon les universités et les filières.
En effet, on peut, dans le temps, distinguer quatre périodes distinctes et possédant des caractéristiques propres.
De 1969 à 1977 environ, lA.G.E.L-U.N.E.F. fait son apparition dans le jeu électoral et progresse fortement. Ainsi, à Lyon II, elle passe de 9,6 % des sièges en 1969, à 29,5 % en 1970, 36,4 % en 1971, 30,3 % en 1973, 38,5 % en 1975 et 33,3 % en 1977. La phase de progression est suivie dune stabilisation des résultats électoraux. Ce schéma se retrouve avec un certain décalage dans le temps à luniversité Lyon I. La forte progression en nombre de sièges de lA.G.E.L-U.N.E.F. est essentiellement due à une implantation toujours plus poussée sur le terrain. La création de nouvelles associations de filière permet progressivement la création de listes dans lensemble des U.E.R.. A Lyon I, le processus est plus lent quà Lyon II, mais la corrélation entre les deux est évidente : lA.G.E.L-U.N.E.F. présente en 1969 5 listes, en 1972 5 listes dans les 18 U.E.R, en 1973 5 listes, en 1974 9 listes sur 18, en 1975 9 listes sur 18 et en 1976 11 listes sur 18. Cependant, les élections dans une U.E.R. ayant lieu par collège (léquivalent le plus souvent dune année détude ou dun cycle), lA.G.E.L-U.N.E.F. ne dispose pas encore des capacités, des ressources humaines nécessaires pour présenter des listes dans tous les collèges dune U.E.R.. Limpact des multiples mouvements étudiants qui jalonnent cette période semble variable, aléatoire. La progression de laudience de lA.G.E.L-U.N.E.F. lors des élections dU.E.R. de Lyon I en décembre 1976 est davantage la conséquence de la multiplication des listes, que de limpact du mouvement étudiant contre la réforme du second cycle en mars-avril 1976. A linverse, à Lyon II, le mouvement étudiant de 1976 permet à lA.G.E.L-U.N.E.F. de capitaliser le soutien des étudiants, puisquaux élections dU.E.R. de décembre 1976, elle obtient 55,5 % des sièges contre 38,5 % lannée précédente. Or, le nombre des ses listes passe seulement de 5 à 7 sur les 10 U.E.R. que compte luniversité. Le mouvement, particulièrement fort à Lyon II, a permis à lA.G.E.L-U.N.E.F. de recueillir un capital de sympathie qui, au moment des élections dU.E.R., sest transformé en suffrages favorables.
De 1978 à 1984, les divers résultats des élections dU.E.R. permettent à lA.G.E.L-U.N.E.F. de revendiquer une véritable représentativité des étudiants. Elle détient parfois la majorité des sièges dans les universités Lyon I et Lyon II. A Lyon II, elle obtient 60,0 % des 25 sièges pourvus en décembre 1979 et à Lyon I 55,4 % des 121 sièges pourvus en décembre 1982. Elle réussit aussi à obtenir de bons résultats à Lyon III, université pourtant longtemps réputée pour son conservatisme. Ainsi, elle remporte 25,4 % des sièges aux élections dU.E.R. de février 1982 et devient ainsi la première association étudiante de Lyon III. En février 1984, lA.G.E.L-U.N.E.F. dispose, sur les seuls campus universitaires de Lyon I et de Lyon II de 93 élus dans les conseils dU.E.R . Divers facteurs expliquent la prépondérance de lA.G.E.L-U.N.E.F. dans le paysage étudiant lyonnais. Tout dabord, la forte progression de ses effectifs à partir de 1979 lui permet de présenter des listes dans la plupart des U.E.R.. A Lyon II, lA.G.E.L-U.N.E.F. peut présenter 9 listes dans les 10 U.E.R en 1979 et 1982. A Lyon I, elle présente 11 listes en janvier 1984 contre 7 en décembre 1978. Ensuite, la création du CERCOOPE durant lété 1979 est un atout indéniable pour lA.G.E.L-U.N.E.F.. En effet, les étudiants vont plus facilement voter pour lassociation dont ils fréquentent le local et profitent des divers services, créant ainsi une " sorte de clientélisme ". Par contre, labsence de mouvement étudiant dampleur ne semble pas pénaliser lA.G.E.L-U.N.E.F.. Au contraire, le mouvement étudiant de 1983 auquel elle soppose lui est sans doute défavorable, en particulier à Lyon III. Elle subit, à partir des élections dU.E.R. de janvier 1982, la concurrence de lU.G.E.L-U.N.E.F-ID. En effet, prenant prétexte dune promesse du ministère de lEducation Nationale dabroger la loi Faure, lU.N.E.F-ID rompt avec la politique de boycott inaugurée en 1971 et présente des listes pour " labrogation de la loi Faure ". Dés janvier 1982, lU.N.E.F-ID devient une rivale sérieuse : elle obtient 25 sièges à Lyon II, contre 37 à lA.G.E.L-U.N.E.F.. Jusquen 1982, lA.G.E.L-U.N.E.F. na pas de véritable concurrence dans les élections universitaires de la part des organisations étudiantes de gauche. A partir de cette date, elle est confrontée à un syndicat étudiant de gauche dont laudience nest pas négligeable.
De 1986 à 1994, une nouvelle période débute pour lA.G.E.L-U.N.E.F.. En effet, à la disparition des ses adhérents sajoute lérosion lente de son audience auprès des étudiants. Les élections dU.E.R. de Lyon II en décembre 1990 marquent le creux de la vague : avec 8 élus et 11, 80 % des suffrages exprimés, lA.G.E.L-U.N.E.F. obtient moins délus que lU.N.E.F-ID. Le déclin est plus long à Lyon I, en partie grâce à une présence accrue sur le terrain. Lannée 1992 apparaît comme lannée noire pour le syndicat lyonnais, puisquil nobtient aucun élu à Lyon III, 2 à Lyon I et 10 à Lyon II. Toutefois, un léger sursaut se fait déjà sentir à Lyon II et se confirme en 1993, puisque lA.G.E.L-U.N.E.F. retrouve des élus dans les trois universités de Lyon. Cette érosion sexplique certes par leffondrement du nombre des adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. : elle ne dispose désormais plus des capacités nécessaires pour déposer dans la plupart des filières des listes. Ainsi, lors des élections dU.F.R. de Lyon II en décembre 1992, elle ne peut présenter des listes que dans trois U.E.R : Lettres, Sciences du Langage et Arts ; Langues ;et Histoire-Géographie. Pourtant, cette explication ne suffit pas. En décembre 1990, lors des élections dU.F.R. de Lyon II, elle nobtient que 16,6 % des sièges, alors quelle présentait des listes dans 8 U.F.R sur 10. Désormais, lA.G.E.L-U.N.E.F. se heurte, non seulement à lU.N.E.F-ID, mais aussi à des associations étudiantes corporatives solidement implantées dans les U.F.R. et souhaitant jouer pleinement leur rôle dans les conseils. Elles sont nombreuses, bien structurées et très dynamiques : SOCIOFIL, Petits DALosent, ELYPSY à Lyon II, lAEBL, Turbulences à Lyon I. A cela sajoute naturellement de multiples facteurs très difficiles à cerner : rejet du politique, place prépondérante de lU.N.E.F-ID dans la lutte contre le projet Devaquet, déclin du CERCOOPE .
Les résultats des élections universitaires offrent à lA.G.E.L-U.N.E.F. une véritable représentativité, quelle nest pas capable dobtenir par le nombre de ses adhérents. Son audience est véritablement forte entre 1979 et 1984, puisquelle obtient régulièrement plus de 30 % des siéges aux élections universitaires. Cependant, les élections confirment en général limplantation du syndicat et ne lui permettent pas délargir véritablement son audience là où elle éprouve des difficultés. Les urnes permettent donc à lA.G.E.L-U.N.E.F. de se prévaloir dune certaine légitimité et représentativité du monde étudiant.
II. Une présence au quotidien.
1. Informer les étudiants..
Le syndicalisme étudiant se traduit concrètement par une activité, une présence au quotidien, et ce contrairement au syndicalisme ouvrier. Cette présence au quotidien a pour trame de multiples tâches informelles.
La présence au quotidien de lA.G.E.L-U.N.E.F. consiste tout dabord dans linformation des étudiants. Véritable organe dinformation pour les étudiants, lA.G.E.L-U.N.E.F. dispose pour cela de différents moyens.
Linformation écrite tient une place essentielle. En effet, lA.G.E.L-U.N.E.F. publie tout au long de lannée universitaire une abondante littérature à destination des étudiants. Les tracts occupent une place privilégiée au sein de cette production. Publiés en toutes occasions, ils sont peu coûteux (surtout avec le développement des services) et diffusables en grande quantité. Ils abordent des thèmes très divers : organisation de boums, réformes universitaires, situation universitaire, informations pratiques . Ainsi, pour les chaînes dinscription de 1991, trois tracts destinés aux trois universités sont publiés et abordent les problèmes financiers et matériels des universités, la présence de lA.G.E.L-U.N.E.F. au sein des conseils universitaires, le problème des inscriptions et le dispositif SOS- Inscriptions. Ils juxtaposent à la fois une analyse de la situation universitaire locale et nationale. Cest en particulier le cas lors des mouvements étudiants de forte amplitude.
Hormis les tracts, lA.G.E.L-U.N.E.F. édite chaque année un guide destiné aux étudiants. Il paraît dés 1972-1973 grâce à un ancien adhérent de lA.G.E.L-U.N.E.F. travaillant dans une entreprise spécialisée dans la publicité. LA.G.E.L-U.N.E.F. sinscrit ainsi dans la continuité de lA.G.E.L., qui éditait en commun avec la M.N.E.F. un guide. (Guide paraissant toujours en 1972-1973). Distribué gratuitement à 15 000 exemplaires, il est entièrement couvert par les recettes tirées de la publicité. Il est publié régulièrement jusquà la fin des années 70, la formule du guide gratuit étant alors abandonnée au profit dun guide- agenda payant. Au début des années 90, un guide, dun volume plus réduit, est à nouveau édité à 40 000 exemplaires. Globalement, le contenu du guide évolue peu, en dépit dune réactualisation des informations. Il contient diverses informations pratiques pour létudiant (adresses des universités et écoles, études, plan de Lyon et adresses pratiques, les uvres universitaires, les bourses, les transports, le service militaire, les loisirs) et des renseignements et informations strictement syndicales. Le guide est un support intéressant pour lA.G.E.L-U.N.E.F. : permettant de mêler informations pratiques et syndicales, il possède une durée de vie plus longue, puisque les étudiants sont susceptibles de le conserver toute lannée.
Enfin, lA.G.E.L-U.N.E.F. publie une littérature assez abondante en direction des étudiants. De multiples bulletins dinformation sont édités par les associations de filière. Une vingtaine de revues environ est répertoriée pour une période couvrant de 1970-1971 à 1986. Cependant, elles sont très irrégulières dans le temps. Une concentration apparaît sur une brève période : 15 revues sur 19 paraissent dans les années 70, dont 9 entre 1975 et 1980. Sans doute faut- il alors inscrire ce foisonnement de publications sur une si brève période dans un cadre plus large que le monde universitaire ?. En tout cas ce phénomène décroît rapidement dintensité, puisque seuls trois bulletins voient le jour entre 1980 et 1985, un en 1986, et aucun par la suite. Les bulletins sont marqués par une périodicité brève et aléatoire. Il nexiste pas de dates de sortie régulières et les revues ne perdurent en général que quelques numéros. Hormis lInsalien (1973-1977), la Santé en bataille (1974-1975) et lEveil (1978-1980), les divers autres bulletins ne soufflent pas leur première bougie . Ainsi, UNEF- Santé mensuel, bulletin du comité U.N.E.F- Médecine fondé à loccasion des élections universitaires ne paraît quune seule fois, en dépit dune parution régulière envisagée. Le renouvellement rapide des adhérents, les périodes dintense activité syndicale rendent la parution difficile et très aléatoire. Hormis cette irrégularité dans le temps, une seconde constatation simpose : les publications sont presque essentiellement luvre des associations de filière de Lyon I et de lécole darchitecture. En effet, sur 19 bulletins, cinq ont été publiés par les Sciences, un par lI.N.S.A., trois par lArchitecture, deux par Médecine, deux par Médecine Sud- Ouest, un par les classes préparatoires, un par le Droit et quatre par lA.G.E.. Aucune revue présente dans les archives na été publiée par des associations de filière de Lyon II. Le cas de lécole dArchitecture est un peu particulier. En effet, un bulletin dinformation est rapidement crée lorsque le C.A. U.N.E.F- Architecture prend position en faveur du renouveau en 1970. A ce préalable sajoute un esprit de corps particulier aux écoles, mais aussi un éloignement vis à vis des principaux centres universitaires, puisque lécole se situe à Vaux en Velin. Ce contexte favorise la création et lexistence dun bulletin dinformation. En médecine, la concurrence avec des corpos solidement implantées peut expliquer lexistence de publications. Outre ces raisons particulières, la création dun bulletin par des adhérents dénote avant tout de lenvie dinformer, de débattre et dexpliquer. Ainsi, le comité de rédaction du journal des comités U.N.E.F. D.E.U.G. A1- A2 Histoire dA, AGEL- UNEF, qui paraît en 1976, assigne quatre objectifs à son journal : permettre lexpression des étudiants, informer les étudiants de première année sur la deuxième année, informer les étudiants de D.E.U.G. A et intégrer les étudiants de première année à la vie de la faculté. Le tirage et la diffusion de ces bulletins demeurent souvent modestes. Hormis trois publications de lA.G.E. destinées exclusivement aux adhérents et à quelques exceptions, les revues ont pour objectif une diffusion large au sein des étudiants de la filière. En sadressant à un public restreint, les tirages sont forcément réduits : Bachons Ensemble tire à 250 exemplaires, Histoire dA à 1000 exemplaires, lEveil à 1000 exemplaires et le Diplo à 500 exemplaires. Les faibles tirages sont aussi limités par la charge financière quils représentent. Ainsi, Bachons Ensemble, tiré à 250 exemplaires, coûte 450 francs au début des années 80. La diffusion gratuite étant trop lourde financièrement, le numéro est vendu 2 francs, ce qui limite encore la diffusion et le tirage . Une exception est à noter : Impact Etudiant. En effet, lA.G.E.L-U.N.E.F. tente de lancer au début de lannée 1986 un mensuel gratuit en collaboration avec le CERCOOPE. Tiré à 15 000 exemplaires, ce mensuel rappelle lépoque de la " grande U.N.E.F. " où lA.G.E.L. disposait de son propre journal, Lyon- Université. De réels efforts sont réalisés : la présentation type Ronéos ou Gestetner laisse la place à la couleur, au papier glacé, aux photos . Epais dune trentaine de pages, il se veut avant tout ludique et instructif. Les articles dinformation syndicale sont abandonnés au profit, surtout, darticles culturels. Hormis léditorial du président de lA.G.E.L-U.N.E.F., les articles portent sur le cinéma, la poésie, la politique, des enquêtes, des interviews, des ouvrages, des problèmes de société comme la drogue, des adresses utiles, des adresses pour sortir, des petites annonces, des jeux . Cependant, cette tentative sachève assez rapidement, puisque la parution cesse dés le deuxième numéro.
Outre lécrit, loral occupe une place essentielle dans linformation des étudiants. Elle se fait principalement par les interventions des adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. pendant les cours. Cette pratique est plus ou moins tolérée par les professeurs et les administrations des universités lyonnaises. Les prises de parole ont lieu durant toute lannée universitaire pour faire le compte- rendu de réunions, faire signer des pétitions . Elles ont pour but dinformer les étudiants, mais aussi dentraîner une réaction, une émotion immédiate. De la qualité de lintervention va dépendre la signature dune pétition par tout un amphithéâtre. Cependant, elle nest pas accessible à tous les adhérents ou militants, car elle laisse lorateur seul face à des dizaines détudiants. De taille plus réduite , la discussion en petits groupes concoure également à la circulation de linformation. Les locaux syndicaux, surtout quand ils bénéficient de lattraction exercée par les services, sont le lieu idéal : " On faisait passer beaucoup dinformations par les locaux du CERCOOPE. Cétait véritablement un lieu où on avait la chance de toucher les étudiants .
2. Connaître les revendications des étudiants.
Une autre activité quotidienne de lA.G.E.L-U.N.E.F. consiste à connaître les revendications des étudiants. En effet, elle nest pas, en dépit de ses prétentions, un syndicat de masse, représentatif des étudiants. Au contraire, son implantation est souvent incomplète ou très faible dans certaines filières. De plus, elle démontre ainsi sa proximité, son écoute des étudiants et de leurs problèmes.
Les cahiers de revendication sont alors abondamment mis à contribution. Constitués de feuilles blanches, ils permettent aux étudiants de sexprimer librement sans poser au préalable les propositions de lU.N.E.F. ou son analyse de la situation universitaire. On peut distinguer des périodes dutilisation différentes, répondant à des préoccupations et à des objectifs particuliers.
De 1973 environ au milieu des années 80, lemploi des cahiers de revendication nest pas au centre des préoccupations de lU.N.E.F.. Les premiers cahiers de revendication apparaissent vers 1973. Ils sont alors dans une stratégie, une orientation plus large de développer lA.G.E.L-U.N.E.F. dans les T.D. et les amphithéâtres. Le but est de décentraliser les structures de lU.N.E.F. au maximum, afin dêtre au plus prés des étudiants. Les étudiants doivent prendre en charge la rédaction de leurs revendications et les moyens de les satisfaire : " On avait commencé à poser la question des cahiers de revendication et à travailler T.D. par T.D. Cétait notre grosse obsession : il faut travailler T.D. par T.D., aller au plus prés des étudiants pour quils prennent en charge eux- mêmes la rédaction de leurs revendications et les moyens de les satisfaire. Cétait le début et cétait dur, car il fallait du monde partout ". Les cahiers de revendication ont donc pour objectif, plus que de connaître les problèmes des étudiants, de responsabiliser les étudiants. Il faut éveiller, faire prendre conscience aux étudiants de leur condition. Laspect connaissance des revendications est dautant moins important que lA.G.E.L-U.N.E.F. développe parallèlement son propre projet pour lUniversité : projet dallocation détude, uvres universitaires et sociales .
Du milieu des années 80 à environ 1990, lA.G.E.L-U.N.E.F. développe un discours plus général, plus politique : " Quand jai pris la présidence, on avait un discours beaucoup plus général, beaucoup plus théorique, national. [ ] Avec la préparation du congrès de Toulouse, une modification stratégique sopère [ ]. Cétait lidée quil fallait un syndicat beaucoup plus utile aux étudiants et quil fallait partir non pas de problèmes globaux, nationaux, généraux, mais que sil on voulait intéresser les étudiants, faire en sorte quils se syndiquent, au moins quils se mobilisent, il fallait partir de problèmes très concrets ". Dans ce contexte, la connaissance des revendications des étudiants importe peu : il faut convaincre de la justesse des propositions et du projet de lA.G.E.L-U.N.E.F.. LA.G.E.L-U.N.E.F. porte alors un projet pour lEnseignement Supérieur et ne laisse aux étudiants que la capacité de la soutenir. Un changement se produit avec le congrès de Toulouse en 1990. LU.N.E.F. est alors redéfinit comme un " outil pour rassembler les étudiants sans autre préalable que la défense de leurs droits. Elle abandonne son projet pour lEnseignement Supérieur, se rapproche des étudiants et tente de connaître précisément leurs revendications.
De 1990 à 1994, lorientation décidée au congrès de Toulouse est mise en application. Si des tiraillements, des réticences se font sentir au niveau national et dans certaines A.G.E., lA.G.E.L-U.N.E.F. ne semble pas connaître ces difficultés, en particulier grâce à des discussions approfondies entre les adhérents. Dans le cadre de lorientation définie au congrès de Toulouse, les cahiers de revendication sont abondamment utilisés, en particulier par le Bureau National. Ils deviennent pratiquement la base, le pilier de lactivité de lA.G.E.L-U.N.E.F.. La lutte contre laugmentation des droits dinscription dans les DCEF à Lyon III est à ce sujet éloquente. A la rentrée 1990-1991, lA.G.E.L-U.N.E.F. fait circuler des cahiers de revendication dans les amphithéâtres de DCEF. De nombreux problèmes sont alors pointés du doigt : laugmentation des droits dinscription aux cours et aux examens, lorganisation des inscriptions, linsuffisance en personnel administratif . Une synthèse des cahiers de revendication est alors effectuée et un mouvement sengage sur la base de la plate- forme revendicative ainsi créée. Les luttes, grâce aux cahiers de revendications, partent désormais de la situation concrète dans laquelle sont les étudiants. Mais une opposition interne commence en 1992 à critiquer lorientation du congrès de Toulouse. Elle sélève avant tout contre labsence de projet global pour lUniversité et de ligne directrice claire.
LA.G.E.L-U.N.E.F. évolue donc dans son attitude vis à vis du monde étudiant. Dans un premier temps, elle est dépositaire dun projet pour lEnseignement Supérieur et tente de convaincre les étudiants de la justesse de ses propositions. Avec le congrès de Toulouse en 1990, elle abandonne toute référence à un projet et essaie de coller au mouvement étudiant grâce à sa connaissance des revendications du monde étudiant.
3. Aider les étudiants.
Aider les étudiants au quotidien fait partie de lessence même de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Les statuts précisent dailleurs : " Pour atteindre ce but, elle met en uvre des moyens daction susceptibles de faire parvenir les étudiants à la satisfaction de leurs revendications. Elle prend toutes les initiatives pour répondre aux besoins matériels et culturels immédiats des étudiants ".
Concrètement, laction de lA.G.E.L-U.N.E.F. se traduit le plus souvent par lintervention délus ou dadhérents. Elle se fait surtout auprès de ladministration des universités lyonnaises avec lesquelles, excepté Lyon III, elle établit des liens. Ainsi, au début des années 70, louverture du campus de Bron saccompagne de nombreux problèmes matériels. Afin de les régler , lA.G.E.L-U.N.E.F. organise avec les étudiants des délégations auprès de ladministration. Plus fréquentes, les interventions des élus auprès de ladministration pour des problèmes dexamens ou dinscriptions nécessitent un certain sens de la diplomatie. En mai 1976, un courrier de lA.G.E.L-U.N.E.F. adressé aux élus détaille précisément la marche à suivre pour les litiges liés aux examens. La solution demeure toujours la même : rédaction dune pétition ou dune motion et organisation dune délégation au président du jury ou au directeur de lU.E.R..
LA.G.E.L-U.N.E.F. peut aussi mettre son poids, son influence au service dun étudiant. En avril 1979, elle soutient pleinement la plainte dun étudiant tunisien contre les mesures prises par le préfet dans le cadre de la circulaire Bonnet. En septembre 1972, à la suite de lexclusion dun étudiant de lécole vétérinaire, le comité U.N.E.F-U.G.E. de lécole et lA.G.E.L-U.N.E.F. lancent une pétition pour sa réintégration, tandis que le ministre de lAgriculture est interpellé à lAssemblée Nationale par Mr G. Gosnat (Député du groupe communiste) à la demande de lA.G.E.L-U.N.E.F..
Enfin, lA.G.E.L-U.N.E.F. renseigne de nombreux étudiants dans ses locaux (bourses ) ou lors des chaînes dinscription. En 1991, elle distribue à cet effet des tracts dinformation sur les inscriptions .
Laide apportée par lA.G.E.L-U.N.E.F. aux étudiants découle principalement de sa place, situation intermédiaire entre les étudiants et ladministration ou les professeurs. En effet, les élus et les militants sont souvent connus de ladministration, surtout à Lyon I et à Lyon II, ce qui facilite les contacts. Laide au quotidien est donc souvent une aide au cas par cas et prend très rarement de lampleur. Le recours au rapport de force na lieu quen ultime recours, au cas où la négociation échoue. Laide au quotidien privilégie donc la négociation et les réseaux de connaissance. Toutefois, il ne sagit en aucun cas de clientélisme : ladhésion, au grand dam des responsables, nest quexceptionnellement proposée : " Cétait plus en terme dinfluence que de cartes. Des problèmes de stratégie existaient à lépoque, puisque les cartes étaient faites sur les chaînes et non avec les gens que lon avait aidé ".
4. Animer le campus.
Un constat, un bilan souvent sévère est porté par lA.G.E.L-U.N.E.F. sur la situation culturelle dans les campus universitaires et, en particulier, sur ceux de Lyon II Bron et de Lyon III. A ce constat sajoute la revendication de lA.G.E.L-U.N.E.F. du droit des étudiants à accéder à la culture. Lors des élections dU.E.R. de médecine Lyon- Nord, collège PCEM 2 en 1975, lA.G.E.L-U.N.E.F. intègre dans ses propositions la création dune " animation culturelle et sportive ". Dans le guide de 1972- 1973, elle affirme le droit des étudiants à accéder à " toute " la culture grâce surtout à la mise en place de lAllocation dEtudes.
En fait, les revendications culturelles sont rarement mises en lumière et ne semblent pas une priorité. Toutefois, lA.G.E.L-U.N.E.F. ne délaisse pas lactivité culturelle : " Par exemple, cétait la grande époque du développement du TNP à Lyon, et sur lI.N.S.A. [ ], on a organisé maintes représentations théâtrales spontanées [ ]. On faisait parti de la fédération des clubs, on passait pas mal de films ". Outre les activités théâtrales de lI.N.S.A., lA.G.E.L-U.N.E.F. organise aussi des boums, gère un ciné-club à la Doua, organise des conférences sur le contenu des cours . Ainsi, le C.A. U.N.E.F. Droit-Sciences Economiques organise, peut- être en novembre 1972, les Assises nationales de Droit/Sciences Economiques et en mars 1978 une conférence avec le professeur Miaille de luniversité Montpellier I sur " le droit tel quon nous lenseigne ". Mais surtout, la grande animation culturelle est la préparation du gala de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Organisé par lA.G.E.L-U.N.E.F. à la Bourse de Travail, il a lieu de une à trois fois par an et produit des artistes renommés : " On avait une activité culturelle phare de lannée : le gala de lA.G.E.L. à la Bourse du Travail. On a fait venir des vedettes : Nougaro, les Frères Jacques, Paco Ibanez, Guy Bedos [ ], Théodorakis ". Dautres artistes se sont aussi produits : Cuarteto Cedron, Bread and Pupet . Très lourds à organiser , ils ne sont pas ouverts aux seuls étudiants et rassemblent plusieurs milliers de spectateurs. Cependant, ils déclinent au milieu des années 70 et disparaissent peut- être en 1977.
LA.G.E.L-U.N.E.F. possède donc, avant le congrès national de 1980, une activité culturelle importante. Elle sinscrit certes dans une volonté de prise en compte de tous les aspects de la vie étudiante, mais elle est surtout , et peut- être avant tout, considérée comme une source de revenus financiers. De nombreux anciens responsables incluent les activités culturelles dans les ressources financières du syndicat. Certaines activités se révèlent dailleurs très rentables. Ainsi, la projection dun film des Pink Floyd à lI.N.S.A. rapporte plusieurs centaines de francs en 1974 ou 1975.
Le congrès national davril 1980 adopte une orientation claire en matière culturelle. Elle sintègre plus largement dans la nouvelle orientation de Solidarité Etudiante. Cette nouvelle orientation veut rompre avec lisolement et lindividualisme à lUniversité. Elle souhaite donc mettre en place une animation culturelle et associative et ainsi se charger pleinement de tous les aspects de la vie étudiante. Outre la tenue régulière de boums et de soirées diverses, lA.G.E.L-U.N.E.F. prépare des sorties entre étudiants comme en Histoire- Géographie à Lyon II et organise une " rencontre Rhône- Poulenc " avec la C.G.T. sur les débouchés offerts par les formations de Sciences à Lyon I. Mais surtout, trois animations lancées par lA.G.E.L-U.N.E.F. méritent une attention particulière :
· Lors de la rentrée universitaire 1984-1985, une animation a lieu à lUniversité Lyon II avec le podium de Radio- France et la distribution du guide de lA.G.E.L-U.N.E.F..
· En mars 1985, une semaine internationale se tient à Lyon I et à Lyon II. Une riche programmation sétale sur une semaine. Lyon II accueille lAmérique Latine et la Turquie et les étudiants peuvent assister à des débats, des concerts, des films, des expositions, des colloques. Ils ont aussi la possibilité de visiter des stands dO.N.G. et dambassades, et de goûter à des spécialités culinaires. Un gala clôture la semaine internationale avec les Quilapayun. A Lyon I, des animations identiques ont lieu sur lapartheid et la Palestine. Cette réalisation obtient dailleurs le label " Année Internationale de la Jeunesse " parrainé par le Ministère des Sports et de la Jeunesse.
· Enfin, sans doute influencée par le boum des radios libres, lA.G.E.L-U.N.E.F. monte en 1981-1982 un projet de radio : " Radio- Campus Lyon ". Des boums sont organisées afin de collecter les fonds nécessaires, tandis que des devis pour le matériel et des grilles de programmation sont établis. Lobjectif est de créer une radio des usagers des universités lyonnaises. Les thèmes des diverses émissions reflètent cette ambition : les buts de lUniversité, le C.R.O.U.S., la culture, les voyages, les étudiants salariés, le sport à lUniversité, les grandes écoles, les spectacles, les étudiants en résidence universitaire, les étudiants étrangers. Cependant , peut- être pour des raisons dordre financier, le projet échoue à la fin de lannée 1982.
Hormis au début des années 80, lA.G.E.L-U.N.E.F. ne fait pas de lanimation culturelle des campus une priorité. Elle est alors secondaire, la priorité étant accordée à lactivité purement syndicale. Une nette évolution a lieu au début des années 80 et lA.G.E.L-U.N.E.F. intervient avec davantage de force et doriginalité dans le domaine culturel. Elle dispose alors des moyens humains et financiers nécessaires et ne se trouve pas confrontée à des mouvements étudiants. Le dynamisme de lA.G.E.L-U.N.E.F. dans le domaine culturel, déjà important dans les années 70, peut sinscrire véritablement et sans entraves dans la nouvelle orientation nationale.
Toutefois, les années 1986-1987 marquent un tournant. Son affaiblissement numérique ne lui permet plus doccuper tous les domaines de la vie étudiante et son champ dintervention se réduit faute de militants, de moyens financiers et sans doute aussi de conviction.
5. Renforcer le syndicat.
La rotation rapide des adhérents contraint lA.G.E.L-U.N.E.F. a un effort quotidien de renouvellement. Renforcer le syndicat est, dans ces conditions, une nécessité, une préoccupation constante.
Contrairement à certaines professions, il nexiste pas dans le monde étudiant de réflexe naturel à la syndicalisation. Par conséquent, les adhésions ne se font pas dans nimporte quelles circonstances et lieux.
Elles se font principalement sur les chaînes dinscription où lA.G.E.L-U.N.E.F. est présente. La présence de lA.G.E.L-U.N.E.F. sur les chaînes dinscription est tardive, puisquelle semble débuter au milieu des années 70. Les sources, les archives, particulièrement faibles et incomplètes en ce qui concerne les fichiers des adhérents, permettent difficilement dévaluer la proportion des adhésions réalisées sur les chaînes dinscription. Pour les dernières années de lA.G.E.L-U.N.E.F., les chiffres sont disponibles et révélateurs. En 1991-1992, 54,4 % des adhésions se font sur les chaînes dinscription, 38,5 % en 1992-1993 et 31,5 % en 1993-1994. Pour les années antérieures, limportance des adhésions réalisées sur les chaînes dinscription est corroborée par les anciens responsables : " Ladhésion se fait à la rentrée. Il ne faut pas oublier le rôle de la tenue des chaînes dinscriptions, essentiel. Ladhésion se fait sur la tenue de la chaîne ". La chaîne dinscription offre un espace de discussion pour les militants syndicaux et les nouveaux étudiants. Les adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. tentent alors de convaincre les nouveaux étudiants de la nécessité dun syndicat étudiant, des conceptions et propositions de lU.N.E.F. et proposent ensuite ladhésion.
Outre les chaînes dinscription , les initiatives tiennent une place importante, permettent de réaliser des adhésions. Les initiatives sont toutes les actions lancées par lA.G.E.L-U.N.E.F. hors des grands mouvements étudiants nationaux : pétitions sur divers thèmes comme le demi-tarif sur les transports en commun , campagne pour les élections universitaires, cahiers de revendication, mouvements étudiants à enjeux locaux et restreints . Les adhésions se font alors par la discussion, mais aussi par une mise en pratique : lors dune initiative, quelques étudiants vont simpliquer en prenant des responsabilités, en participant activement, puis ils vont graviter autour de lA.G.E.L-U.N.E.F. et vont finir par adhérer. En 1991-1992, 29,4 % des adhésions se font lors des initiatives, 36,5 % en 1992-1993 et 55,4 % en 1993-1994. En 1993-1994, 28 adhésions sont réalisées à loccasion de la campagne des élections au C.A du C.R.O.U.S., soit quasiment autant que sur les chaînes dinscription.
Toutefois, les chaînes dinscription et les initiatives ne sont pas tenues dans la perspective première de renforcer le syndicat. Dautres aspects priment alors nettement. Des " campagnes de renforcement " sont par contre organisées par le bureau dA.G.E. ou le bureau national. Limitées dans le temps, des moyens et des objectifs particuliers lui sont assignés. Le bureau dA.G.E. peut impulser une campagne de renforcement . Cest alors le responsable à lorganisation qui se charge de sa préparation et de sa mise en uvre. Ainsi, le collectif dA.G.E. du 14.03.1979 décide dune campagne dadhésion avec pour moyen un questionnaire. Le bureau national peut aussi exercer une pression sur lA.G.E.. En mai 1992, lA.G.E.L-U.N.E.F. reçoit pour objectif de réaliser 100 nouvelles adhésions du 15 mai 1992 à la fin du mois de juin. LU.N.E.F. espère alors toucher les dividendes de sa forte présence contre la réforme Jospin et atteindre les 10 000 adhérents. Le réel impact dune campagne dadhésion apparaît faible. Certes, quelques adhésions sont réalisées, mais les objectifs, souvent fantaisistes (doublement du nombre des adhérents ) ne sont jamais remplis. En janvier 1992, lAGEL- UNEF compte environ 130 adhérents, quand le congrès national de 1992 fixait un objectif de 400 adhérents !.
Enfin, les réunions de lUEC, les fêtes du PCF, de la JOC et de lUD- CGT sont loccasion pour lAGEL- UNEF de prendre contact avec des étudiants engagés ou sympathisants, et de les faire adhérer. Elle participe, pas forcément toutes les années, mais assez régulièrement, à la fête de la Voix du Lyonnais, de la JOC . Elle tient à cette occasion un stand où elle présente son action, ses idées, prépare des expositions .Ladhésion est alors facilitée par la proximité idéologique des visiteurs. En 1991-1992, 3 % des adhésions seulement se font dans ces circonstances, mais 17,3 % des nouvelles adhésions en 1992-1993 et 10,9 % en 1993-1994.
Lactivité de renforcement du syndicat se fait donc quotidiennement, tant elle est vitale pour le syndicalisme étudiant. Quantitativement, les adhésions ont surtout lieu sur les chaînes dinscription et lors des initiatives. Ce sont des moments privilégiés permettant la discussion entre les adhérents et les étudiants. Cependant, outre une certaine réticence des adhérents à proposer systématiquement ladhésion, laspect qualitatif des adhésions apporte un autre point de vue : les militants ont principalement adhérés sur un vécu (expérience dun mouvement étudiant) ou par lintermédiaire dun fonds militant et politique (proximité des idées politiques ).
UNE POLITIQUE CONSTANTE VISANT A PLACER LA.G.E.L-U.N.E.F. AU CUR DE LA VIE ETUDIANTE
Chapitre 1 :La reconstruction dune économie sociale étudiante.
Léconomie sociale constitue un secteur particulier, souvent méconnu, mais qui est un complément essentiel de lactivité revendicative de nombreuses organisations syndicales. Le syndicat le plus impliqué dans léconomie sociale était la F.E.N. (avant la scission de la F.S.U.) avec la CAMIF, la MAIF . Les acteurs de léconomie sociale sont des associations, des mutuelles, qui ont la particularité de ne pas avoir de buts lucratifs. Elle ne font pas des bénéfices, mais des excédents de gestion. Ainsi, dans le domaine des mutuelles, les excédents appartiennent aux sociétaires, cest à dire aux adhérents. Les adhérents désignent, directement ou indirectement, des délégués au conseil dadministration, selon un principe sacré de léconomie sociale : un adhérent, une voix.
LU.N.E.F., bien avant son lent déclin au cours des années 60, fait de léconomie sociale étudiante son principal champ dintervention. Face aux difficultés croissantes rencontrées par les étudiants dans lentre-deux-guerres, elle crée de multiples associations qui évoluent rapidement en sociétés dentraide : centres de médecine préventive et O.T.U. (Office du Tourisme universitaire) en 1934, Centre National des uvres en 1936, O.S.S.U. (Office du Sport Scolaire et Universitaire) en 1938, M.N.E.F. (Mutuelle Nationale des Etudiants de France) en 1948 . Les A.G.E. multiplient les initiatives au niveau local et envahissent le champ de léconomie sociale étudiante : à Grenoble, lA.G.E.G. gère, à la fin des années 50, un restaurant universitaire, une coopérative, une bibliothèque, un bar, un service de polycopies. Elle conserve la gestion du restaurant universitaire jusquen 1970. De plus, elle crée et anime des associations culturelles et sportives à travers le CIF (Club Inter-Facultés), un radio-club, son journal Grenoble-Université, le GUC 5Grenoble Université Club) .
A Lyon, les services rescapés de lA.G.E.L. en 1968-1970 sont rares : les locaux de lA.G.E, situés au 20, rue F. Garçin, abritent encore un bar et une imprimerie, mais le restaurant de lA.G.E.L., situé dans le même bâtiment, est désormais géré par le C.R.O.U.S..
I. Une tâche secondaire à lactivité revendicative. 1971-1979.
Or, le renouveau accorde une place extrêmement réduite à cet aspect de lactivité syndicale. La motion proposée à lA.G. des syndiqués de Sciences par lU.N.E.F-Renouveau élude totalement la question des services. Sur le problème des polycopies par exemple, lU.N.E.F-Renouveau, au lieu de prendre en charge lédition et la vente des polycopies, se borne à laspect revendicatif en exigeant de ladministration lédition gratuite des polycopies
Sa position sur les services va même parfois plus loin et apparaît fortement réticente, sinon hostile. En effet, les services, assimilés au corporatisme, sont rejetés. Lactivité syndicale de lU.N.E.F-Renouveau est entièrement tournée vers laction revendicative.
Une première évolution apparaît en 1973 dans lattitude de lU.N.E.F. face aux services et à léconomie sociale étudiante. Elle a essentiellement lieu au niveau national, puisque le congrès dA.G.E.L.-U.N.E.F. de mai 1973 naborde toujours pas la question des services. A linverse, une réflexion est amorcée au niveau de lUnion Nationale. La principale publication nationale de lU.N.E.F., UNEF-INFORM, se fait par deux fois lécho de ces débats à la fin de lannée universitaire 1972-1973. Pour la première fois, en novembre 1973, le congrès national de lU.N.E.F. se penche sur cette question au cours de ses travaux. Cependant, il ne sagit pas dune nouvelle orientation pour le syndicat, principalement tourné vers laction revendicative. Lobjectif est de faire le point sur les services encore en activité et de les pérenniser ou de les utiliser au maximum. Le rôle de lU.N.E.F. est alors dorganiser avec les étudiants des services utiles immédiatement, répondant à des besoins spécifiques : " de voir les priorités auxquelles nous devons faire face. La question primordiale que nous devons nous poser quant aux services est : quel est le besoin le plus urgent et ressenti par la plus grande masse des étudiants. Il ne sagit pas, en ce domaine de faire preuve dimagination, mais de satisfaire les premières exigences des étudiants ". Une évolution se fait donc jour : désormais, lU.N.E.F. conçoit les services comme partie prenante de son activité syndicale, même si de multiples réticences sexpriment : " Cet aspect de notre activité syndicale est bien trop négligée ou ignorée, voir combattue par nos C.A. et nos A.G.E. [ ]. Or, bien souvent, nous les considérons comme des activités secondaires, voire " inférieures ". Ils ne font que trop rarement lobjet des préoccupations des directions et de lensemble des syndiqués ". Au contraire, ces deux aspects de lactivité syndicale ne se concurrencent pas, car ils ne répondent pas aux mêmes objectifs. Les services permettent de sattaquer aux conséquences de la crise universitaire, tandis que la lutte revendicative sattache à dénoncer les responsables de cette crise, cest à dire en premier chef le gouvernement. Les services ne sont donc pas considérés comme une solution, mais comme un pis-aller, un remède provisoire, destiné à éviter la sortie détudiants du système universitaire : " ils ne résolvent aucun des problèmes fondamentaux des étudiants ". LU.N.E.F. doit initier les services, mais la gestion doit être le fait de lensemble des étudiants. Elle est donc le lieu de regroupement des étudiants. Cependant, outre ces considérations philanthropiques, les services sont aussi considérés comme des sources possibles de financement de lactivité syndicale : " Ladhésion à lU.N.E.F., le paiement de la cotisation syndicale est le seul moyen pour les étudiants davoir un syndicat à leur service. Les services de lU.N.E.F. ne peuvent donc être déficitaires ; ils doivent y compris contribuer au renforcement de lorganisation ". Mais dans la pratique, la conception des services demeure très limitée. Contrairement aux années 50, il ne sagit pas de lancer lU.N.E.F. dans la gestion de restaurants universitaires . Elle adapte, en fonction de sa faiblesse numérique et financière, ses services. Ils sont, la plupart du temps, des structures légères qui ne nécessitent pas dinvestissements lourds. LUNEF-INFORM de mars 1973 livre quelques exemples : services sociaux (en fait logement et emploi), animations et loisirs, coopératives, éventuellement brasseries. Le cas des centres de polycopies de lU.N.E.F., sils existent, doivent être utilisés au maximum, mais il nest pas question pour le syndicat de créer de nouveaux centres. Au contraire, laction du syndicat se veut ici purement revendicative et lobjectif est dobtenir dans chaque université " un centre dédition autonome géré paritairement par les étudiants et doté dun budget autonome ". Le cas particulier des centres de polycopies montre bien les limites de lengagement de lU.N.E.F. dans les services et plus largement dans léconomie sociale étudiante. Elle consent à organiser des services, mais dans une perspective à court terme : laide immédiate aux étudiants. Sur le long terme, elle considère que la prise en charge des services relève de ladministration universitaire. Linflexion de la position de lU.N.E.F. trouve un faible écho au niveau de lA.G.E. de Lyon. Quelques services existent dès 1973 et sont regroupés dans le local de lA.G.E.L-U.N.E.F. sur le campus des Quais : renseignements universitaires, services emploi, service logement, correction des mémoires des étudiants étrangers. Des cours polycopiés sont édités à partir de la rentrée universitaire 1974-1975, mais ils demeurent très limités.
Jusquen 1976, les services étudiants offerts par lA.G.E.L.-U.N.E.F. restent limités et disparates. En effet, ayant tiré un trait sur lA.G.E.L. et donc sur ses services, la.G.E.L.-U.N.E.F. se préoccupe peu de cet aspect de lactivité syndicale et les rares services crées à partir de 1973 ne nécessitent pas dinvestissements financiers et humains importants. Au niveau national, une réflexion samorce, même si elle demeure timide dans ses objectifs et ses formes.
A partir de 1976, un changement dans la conception des services sopère et dote progressivement lU.N.E.F. dune orientation sur les services. Dans la continuité des années précédentes , les services sont toujours considérés comme des solutions immédiates à des problèmes urgents : " Dans une situation où pour chaque étudiant, la rentrée est jour après jour pleine dincertitudes, dinquiétudes, rien ne répond mieux à ce besoin de trouver des solutions immédiates à des problèmes urgents que les SERVICES DU SYNDICAT ". Les services sont donc toujours perçus comme une réponse aux conséquences de la crise universitaire. Ils sintègrent donc à lactivité syndicale, car ils participent à la défense immédiate des intérêts étudiants.
Cependant, un changement important intervient en 1976 : les services mis en place par lU.N.E.F. nont plus une vocation temporaire, éphémère. Ils ne sont plus destinés à être remplacés par ladministration : " Si la crise actuelle qui frappe durement lUniversité et les étudiants ne fait quaccentuer les besoins des services, ceux-ci ne sauraient trouver leur justification dans la conjoncture économique, et cela, quel que soit le gouvernement en place et la politique de ce dernier ". Lengagement de lU.N.E.F. dans les services sinscrit désormais dans le long terme et quitte le provisoire. Les services sont considérés comme une partie à part entière de lactivité syndicale, au même titre que lactivité revendicative. Ils ont deux objectifs : créer un système dentraide à luniversité et servir de base à un rassemblement des étudiants autour du syndicat étudiant, en mettant en pratique ses solutions et en proposant ladhésion sur la base des services. Désormais, lactivité syndicale de lU.N.E.F. repose sur deux bases : lactivité revendicative et les services.
En sinscrivant dans le long terme, lU.N.E.F. change ses priorités dans le développement de ses services. Ainsi, un Collectif National fixe en 1976 quatre priorités : les cours polycopiés, les services sociaux, les ciné-club et les A.S.S.U. (associations sportives).
Au niveau de lA.G.E. de Lyon, les services connaissent un fort développement , même si des différences naissent en fonction du dynamisme des comités. Une coopérative est crée par le comité IUT 1 à la rentrée universitaire 1976-1977 et le local du campus de Lyon II Bron accueille une coopérative, un centre de polycopies et un service culturel. Cependant , les deux comités les plus dynamiques sont Lyon I Sciences et Lyon I Santé. Le comité Lyon I Sciences, solide en nombre dadhérents, multiplie très rapidement ses services : une coopérative fonctionne, des polycopies sont édités, des abonnements pour des théâtres sont disponibles . Le comité Lyon I Santé fait preuve dun dynamisme intense, en dépit de sa faiblesse numérique, puisquil ne rassemble que 10 à 15 adhérents en 1972-1973. Les services sont surtout centrés sur lédition de polycopies. En effet, certains cours , particulièrement pénibles, ne sont guère fréquentés par les étudiants, qui peuvent se procurer les cours polycopiés publiés par lAssociation Corporative des Etudiants en Médecine de Lyon. Cependant, devant cette désaffection, des enseignants décident de contraindre les étudiants à assister aux cours en refusant de fournir leurs cours à lACEML. Face à cette situation, les adhérents de lA.G.E.L.-U.N.E.F. décident dorganiser les étudiants pour recréer correctement les cours et les éditer. Au début, cette initiative est lancée en collaboration avec la corpo de médecine, surtout dans le domaine logistique. Cependant, les relations se distendent avec lACEML et une association autonome de lA.G.E.L.-U.N.E.F. est créée. Les étudiants paient une cotisation et reçoivent chaque semaine les cours édités par un imprimeur. Lédition des cours oblige les enseignants à revoir leurs méthodes pédagogiques, tandis que lédition de polycopies est pérennisée et sétend à lensemble de la faculté de Médecine de Rockeffeler et à la faculté A. Carrel. Des services sont gérés par lA.G.E. ou confiés à des comités. Cest en particulier le cas de la cafétéria Longefer, confiée au comité Santé : "La première de ces cafétérias est la récupération dune cafétéria désaffectée qui se trouvait dans une cité universitaire de la M.N.E.F.. La M.N.E.F., à lépoque, gérait encore quelques cités universitaires, et il yen avait une à Lyon qui se trouvait juste à coté de la fac de Médecine. [ ]. A partir de lexpérience de création de cette cafétéria, à la fac de Médecine ou à coté, nous avons crée un certain nombre dautres cafétérias ". Des photomatons sont installés par lA.G.E. dans les facultés de Médecine et de Sciences, des services logement et emploi sont mis à la disposition des étudiants, et une antenne V.T.U. sinstalle à Lyon en avril 1978. De 1976 à 1979, les services aux étudiants de lA.G.E.L.-U.N.E.F. sont fortement développés et investissent progressivement tous les champs de léconomie sociale étudiante. Ils sont aussi plus ambitieux, puisque des investissements financiers plus importants sont engagés.
La croissance de lactivité des services fait naître au sein de lA.G.E.L.-U.N.E.F. une réflexion, un débat sur les services : " Cest lépoque où on développe les services, on commence à y réfléchir [ ]. Le besoin de recréer des choses se faisait sentir. [ ]. Puis, il yavait un vrai débat . Des adhérents disaient : " non, on nest pas là pour faire des services ", " des étudiants vont adhérer pour avoir accès à la coop, à la polycopie, et ce ne sont pas de vrais adhérents ". Cétaient des débats un peu byzantins, et qui nintéressaient pas les étudiants dailleurs, mais qui nous ont agité pendant de longues heures ". Un véritable débat a donc lieu sur lutilité et sur les conséquences des services. En effet, des adhérents, souvent dailleurs proches de lU.E.C., sopposent aux services, considérés comme un retour de lU.N.E.F. au corporatisme et au réformisme. Ils rejettent en particulier la validité de ladhésion par les services, jugée fausse et intéressée. Cependant, une réflexion sélabore progressivement, et en particulier sur le lien entre les services et laccroissement du nombre des adhérents. Devant les réussites, en particulier celle du secteur Santé, les services sont progressivement étendus à lensemble des facultés. En effet, les effectifs du comité Santé croissent de façon spectaculaire, puisquils atteignent 200 adhérents vers 1976-1977 sur les quatre facultés de Médecine.
II. La création du CERCOOPE, véritable centrale de services.
La gestion des services, peu structurée et dispersée entre les différents comités avant 1979, est centralisée au niveau de lA.G.E. (et même au delà) grâce à la création du CERCOOPE, cest à dire du CEntre Régional des COOPératives Etudiantes. Il est laboutissement dune réflexion entamée depuis plusieurs années, et ouvre de nouvelles perspectives, tant locales que nationales.
Lassociation CERCOOPE est immédiatement conçue comme autonome de lU.N.E.F.. Cependant, elle nest pas indépendante, puisquelle est rattachée structurellement à lA.G.E.L.-U.N.E.F. : le président du CERCOOPE est le président de lA.G.E.L.-U.N.E.F.. Ainsi, en juillet 1983, le président de lA.G.E.L.-U.N.E.F., Rémy Ménétrier, occupe la présidence du CERCOOPE avec laide dun administrateur général du CERCOOPE, qui assume de fait la responsabilité de la bonne marche de lassociation. Ce poste a dailleurs été souvent occupé par des anciens adhérents de lU.N.E.F..
Les objectifs du CERCOOPE sont demblée très ambitieux. En effet, après une période de stabilisation durant laquelle la présidence est assumée par R. Lopez, le CERCOOPE affirme très vite une vocation à la fois locale et régionale. Son objectif est la mise en place et la coordination des différents services des universités de Lyon, mais aussi de Saint-Etienne et de Grenoble. Elle développe, multiplie et diversifie les services offerts par lA.G.E.L.-U.N.E.F.. Tous les champs de la vie étudiante sont investis progressivement par le CERCOOPE : études, loisirs, culture, emploi, logement . En 1980-1981, le panel des services est très large :
® Imprimerie : Limprimerie est la première pièce maîtresse des services du CERCOOPE. Elle se compose à la fois de limprimerie du 8 rue Volney où sont imprimées les thèses, les polycopiés , et de multiples photocopieurs répartis dans les divers locaux syndicaux, mis à la disposition du CERCOOPE par lA.G.E.L.-U.N.E.F.. Des photocopieuses sont installées dans les trois universités de lagglomération lyonnaise : Lyon I, Lyon II, Lyon III, avec parfois plusieurs points photocopie par université. Une rude concurrence entre les diverses associations et syndicats étudiants se déclare très rapidement sur le " créneau " des photocopies. En Sciences, une concurrence acharnée oppose lU.G.E.L.-U.N.E.F. à lA.G.E.L.-U.N.E.F. au début de lannée 1980 et fait chuter le prix de la photocopie de 60 à 35 centimes .
® Les coopératives : Elles sont aussi mises en place dans tous les locaux de lA.G.E. de Lyon, mais aussi à Saint-Etienne et à Grenoble. Elles reposent principalement sur la vente de papeterie (stylos, gommes, feuilles ), douvrages (une librairie est créée), de machines à calculer .
® Les cafétérias : Plusieurs cafétérias sont gérées par le CERCOOPE sur les campus de Lyon. La première cafétéria est la récupération dune cafétéria désaffectée située rue Longefer dans une cité universitaire de la M.N.E.F.. La cafétéria la plus importante est acquise en juillet 1983. En effet, une convention entre le CERCOOPE et luniversité Lyon II est signée au sujet de la gestion de la cafétéria du campus de Bron, auparavant gérée par un privé. Un gérant est nommé par le CERCOOPE pour soccuper de la gestion.
® V.T.U : Une antenne de V.T.U existe en Sciences au début de lannée 1980. Cependant, la gestion nationale de lorganisme de voyages crée en 1975 lors du congrès de Lyon se heurte rapidement à des difficultés financières et à la concurrence de lO.T.U.. Elle disparaît assez rapidement, peut-être au début des années 80.
® Services divers : Les services emploi et logement, crées en 1973, perdurent, tandis que des comités mettent en place des animations culturelles ou sportives. Au début de lannée 1980, lA.G.E.L.-U.N.E.F. Sciences met à la disposition des étudiants un labo-photo moyennant une petite participation financière pour le matériel. Des bourses aux livres sont organisées à Lyon III, des billets de train et de théâtre sont vendus .
® Enfin, une radio locale émet pendant une brève période avant la loi sur les radios libres de 1982. Elle a pu voir le jour grâce aux compétences techniques des adhérents de Centrale et de lI.N.S.A.. Après 1982, un projet de radio est à nouveau élaboré, mais ne voit pas le jour, peut-être à cause de problèmes de financement.
Le CERCOOPE prend une certaine ampleur et devient un acteur important de léconomie sociale étudiante. Cependant, il connaît au début de lannée 1981 une crise de croissance. Le bureau dA.G.E. du 19.03.1981 évoque la situation du CERCOOPE et pointe deux problèmes majeurs : des difficultés de fonctionnement et des problèmes financiers. Les dettes, qui se montent à 154 000 francs, gênent lactivité et le coût des quelques salariés devient rapidement une charge très lourde à assumer. Par la suite, la situation se stabilise et, sans dégager dexcédents de gestion réguliers et importants, le CERCOOPE ne connaît plus de difficultés financières.
La démarche de lA.G.E.L.-U.N.E.F. vis à vis des services est progressivement théorisée. Elle vise tout dabord à auto-organiser les étudiants face à la " sélection sociale " et donc aux conditions de vie et détudes. Face à la démission de lEtat, les étudiants doivent répondre eux-mêmes à tous les aspects de la vie étudiante. La participation des étudiants à la gestion des services est érigée en nécessité, afin de transformer lassistance initiée par lA.G.E.L.-U.N.E.F. en " entraide ". Dans cette vision, la gestion des services ne doit pas être pris directement en charge par le syndicat, car elle ne permet pas dassocier tous les étudiants à la gestion des services. Ensuite, la démarche de lA.G.E.L.-U.N.E.F. vise à mettre les organismes compétents devant leurs responsabilités. Face aux multiples démissions de ladministration, lA.G.E.L.-U.N.E.F., en créant des services essentiels aux étudiants (tels les polycopiés pour les étudiants salariés) crédibilise ses propositions et peut dénoncer les renoncements et la mauvaise volonté des organismes compétents.
Cependant, diverses approches syndicales coexistent à lA.G.E.L.-U.N.E.F., en particulier sur le sujet sensible des services. Une opposition, une réticence vis à vis des services, assimilés au corporatisme, sexprime, en particulier de la part détudiants communistes.
En 1980, les A.G.E. disposant de services au sein de lU.N.E.F. sont rares. Seules quelques grandes A.G.E. ont conservé ou développé des services, au rang desquelles se trouvent Lyon, Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nancy, Grenoble. LA.G.E. de Toulouse réussit à conserver la gestion dun restaurant universitaire jusquau milieu des années 80, tandis que lA.G.E. de Bordeaux gère une brasserie et plusieurs cafétérias.
Au congrès de Reims davril 1980 (du 25 au 28 avril 1980), une nouvelle orientation nationale est débattue et adoptée par les 1000 délégués : le Solidarité Etudiante. La nouvelle orientation part dun bilan, dune analyse de la situation universitaire : le monde étudiant est confronté à la sélection sociale, au vide des universités et surtout à un individualisme forcené. Face à cette situation, lU.N.E.F. souhaite remplacer le système D en vigueur dans le monde étudiant par une solidarité étudiante. Les étudiants doivent prendre en main leur vie et créer un nouveau climat à lUniversité. La place de lU.N.E.F. change donc radicalement : lieu de rassemblement des étudiants, elle organise avec les étudiants la solidarité étudiante à travers trois structures : le groupe détude, qui soccupe de lactivité syndicale et revendicative, les services et les commissions dactivité. LU.N.E.F. dépasse désormais le cadre de lopposition simple à la politique universitaire du gouvernement. Lentraide est définie comme une composante essentielle de lorientation syndicale à coté de la lutte revendicative. La nouvelle orientation place lU.N.E.F. au centre de la vie étudiante, puisquelle doit assumer la prise en charge de tous les aspects de la vie étudiante : les services créent lentraide nécessaire à de meilleures conditions de vie et détude, les commissions dactivité permettent danimer la vie de lUniversité, et les groupes détudes assument lactivité revendicative. LU.N.E.F. tente ainsi daller au-delà de son rôle traditionnel de syndicat contestataire.
La traduction concrète de cette nouvelle orientation est la création à la rentrée universitaire 1984-1985 de la C.A.E.L, cest à dire la Coopérative dAchat des Etudiants et Lycéens. Le rôle de lA.G.E.L.-U.N.E.F. est essentiel dans le montage de la C.A.E.L. : " Cest en partant de cette expérience lyonnaise, qua été montée une structure nationale, qui sest appelée la C.A.E.L.. Cest toute une équipe de lyonnais qui a été chargée de mettre en place cette structure de services ". Structure nationale de services, la C.A.E.L. reprend les principes déjà utilisés par le CERCOOPE : les étudiants consomment beaucoup de services, de prestations fournies par des sociétés commerciales et privées et sur lesquels elles prélèvent des bénéfices. Or, une large fraction du milieu étudiant ne dispose pas des revenus financiers suffisants pour conduire à bien des études. Lobjectif est donc doffrir tout ce que les étudiants ont besoin, mais à des prix plus bas grâce à une gestion économique et au bénévolat. Si certaines A.G.E. refusent dintégrer la nouvelle structure nationale, le CERCOOPE sassocie immédiatement à la C.A.E.L..
Lassociation avec la C.A.E.L. permet au CERCOOPE de se développer encore davantage. Les services du CERCOOPE se multiplient : fournitures, papeterie, matériel spécialisé, commande de livres, photocopies, imprimerie, annales dexamens, polycopies, voyages, cassettes audio et vidéo, billets BIGE, ouverture dun restaurant (il disparaît en 1985), cafétérias . En 1984-1985, le CERCOOPE est implanté sur pratiquement tous les campus et emploie trois salariés à temps complet. Il déborde alors au-delà des limites de la région Rhône-Alpes, puisquaprès Saint-Etienne et Grenoble, des coopératives sont ouvertes à Dijon et Besançon. En février 1985, le CERCOOPE emploie sept salariés, soit nettement plus que la C.A.E.L. (trois salariés). Le rôle national du CERCOOPE est alors manifeste : une rencontre entre la C.A.E.L. et Bull met sur pied un projet de centres informatiques. Le constructeur informatique propose dinstaller 10 à 15 ordinateurs avec imprimantes par centre, dassurer la maintenance et de former des moniteurs. Une association, nommée APRODIE, est créée pour gérer les 20 centres, tandis que lU.N.E.F. et la C.A.E.L. servent de caution. Or, le siège social dAPRODIE est fixé au CERCOOPE, tandis que deux des quatre membres du bureau de la nouvelle association loi 1901 sont lyonnais. LA.G.E.L.-U.N.E.F. joue un rôle essentiel dans lélaboration de la nouvelle orientation syndicale, dite de Solidarité Etudiante. En effet, ses adhérents sont très impliqués dans la création de la C.A.E.L. et le CERCOOPE occupe une position phare au niveau national.
Résumé :
LA.G.E.L.-U.N.E.F. adopte différentes attitudes vis à vis de léconomie sociale étudiante, et en particulier des services. Préoccupation véritablement secondaire au début des années 70, elle ne cesse à partir de 1976 dintervenir dans ce domaine. Avec le développement de ses premiers services, elle mène une réflexion sur la place des services dans lU.N.E.F. et sur les liens entre les services et lactivité syndicale. Sa participation au débat national sur les services, faible avant 1979, se renforce avec lexpérience du CERCOOPE et le savoir-faire de militants tel R. Lopez. LA.G.E.L.-U.N.E.F. occupe jusquau milieu des années 80 une position phare et influence considérablement lorientation nationale en mettant son expérience au service de lUnion Nationale. Cependant, dés le milieu des années 80, sa situation devient plus instable, en particulier dans le domaine des services. En effet, le CERCOOPE connaît un déclin progressif et affronte de multiples difficultés. Il se heurte à la concurrence toujours accrue du secteur privé, à lhostilité des corporations et de certains professeurs, aux nombreuses contraintes et tracasseries administratives . De plus, les relations entre le CERCOOPE et lA.G.E.L.-U.N.E.F. se distendent à partir du milieu des années 80. En effet, le syndicat étudiant lyonnais, confronté à une grave crise, se replie sur lui-même et recentre ses activités : " Les liens entre lU.N.E.F. et le CERCOOPE, en termes de participation à la gestion [ ], les liens sétaient beaucoup distendus. Quand jai été président, je me suis dabord occupé de lU.N.E.F., cest ce qui mintéressait avant tout, même si jai trouvé utile que le CERCOOPE existe [ ]. On laissait au gestionnaire la gestion ". LA.G.E.L.-U.N.E.F., qui compte alors de 80 à 90 adhérents, ne dispose plus des capacités militantes nécessaires pour pouvoir mener à la fois lactivité syndicale et les services. De plus, beaucoup dadhérents ne perçoivent plus les services comme du syndicalisme et, par conséquent, lintérêt dassurer leur survie. Les difficultés apparaissent au début de lannée 1989 et le CERCOOPE dépose le bilan en mars 1990. En dépit de léchec du CERCOOPE, une nouvelle structure de services est fondée en 1990 : le CELYSE. (CEntre LYonnais des Services Etudiants). Beaucoup plus modeste dans ses ambitions, ses objectifs et ses moyens, elle offre des services plus traditionnels : imprimerie, coopératives, photocopieurs. Cependant, la situation financière du CELYSE se dégrade rapidement et les dettes atteignent, en mars 1992, 185 000 francs. Elle disparaît probablement peu de temps après, sans doute en 1993.
A linverse des services, lA.G.E.L.-U.N.E.F. intervient peu dans lautre champ de léconomie sociale étudiante : le mutualisme. Jusquen 1976, lU.N.E.F. ne se préoccupe pas ou peu du symbole même du mutualisme étudiant : la M.N.E.F.. Certes, la création de la SMERRA entraîne des inquiétudes, mais le mouvement mutualiste ne suscite guère de passion au sein du B.N. De plus, la M.N.E.F. est alors " accaparée " par une tendance des étudiants socialistes. Aux contrôles de la mutuelle depuis la scission de lU.N.E.F. en 1971, elle modifie progressivement les statuts et verrouille la direction nationale et les sections locales. Les élections au C.A. de la M.N.E.F., qui se déroulent désormais par correspondance, ne présentent plus dintérêt : la participation est très faible, les irrégularités fréquentes. A partir de 1976, les relations entre lU.N.E.F. et la M.N.E.F. se détendent et un membre du B.N. de lU.N.E.F. (en loccurrence R. Lopez) est chargé des relations avec la M.N.E.F.. Une timide ouverture est alors concédée par la direction de la M.N.E.F.. A Lyon, les socialistes accordent " généreusement " 25 % des voix à lU.N.E.F. lors des élections pour lui permettre dobtenir quelques élus. Cependant, au niveau national, la direction demeure verrouillée, puisque lU.N.E.F. nobtient aucun siège au Bureau National. Dailleurs, le rapprochement ne dure pas : lengagement des socialistes au sein de lU.N.E.F-ID entraîne des prises de participation réciproques entre lU.N.E.F-ID et la M.N.E.F.. Dés lors, lU.N.E.F. nintervient plus dans le mouvement mutualiste.
Chapitre 2. Un syndicat peu ouvert au tissu syndical, politique et associatif.
I. Les relations U.N.E.F. / C.G.T. / S.N.E.Sup..
LA.G.E.L-U.N.E.F. entretient des relations fraternelles avec le S.N.E.Sup. et la C.G.T.. Les trois organisations syndicales vont constituer dans les conseils des universités des " intersyndicales " et nourrir ainsi le mythe dune stratégie communiste visant à conquérir et à prendre le contrôle de lUniversité. Or, contrairement aux apparences, lA.G.E.L-U.N.E.F. ne met aucune exclusivité dans ses relations avec le monde syndical. Elle tente de prendre des contacts avec toutes les organisations syndicales qui le souhaite . Des demandes dentrevue sont adressées à la C.F.D.T., à la C.G.T-F.O., à la F.E.N. : " Nous étions demandeurs de relations suivies, intersyndicales, avec tout le monde, donc avec le S.G.E.N-C.F.D.T . Le S.G.E.N-C.F.D.T., je nai jamais eu le plaisir de les rencontrer, parce quils nous ont toujours envoyé " sur les roses " ". LA.G.E.L-U.N.E.F. se heurte la plupart du temps à des fins de non-recevoir. Lattitude de la F.E.N., de la C.F.D.T., et de la C.G.T-F.O. sexplique sans doute par un anticommunisme virulent .
Ces rencontres, dictées par les circonstances, sont la plupart du temps plurielles, cest à dire ouvertes à toutes les organisations syndicales ou politiques. Elles sont donc irrégulières et ne permettent pas un dialogue en tête à tête.
La collaboration entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et la C.G.T. ou le S.N.E.Sup. prend différentes formes au grè des circonstances. Elle peut se concrétiser sous la forme dun soutien publique. Ainsi, en avril 1976, une déclaration commune UL- C.G.T. Bron- Chassieu- Satolas / C.A. U.N.E.F. Bron est publiée. Elle fait suite à la rencontre de deux délégations et à une déclaration nationale. A cette occasion, lUL- C.G.T. apporte son soutien à lA.G.E.L-U.N.E.F. dans sa lutte contre la réforme du second cycle au nom des " convergences profondes " entre étudiants et travailleurs : lutte contre le chômage (la réforme du second cycle risque de laggraver), contre la déqualification des emplois, les bas salaires, la politique démagogique du gouvernement et en faveur du programme commun. Lintervention de la C.G.T. dans le domaine universitaire se fait au nom de convergences entre étudiants et travailleurs. Il sagit alors dun soutien de poids auprès de lopinion publique et des salariés. LA.G.E.L-U.N.E.F. apparaît alors comme un partenaire privilégié de la C.G.T., la C.G.T. refusant daccorder son soutien à la " coordination des étudiants " où lextrême- gauche est active. Mais la plupart du temps, cette collaboration se fait dans le cadre dune intersyndicale, comme à loccasion de la célébration de lanniversaire de la libération de Lyon, du 1er mai ou encore à loccasion dune action de solidarité des travailleurs du Rhône avec lEspagne en octobre 1971.
Les relations entre lA.G.E.L-U.N.E.F., la C.G.T. et le S.N.E.Sup. se font, le plus souvent, dans le cadre de rencontres plurielles. Toutefois, en dehors de " lunité daction syndicale ", la C.G.T. et le S.N.E.Sup. apportent à lA.G.E.L-U.N.E.F. une aide matérielle et financière. Elle est variable selon les époques, puisque, avec le développement des services, lA.G.E.L-U.N.E.F. a de moins en moins besoin dune aide matérielle.
La fourniture dune aide matérielle est surtout luvre de lUnion Départementale C.G.T. ou des Unions Locales C.G.T.: " Laide apportée à lA.G.E., cétait par la C.G.T. [ ]. La C.G.T. nous procurait des affiches, des tracts, une sono ". Lors des élections universitaires, au C.A. du C.R.O.U.S., ou lors des mouvements étudiants, la C.G.T. fournit une aide matérielle non négligeable. Ainsi, en 1977, lA.G.E.L-U.N.E.F. possède une dette de 6690,00 francs auprès de lUL- C.G.T. de Bron-Chassieu-Satolas pour des travaux dimprimerie. Par contre, le S.N.E.Sup. semble incapable doffrir une aide matérielle : " Le S.N.E.Sup. [ ] était de fait moins militant que la C.G.T. et ce nest pas eux qui allaient nous régler les problèmes des tracts, des affiches. A la limite, parfois, cest nous qui réglions le problème des tracts pour eux ". Avec le développement des services, puis du CERCOOPE, lA.G.E.L-U.N.E.F. recourt de moins en moins à laide de la C.G.T.. Elle devient exceptionnelle : " La C.G.T. nous a aidé, par exemple, pour imprimer des tracts. En effet, cela coinçait, par moment, au CERCOOPE, lors de la période dimpression des thèses . Donc, à ce moment là, on passait par lUD- C.G.T.. ".
Laide financière est principalement apportée par le S.N.E.Sup.. Lorsque les besoins se font sentir (congrès ), les professeurs adhérents au S.N.E.Sup. sont régulièrement sollicités pour verser leur écot.
Les relations " officielles " entre lA.G.E.L-U.N.E.F., la C.G.T. et le S.N.E.Sup. apparaissent à la fois irrégulières et ponctuelles. Dictées par les circonstances, elles se bornent le plus souvent à une aide matérielle ou financière.
En fait, les relations entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et les deux organisations syndicales sont surtout informelles, cest à dire sans caractère officiel, sans préparation.
La C.G.T. ou le S.N.E.Sup. ne possèdent pas ou rarement sur les campus universitaires de locaux syndicaux. Ils nont pas de permanence et sont difficiles à joindre. Leur activité syndicale, et en particulier celle du S.N.E.Sup., sexprime avant tout dans les conseils dU.E.R. ou duniversité. Ils utilisent peu les moyens daction des syndicats ouvriers : grève, manifestation .La structure repose la plupart du temps sur quelques rares militants, souvent peu disponibles. Par conséquent, les conseils sont les lieux privilégiés de rencontre entre ces différentes organisations syndicales. Les élus apparaissent alors comme des intermédiaires essentiels.
Un véritable travail en commun sélabore au sein des conseils. En effet, de multiples actions voient le jour : les élus adoptent des positions communes lors de votes, des motions sont présentées et préparées en commun, des concertations ont lieu avant les votes . Les débats offrent loccasion déchanger des idées, de confronter les analyses, les propositions, détablir des convergences, mais aussi des contacts.
Mais surtout, les élus des professeurs et des personnels jouent un rôle essentiel dans la formation des élus étudiants : " On était beaucoup aidé par le S.N.E.Sup. dans la compréhension des mécanismes universitaires et le décryptage dun certain nombre de problèmes à luniversité [ ]. Jai aussi eu des relations avec la C.G.T. dans le cadre du C.A., qui mont beaucoup aidé pour décrypter et comprendre , qui mont formé [ ]. Ils contribuaient, par les questions quon leur posait, à la formation des élus de lU.N.E.F. ". Les élus des professeurs et des personnels ont souvent une longue expérience et apportent une aide précieuse aux élus étudiants pour comprendre la portée dun document administratif, financier ou autre.
Les relations personnelles jouent un rôle fondamental dans les relations entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et le S.N.E.Sup. et la C.G.T.. Des connaissances personnelles permettent détablir des passerelles entre les différentes organisations : " Nos contacts avec la C.G.T. tenaient des bonnes relations quon avait avec le secrétaire de lUJICT- C.G.T. et qui fait que, sur un certain nombre de dossiers, on a travaillé ensemble : les IUT ". De toute évidence, des interactions existent entre les milieux syndicaux et politiques. Les anciens adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. deviennent au fil des ans des responsables syndicaux, politiques, des professeurs . Ils constituent une trame de relations sur laquelle peut sappuyer lA.G.E.L-U.N.E.F.. Des réseaux de relations se superposent à cette trame : des adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. sont aussi à lU.E.C. ou au P.C.F., où ils peuvent rencontrer des adhérents de la C.G.T., de la section universitaire de la Doua du P.C.F. . Ainsi, les connaissances personnelles jouent un rôle essentiel dans les relations de lA.G.E.L-U.N.E.F. avec le S.N.E.Sup. et la C.G.T..
Les relations de lA.G.E.L-U.N.E.F. avec le S.N.E.Sup. et la C.G.T. sexpriment surtout au sein de différents conseils. Certes, la C.G.T. fournit à lA.G.E.L-U.N.E.F. une aide matérielle non- négligeable, mais elle diminue progressivement avec le développement des services. Contrairement à dautres organisations, et en particulier lUD- U.N.C.A.L. du Rhône, lA.G.E.L-U.N.E.F. ne tente à aucun moment de " coller " au S.N.E.Sup. ou à la C.G.T.. Au contraire, elle conserve une certaine indépendance et ne tisse pas véritablement de liens étroits.
II. Un syndicat de gauche sans affiliation partisane.
Les syndicats, quils soient étudiants, ouvriers ou autres, sont systématiquement classés en fonction de leur sensibilité politique, de leur famille de pensée . Lindépendance syndicale, bien que revendiquée, devient alors une simple mise en scène. LA.G.E.L-U.N.E.F. néchappe, par conséquent, pas à la règle et traîne la " gamelle communiste ". Les plus pudiques ou modérés résument en général cela en quelques mots : " proche du P.C.F. ". Pour les plus virulents, lA.G.E.L-U.N.E.F. devient la courroie de transmission du P.C.F. dans le monde étudiant, recevant probablement ses ordres de Moscou .La masse des étudiants, lorsquelle nest pas indifférente, réprouve les prises de position politiques en faveur du programme commun de la gauche et classe lA.G.E.L-U.N.E.F. comme un syndicat de gauche, en opposition aux syndicats et associations de droite. Ces clichés, souvent caricaturaux, sancrent- ils dans une réalité ?. Quelles sont les relations de lA.G.E.L-U.N.E.F. avec les partis politiques et le parti communiste en particulier ?
LU.N.E.F- Renouveau développe des analyses très proches de celles de lUnion des Etudiants Communistes. La proximité est particulièrement nette avec lanalyse de lévolution de lUniversité lyonnaise. Lanalyse de lU.E.C., développée au congrès de ville davril 1970, distingue dun coté les universités de Paris-centre et les autres. Les universités de Paris-centre sont destinées à devenir des universités délite, où un enseignement polytechnique de qualité est délivré. Dans le même temps, les universités de la banlieue parisienne et de Province doivent accueillir la masse des étudiants, sans secteur de recherche, dans le but de fournir au pays les cadres techniques pour les chaînes de production. Dans ce système universitaire dual, luniversité de Lyon est condamnée à rester une université de piètre qualité. Lors du mouvement étudiant de février 1970, lU.N.E.F- Renouveau publie son analyse de lévolution de lUniversité. Pour elle, le souci de rentabiliser lUniversité conduit à la création de trois types duniversités : une université de masse destinée à former des cadres moyens, une université de pointe ayant pour objectif de créer une élite pour la recherche et enfin les grandes écoles où sont recrutés les hauts cadres de lindustrie et de ladministration. Dans cette évolution, les universités lyonnaises doivent devenir des universités de masse liées aux besoins du patronat local. Les secteurs non rentables comme les Lettres sont amenés à disparaître. Ces analyses, fortement marxistes, sont extrêmement proches et renvoient à une même conception de lévolution de la situation universitaire. Une même proximité se retrouve à propos de la défense des libertés syndicales et politiques à lUniversité, ou de lanti- impérialisme. Outre ces analyses, la conception des bases dune rénovation de lU.N.E.F. est la même pour lU.E.C. et pour le courant Renouveau. A la base, le postulat est identique pour les deux : léchec de mai 1968, simple flambée passagère, sexplique avant tout par labsence dun véritable syndicat étudiant : " On voit bien la correspondance avec les thèses politiques de lépoque : [ ] il a manqué un programme daction pour les masses populaires, cest à dire le programme commun. En correspondance avec ça, il yavait lidée quil a manqué un grand syndicat étudiant qui tienne la route et il faut le reconstruire. ". A ce postulat répond une conception du syndicalisme étudiant. Organisation syndicale de masse, lU.N.E.F. doit défendre les revendications et les intérêts des étudiants, en liaison avec les syndicats ouvriers et en utilisant tous les moyens possibles, y compris la cogestion.
La proximité des analyses, lutilisation et le recours à un même vocabulaire démontrent linfluence de lU.E.C. sur lU.N.E.F- renouveau. Cependant, il apparaît très difficile détablir les vecteurs de cette influence. La plupart des analyses sont élaborées au niveau national, puis ensuite répercutées au niveau local, tant à lU.E.C. normalisée depuis quelques années, quà lU.N.E.F.- Renouveau. Pour les analyses locales, il faut sans doute éloigner lidée dune volonté délibérée de lU.E.C. dimposer ses analyses, idée qui corrobore limage dune U.N.E.F. courroie de transmission du P.C.F.. La nécessité dun renouveau de lU.N.E.F. et certaines analyses bénéficient dun consensus qui sétend au-delà du cercle très restreint des adhérents de lU.E.C.. La même analyse de la situation universitaire est développée par Université 70 (gauche non- communiste) : " On constituerait ainsi de nouvelles grandes écoles, à coté de facultés dépotoirs pour la plus grande masse ". Au consensus sajoute linfluence des adhérents de lU.E.C. au sein de lU.N.E.F- Renouveau. Peu nombreux, ils constituent pourtant une part importante des militants et possèdent sans doute un poids, une influence auprès des adhérents. Or, ils reproduisent volontairement ou non les analyses de lU.E.C..
Cependant, au niveau local, lU.E.C. contribue surtout par lapport de militants. Linvestissement de lU.E.C. dans lU.N.E.F. ne débute pas avec le Renouveau. En effet, elle contrôle plusieurs A.G.E., dont Lille, Saint- Etienne et Toulouse. Dés décembre 1968 et la déclaration de lA.G.E. de Lille, lU.E.C. appelle publiquement à renforcer lU.N.E.F- Renouveau. Elle publie et diffuse ses propres tracts appelant au renouveau de lU.N.E.F.. Ainsi, en février 1969, des militants de lU.E.C. distribuent des tracts intitulés " Pour un renouveau de lU.N.E.F. " en faculté de médecine. Elle mène aussi ses propres actions sans en référer aux membres de lU.N.E.F.- renouveau. En janvier 1971, lU.E.C. décide de réagir au refus prolongé de la direction de lA.G.E.L. de délivrer les cartes U.N.E.F. 1970/1971. Le jeudi 14 janvier 1971, B. Gazet, membre du bureau P.S.U. de lA.G.E.L., est enlevé à lI.N.S.A. par plusieurs étudiants de lU.E.C.. Il est ensuite relâché vers le parc de Miribel- Jonage sans avoir donné les cartes. Cette anecdote montre à quel point lU.E.C., ou une partie de lU.E.C. , sinvestit en faveur du renouveau de lU.N.E.F.. Mais surtout, lU.E.C. est mise à contribution pour son réseau et ses connaissances. Elle permet, au début de lannée 1969, de faire la liaison entre les différentes listes : " Il faut être honnête. Disons, la liaison entre ceux qui souhaitaient se présenter [ ] sest faite par les étudiants socialistes et par lU.E.C. ". La présence de lU.E.C. dans les différentes facultés permet de donner corps à lU.N.E.F.- Renouveau. Ses connaissances sont aussi mises à contribution pour publier des articles dans la Voix du Lyonnais, hebdomadaire de la fédération P.C.F. du Rhône.
Si lU.E.C. décide de sinvestir fortement dans lU.N.E.F.- Renouveau, sa présence nest pas prépondérante, hégémonique. La faiblesse de ses effectifs gène considérablement ses activités.
Les années 60 ont été difficiles pour lorganisation étudiante communiste. En effet, elle se trouve confrontée, au début des années 60, à une crise durable où saffrontent les tenants du Comité Central du P.C.F. et les futurs leaders gauchistes. Une normalisation de lorganisation est entreprise par le P.C.F. et lU.E.C. est secouée par les scissions et les exclusions. Ses effectifs déclinent rapidement et elle perd alors toute influence sur le monde étudiant. Les dernières crises se produisent en 1965 avec lexclusion/scission du secteur Lettres de lU.E.C. après son refus de soutenir la candidature de F.Mitterrand lors des élections présidentielles. En 1966, des anciens adhérents fondent la J.C.R. avec à sa tête A. Krivine et des membres de la IV éme internationale, tandis que des maoïstes créent lU.J.C.M.L..
A la veille de mai 1968, lU.E.C. est certes normalisée, mais elle est considérablement affaiblie et se trouve en butte à lhostilité et à la concurrence des groupes gauchistes à lUniversité. Mai 1968 se déroule dune façon un peu particulière pour lU.E.C. En effet, son attitude, totalement calquée sur celle du P.C.F, place lU.E.C. en retrait du mouvement de mai.
Fin 1968, début 1969, elle compte peu dadhérents : 120 environ selon les R.G. Elle dispose cependant dune organisation structurée, organisée dans les facultés en cercles. Elle retrouve un certain dynamisme, mène des campagnes dadhésion et distribue ses tracts sous la protection des militants du P.C.F. ou de la C.G.T. dans les universités et restaurants universitaires. Cependant, elle éprouve des difficultés à développer son influence sur le milieu étudiant. Une note de la fédération U.E.C. de Lyon au Bureau National de lUEC déplore son incapacité à influencer, à avoir un poids sur lévolution des grèves en Lettres et en Sciences en janvier- février 1970. LU.E.C., à peine remise de son double traumatisme, la crise du début des années 60 et mai 1968, ne détient pas les capacités humaines pour imposer à lU.N.E.F-Renouveau une présence hégémonique. Des adhérents de lU.E.C. militent activement à lU.N.E.F- Renouveau et influencent le syndicat étudiant. Mais à aucun moment, elle ne possède une présence prépondérante, hégémonique.
Dailleurs, lU.N.E.F-Renouveau regroupe en réalité des étudiants de sensibilités politiques différentes. Sa création se fait sur la participation aux élections universitaires. Elle est alors très peu structurée et le nom U.N.E.F-Renouveau est celui donné aux listes qui se présentent dans les différentes U.E.R.. Or, les listes recrutent bien au-delà du cercle restreint de lU.E.C., et des étudiants de sensibilités politiques diverses simpliquent activement. Cette diversité se maintient au-delà des élections. Ainsi, parmi les premiers animateurs de lU.N.E.F- Renouveau, on retrouve des étudiants de toute la gauche : P.Maneval, J. Miachon (proche de la CIR), M. Hernu (JDS), JJ. Queyranne, G.Collomb. Le cas de N. Chambon est significatif : étudiante en Lettres, élue sur une liste de lU.N.E.F- Renouveau, présidente du C.A. U.N.E.F. de lU.E.R. Sciences de lHomme et de Son Environnement, elle est membre du Bureau National de lU.N.E.F. de mars 1971 à 1975 où elle représente plus ou moins les étudiants radicaux de gauche. Cependant, loin de constituer un contre- poids à lU.E.C., les étudiants socialistes ou de la gauche non- communiste sont dispersés en de multiples chapelles et peu nombreux : une trentaine environ.
Contrairement aux légendes et aux images véhiculées par ses détracteurs, lU.N.E.F-Renouveau ne se compose pas essentiellement de communistes, mais souvre beaucoup plus largement à toutes les composantes de la gauche. Dailleurs, lU.E.C., affaiblie, ne possède pas les ressources suffisantes pour faire de lU.N.E.F-Renouveau sa " courroie de transmission ". Cependant, son influence est très loin dêtre négligeable : ses adhérents militent activement dans le syndicat, où ils possèdent les capacités nécessaires pour simposer .
On assiste à un effacement progressif des militants des partis de la gauche non- communiste. Hormis quelques cas individuels, aucune organisation socialiste, à part le CERES brièvement, ne sinvestit dans le syndicat étudiant lyonnais.
La CIR décide dés le début de participer au renouveau de lU.N.E.F., même si, au niveau local, lengagement est moins net. En effet, de " nombreux " étudiants de la CIR se regroupent au sein dUniversité 70, qui présente une liste avec le M.A.R.C. (Mouvement dAction et de Recherche Critique, gauche non- communiste, proche de la C.F.D.T.) aux élections dU.E.R. de décembre 1970 (U.E.R. de Sciences Juridiques). La CIR disparaît avec la création du Parti Socialiste en 1971. Le regroupement dune partie notable de la gauche non- communiste au sein du nouveau parti nentraîne pas pour autant lengagement des jeunes socialistes dans lA.G.E.L-U.N.E.F.. Au contraire, les étudiants socialistes demeurent émiettés entre les différents courants du P.S., en particulier à Lyon : Etudiants Socialistes avec J. Poperen, CERES de J.P Chevénement, Mitterrandiens . Seul le CERES dispose de quelques militants dans lA.G.E.L-U.N.E.F., mais de manière ponctuelle et sans responsabilités .
Lannée 1975 marque lachèvement de ce processus : N. Chambon, qui a représentée les étudiants radicaux de gauche au Bureau National de lU.N.E.F., critique la prise en main de lA.G.E.L-U.N.E.F. par lU.E.C. et démissionne. Dans le même temps, le Parti Socialiste crée le C.O.S.E.F. (Comité dOrganisation pour un Syndicat des Etudiants de France) et présente une liste à lélection dU.E.R. de lIEP. Après une relative percée, il obtient deux élus sur dix, il disparaît de la scène en 1977. En dépit de cet échec, la création du C.O.S.E.F. incarne la rupture entre le P.S. et lU.N.E.F. dans un contexte pourtant favorable à lunion : le programme commun. Par la suite, le Parti Socialiste, hormis le CERES, délaisse le syndicalisme étudiant. Son réengagement date seulement du début des années 80. A partir dune implantation dans lU.N.E.F- US, les étudiants socialistes investissent lU.N.E.F- ID, après la fusion entre le M.A.S. et lU.N.E.F- US.
Désormais, lU.E.C. est la seule organisation politique à conserver une présence au sein de lA.G.E.L-U.N.E.F.. La double appartenance devient fréquente dans le milieu militant de lA.G.E.L-U.N.E.F. et au niveau des responsables. Ainsi, tous les présidents dA.G.E. sans exception sont adhérents de lU.E.C.. De nombreux responsables sont aussi à lU.E.C.. Elle devient de plus en plus importante avec la diminution des adhérents, et souvent des moins politisés. Cependant, il existe un refus de mélanger les deux. Même sil nexiste pas de règle écrite, les double- responsabilités sont évitées autant que possible : " Nos rapports (entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et lU.E.C.) étaient amicaux, on se connaît bien, ils sont à lU.N.E.F , mais bon, on séparait les deux ". Mais lA.G.E.L-U.N.E.F. et lU.E.C. ne sont pas deux mondes distincts, hermétiques. En effet, la double-appartenance, la proximité des analyses et surtout le partage dun même noyau militant, engendrent entre les deux organisations des liens. Ainsi, jusquau milieu des années 80, lA.G.E.L-U.N.E.F., qui ne connaît pas de difficultés majeures, sert de vivier à lU.E.C.. Pour Philippe Grand, président dA.G.E. de 1984 à 1985, " lU.N.E.F. sert de vivier à lU.E.C.. Elle ne vient pas taper dedans, mais elle sert de vivier. En effet, on se côtoie [ ]. On a jamais voulu que lU.E.C. se serve de notre local [ ], mais cest vrai que lon a aussi fournit des militants à lU.E.C.. Et cest aussi vrai que lU.E.C a pu, à un moment, nous en fournir. ". LA.G.E.L-U.N.E.F., qui compte alors prés de 1500 adhérents, constitue, pour une U.E.C. numériquement faible, un milieu où elle peut recruter. Mais ce processus fonctionne aussi dans le sens inverse. De 1986 à 1988, la survie de lA.G.E.L-U.N.E.F. est assurée par lU.E.C.. Elle investit alors des militants dans une U.N.E.F. réduite à létat de groupuscule : " Ne serait- ce que demander à des copains de lâcher leurs responsabilités sur lU.E.C. pour aller sur lA.G.E.L.. [ ]. Après, il me semble que la balance a dû se renverser, à un moment donné. LU.E.C. avait alors perdu pas mal de cadres [ ] et lA.G.E.L. a fournit des responsables à lU.E.C. ". Une interdépendance se fait donc entre lU.E.C. et lA.G.E.L-U.N.E.F.. Elle se renforce encore davantage avec la participation de droit du président dA.G.E. au bureau de ville de lU.E.C.. Cette pratique sérige pratiquement en tradition, puisquelle est confirmée sur toute la période 1971-1994, mais en particulier pour toutes les années 70. Cependant, être membre ne signifie pas siéger. Il semble que, dans un souci de séparation des activités syndicales et politiques, de nombreux présidents ne siègent pas ou peu : " Cétait le cas [ ]. Je suis arrivé, on ma dit que cétait comme cela, que ca se faisait. Alors jai fait comme cela, mais bon, je nai jamais été très actif. Jétais présent régulièrement, mais je nétais pas très actif, ni très talentueux, parce que je ne mettais pas beaucoup de bonne volonté !. [ ] Ce nest pas la conviction qui me manquait, mais je trouvais quil ne fallait pas mélanger les " crémeries " ".
De 1971 à 1994, lU.E.C. demeure la seule organisation politique dans lA.G.E.L-U.N.E.F., après leffacement progressif des organisations de la gauche non- communiste. Sa présence se traduit par des double- appartenances, par la présence du président de lA.G.E.L-U.N.E.F. au bureau de ville de lU.E.C., par le partage dun même noyau militant. Toutefois, durant cette période, les relations entre les deux organisations sont difficiles à définir. Une interaction existe, évidente, mais limage traditionnelle dune A.G.E.L-U.N.E.F. communiste est peu crédible et la plupart des adhérents ne sont inscrits à aucun parti politique. De fait, lU.E.C. possède sur lA.G.E.L-U.N.E.F. une influence indéniable. Cependant, elle varie selon létat de lU.N.E.F. : plus lU.N.E.F. est puissante, plus elle devient autonome. Plus lU.N.E.F. est faible et plus son cercle militant se confond avec celui de lU.E.C., doù un surcroît de linfluence communiste.
LU.N.E.F. des années 50 pouvait peser, au moins en apparence, sur les débats parlementaires et parfois imposer ses vues par la concertation. Ainsi, en mars 1948, elle pèse considérablement, sans pour autant imposer ses vues, sur le contenu du décret Capitant instaurant les premières élections universitaires.
LU.N.E.F. des années 70 ne dispose pas des moyens humains, du prestige, des relais politiques nécessaires pour influer sur la politique universitaire, tant au niveau national que local. De plus, les autorités politiques et universitaires se refusent à tout dialogue ou concertation avec lU.N.E.F.. Face à cette impasse politique, lU.N.E.F. opte rapidement pour le choix de lalternance politique, cest à dire pour lengagement en faveur du programme commun de la gauche.
Dés le 20 juillet 1972, lA.G.E.L-U.N.E.F. rencontre le P.C.F. pour évoquer le programme commun de la gauche. Dans le compte- rendu, les délégués de lA.G.E.L-U.N.E.F. évoquent des points positifs : la volonté de réduire la " ségrégation sociale " par la gratuité des études , la priorité à lemploi et la défense des conditions de vie. Les grandes priorités sont largement approuvées. La satisfaction de lA.G.E.L-U.N.E.F. vis à vis de la signature du programme commun nest pas une exception. Au contraire, elle est largement partagée par lensemble, ou presque, du syndicalisme français et le programme commun apparaît rapidement comme un espoir intense, un premier pas vers le changement tant espéré. LA.G.E.L-U.N.E.F. considère donc le programme commun comme une évolution positive, puisque, grâce à lui, des revendications de lU.N.E.F. devraient aboutir : il " crée les conditions pour que les revendications étudiantes puissent être satisfaites ". Il nest pas un objectif, mais " une arme privilégiée pour la satisfaction des revendications étudiantes ". Mais lengagement de lA.G.E.L-U.N.E.F. nest pas immédiat : il fait tout dabord preuve de prudence avant de sintensifier. Certes le programme commun de la gauche constitue une avancée et offre une perspective nouvelle de voir aboutir les luttes et les solutions que lU.N.E.F. propose. Mais lenthousiasme est tempéré par une prudence. Le Compte- rendu de la réunion insiste sur la nécessité dobtenir plus de précisions. De plus, il nest pas question pour lA.G.E.L-U.N.E.F. de propager les idées du programme commun dans le milieu étudiant. Lobjectif réaffirmé demeure la défense des étudiants et la satisfaction des revendications. Les propositions du programme commun sont donc pour lA.G.E.L-U.N.E.F. un moyen de propager et de satisfaire ses revendications. A aucun moment, elles ne deviennent un objectif, une fin en soi. Un changement sopère avec les élections législatives de mars 1973. En effet, lA.G.E.L-U.N.E.F. rompt avec lattentisme et la prudence des mois précédents et intervient dans la campagne électorale en appelant à voter pour la gauche : " Pour sortir luniversité de la crise, tout faire pour que la gauche gagne les élections ". Le programme commun est désormais considéré comme un moyen détourné pour appliquer les solutions de lU.N.E.F.. Lintervention de lA.G.E.L-U.N.E.F. dans la campagne se concrétise par des débats dans les T.D. pour expliquer la crédibilité du programme commun et des solutions de lU.N.E.F.. Elle souhaite conscientiser le milieu étudiant. Toutefois, ce changement ne se fait pas sans heurts et des discussions ont lieu au sein du syndicat sur lopportunité de soutenir le programme commun. Le compte- rendu du congrès de lA.G.E.L-U.N.E.F. des 12 et 13 mai 1973 se fait lécho de ces discussions. Des interventions critiques sélèvent contre un engagement trop prononcé en faveur du programme commun : discussions insuffisantes au sein de lA.G.E.L-U.N.E.F. et surtout crainte de voir le programme commun permettre une assimilation U.N.E.F./P.C.F. par les autres syndicats et associations étudiantes.La réticence à un engagement plus fort sappuie aussi sur laccueil des étudiants face aux initiatives de lA.G.E.L-U.N.E.F. durant la campagne des élections législatives. En effet, la réaction des étudiants apparaît immédiatement hostile ou peu favorable. Le C.A I.N.S.A. conclut son intervention sur les débats organisés sur les liens entre les solutions de lU.N.E.F. et le programme commun par : " On se fait sortir ". De plus, lintervention de lU.N.E.F. dans la campagne des élections législatives sest soldée par une immense déception des adhérents devant les résultats. En dépit de ces réserves, la position de lA.G.E.L-U.N.E.F. est réaffirmée quelques mois plus tard à loccasion des élections présidentielles de 1974. Lintervention publique est cette fois le fait du Bureau National, qui publie un tract intitulé : " Appel national de lU.N.E.F. pour les présidentielles ". Le soutien à F. Mitterrand se fait alors dans une logique unitaire : il est soutenu par lensemble des partis de gauche, la plupart des centrales syndicales, le P.S.U. . Au niveau local, lintervention de lA.G.E.L-U.N.E.F. est plus modérée, discrète : " LU.N.E.F. nationale prenait toujours position dans les grandes batailles politiques. Elle disait quaprès avoir rencontré tous les candidats, ce qui nétait pas forcément vrai, elle avait jugé un tel plus sensible au projet dAllocation dEtudes etc. . [ ] Localement, ce ne se traduisait jamais par des interventions. Celle du Bureau National suffisait et on ne faisait rien dautre ". Lintervention de lA.G.E.L-U.N.E.F. semble se résumer à un message de soutien à voter pour F. Mitterrand lors dun meeting de lensemble des partis de gauche à Gerland.
A partir du milieu des années 70, limplication de lA.G.E.L-U.N.E.F. vis à vis du programme commun de la gauche devient moindre . Lors des élections législatives de 1978, son intervention est quasiment nulle. La dégradation des relations P.S- P.C.F. à partir doctobre 1976 et une certaine lassitude détournent sans doute lU.N.E.F. du programme commun. Ce désintérêt croissant se renforce au fil du temps. Sa rupture en 1978 nengendre pas de difficultés internes, exceptés sans doute de nombreuses désillusions et découragements.
Le dénouement logique de cet engagement est la victoire de F. Mitterrand à lélection présidentielle le 10 mai 1981. Elle crée pour lA.G.E.L-U.N.E.F. un nouveau contexte susceptible de faire aboutir ses revendications. Dés lors, elle soutient la politique universitaire menée par le nouveau gouvernement. Cest le cas du projet de loi sur lEnseignement Supérieur en mai 1983.
Toutefois, lA.G.E.L-U.N.E.F. va, durant les années 80 et 90, prendre progressivement davantage de distance vis à vis des partis de gauche et de la politique menée par les différents gouvernements.
Les signes précurseurs de cette distanciation apparaissent dés la rentrée universitaire 1983-1984. En effet, en novembre 1983, les adhérents de lA.G.E.L-U.N.E.F. organisent une journée de boycott des restaurants universitaires, afin de protester contre laugmentation du prix du ticket de R.U de 6,15 francs à 8,00 francs. Mais les critiques demeurent mesurées. En dépit du départ des ministres communistes du gouvernement le 19 juillet 1984 (avec le gouvernement Fabius), elle demeure modérée dans ses revendications et ses critiques envers la politique universitaire du pouvoir. Tout comme le tournant de la rigueur de 1983 (un plan de rigueur économique est annoncé par le gouvernement Mauroy le 25 mars 1983), la crise politique de juillet 1984 engendre peu de répercussions au niveau local. Elles se produisent surtout au Bureau National où siègent encore quelques socialistes. Dailleurs, dans un article de lHumanité du 27 septembre 1984, lA.G.E.L-U.N.E.F., par la voix de son président, réaffirme son soutien à la réforme de lEnseignement Supérieur : " Nous lavons voulue, nous y avons travaillé, nous en avons débattu avec les étudiants, nous avons obtenu quelle soit votée ". Seules quelques petites réserves sont exprimées vis à vis des moyens alloués, tandis quune réforme des uvres universitaires est ardemment souhaitée.
En fait, le tournant semble se situer à la fin de lannée universitaire 1984-1985. Lattitude de lA.G.E.L-U.N.E.F. se radicalise et soppose ouvertement à la politique universitaire du gouvernement. Les désaccords portent sur la mise en place des nouvelles structures de lUniversité et sur laugmentation des droits dinscription. Pour lA.G.E.L-U.N.E.F., les nouveaux projets du gouvernement, élaborés sans concertation, visent à créer une Université à deux vitesses : une université délite à forts moyens et une Université de masse. Dans le même temps, le ministre de lEducation Nationale, Mr J.P.Chevénement, annonce une augmentation de 33 % des droits dinscription et des droits pour la sécurité sociale étudiante. Les critiques ne sont plus voilées et lA.G.E.L-U.N.E.F. accuse le gouvernement de suivre la même politique que les anciens gouvernements de droite : création duniversités concurrentielles et à double vitesses, renforcement de la sélection et absence totale de concertation. Les causes de ce changement sont multiples. La nouvelle orientation politique, économique et sociale du gouvernement joue un rôle majeur. Ladoption et lapplication dune politique de rigueur au printemps 1983 a mis fin aux illusions sur un mutation possible de lUniversité, sur la prise en compte des solutions de lU.N.E.F., qui nécessitent un réengagement financier de lEtat. Les nouvelles mesures du gouvernement heurtent de plein front lU.N.E.F.. Laccumulation des hausses diverses en 1984 (augmentation de cinquante centimes du prix du ticket de R.U, des loyers des chambres des cités universitaires de 5 %), sans réaction de la part du syndicat étudiant, a sans doute contribué à une sorte de " ras le bol ". Enfin, le départ des ministres communistes du gouvernement entraîne probablement une attitude plus critique des actes du gouvernement chez les militants de lU.E.C..
Par la suite, lA.G.E.L-U.N.E.F. nintervient pratiquement plus dans le domaine politique. Cependant, des prises de position internes à lorganisation sont décidées. En aout-septembre 1992, le Bureau National de lU.N.E.F. explique à ses adhérents les raisons de voter non au referundum sur le traité de Maastricht : " On ne la pas rendu publique. Jai reçu un exemplaire, mais je ne sais pas si tout le monde en a reçu. Il demandait de ne pas voter pour le traité de Maastricht. Enfin, non, il ne demandait pas, il disait pourquoi il ne fallait pas voter pour Maastricht, ce qui nest pas tout à fait pareil ". Mais pour les élections, ni lU.N.E.F., ni lA.G.E.L-U.N.E.F. nappellent à voter pour tel ou tel candidat. Son discours abandonne toute référence à une solution politique, les contacts même avec les partis politiques sespacent et se raréfient. Elle abandonne tout projet global pour lUniversité et tente de coller au mouvement étudiant : opposition au projet Devaquet, à la guerre du golfe, au projet Jospin, au CIP .
La rupture de la représentation syndicale unique des étudiants se produit dès 1961 avec la scission de la F.N.E.F., soutenue par le pouvoir gaulliste. Cependant, la F.N.E.F. ne parvient pas à simposer au niveau national et au niveau local. A Lyon, sa branche, la F.G.E.L. (Fédération Générale des Etudiants Lyonnais) végète et lU.N.E.F. garde une position largement prédominante. La scission de 1971, entre lU.N.E.F.- Renouveau et lU.N.E.F.- Unité Syndicale, met, relativement, un terme à une période démiettement de la représentation syndicale étudiante. Désormais, une concurrence entre une multitude dassociations et de syndicats existe sur les campus. Face à cette situation, lA.G.E.L-U.N.E.F. pratique une politique de dénonciation vis à vis des autres organisations et se considère comme le seul syndicat étudiant, héritier de la " grande UNEF ".
A linverse, les autres associations et syndicats étudiants sont dénoncés comme des alliés objectifs du gouvernement : " Leurs programmes, cest pour les uns la copie conforme de celui de Saunier, pour les autres une mauvaise copie de celui de lU.N.E.F., la F.R.U.F. et lU.G.E.. Leur raison dêtre : permettre lapplication des plans de Saunier. Sinon, dailleurs, comment mériteraient-ils les subventions dont les arrose Alice, et que celle-ci refuse à lU.N.E.F., tentant détouffer les luttes ". Toutes les associations sont visées, quelle que soit leur sensibilité politique. Les élections étudiantes sont les moments privilégiés pour critiquer les autres listes. Ainsi, lors des élections au Conseil dAdministration du C.R.O.U.S. de Lyon- Saint Etienne en 1979, aucune liste nest épargnée : le C.L.E.F. est " un syndicat étudiant giscardo-politique dirigé par Saunier Seité ", la CERRA est considérée comme un mélange de " CORPO plus U.N.I., ou lart dassocier la carotte et le bâton ", le MAS est traité avec ironie et condescendance : " ou du moins ce quil en reste. Trop occupés dans leurs querelles de tendances, ils nont pas le temps de sintéresser aux problèmes des étudiants. A Lyon, ils avaient un élu au C.R.O.U.S. : il na sans doute pas retrouvé son courant. Où est-il ? Lançons un avis de recherche ". Mais la cible principale de lA.G.E.L-U.N.E.F. demeure lU.N.E.F-Unité Syndicale, auquel elle dénie le droit de porter le sigle U.N.E.F. : " ils vous trompent en usurpant le sigle de lUNEF ". Ils sont le plus souvent qualifiés dA.J.S. (Unité Syndicale) F.E.R.U.F.. En dépit de ses attaches trotskistes, lA.G.E.L-U.N.E.F. classe lU.N.E.F-Unité Syndicale parmi les alliés de Saunier Seité. Ainsi, le boycott prôné par lU.N.E.F-Unité Syndicale laisse, selon lA.G.E.L-U.N.E.F., les mains libres au gouvernement dans les conseils dadministration . Le corporatisme et le gauchisme sont relégués au rang des alliés objectifs de Saunier Seité. Ainsi, le corporatisme est défini comme une association détudiants aisés, organisant des distractions et ayant pour objectif de faciliter lapplication des mesures gouvernementales. Si les corpos sont critiquées pour avoir une vision trop étroite et locale des problèmes, lU.N.E.F-Unité Syndicale est au contraire accusée de faire passer ses objectifs politiques avant les intérêts des étudiants.
LA.G.E.L-U.N.E.F. tente dapparaître comme le seul véritable syndicat étudiant, puisque tous les autres sont catalogués dans le groupe des alliés du gouvernement. Elle souhaite ainsi se présenter comme le seul pôle possible de ralliement pour les étudiants opposés aux mesures gouvernementales, et se pose en recours face aux " diviseurs ". Lunicité de la représentation syndicale des étudiants nest pas brisée, puisquune seule organisation défend les intérêts des étudiants : lU.N.E.F..
Lunité daction, cest à dire la recherche dun consensus dune majorité dorganisations syndicales sur un problème et la façon de le résoudre, est depuis déjà quelques décennies une pratique fortement implantée parmi les syndicats de salariés. (C.G.T., C.F.D.T., C.G.T- F.O., C.F.T.C ). Même au niveau local, la pratique est courante : dans lIsère, une grève aux établissements Merlin- Gérin se déroule du 19 octobre au 6 novembre 1979 grâce à une unité daction entre la C.F.D.T., la C.G.T ;, la C.G.T- F.O.. En milieu étudiant, la situation est radicalement différente, même si une évolution se fait jour. En effet, éviter le plus possible lunité daction est, sans être une préoccupation constante, un réflexe naturel.
Les causes sont multiples et trouvent leurs racines dans le passé et dans le présent.
Le poids du passé dans le syndicalisme étudiant gêne considérablement une évolution favorable à lunité daction. Il pèse principalement sur les relations entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et lU.G.E.L-U.N.E.F.. Dans les années 50 surtout, la représentation étudiante est unique. Cest le mythe de la " grande U.N.E.F. " des années 50 et 60, capable de rassembler au sein dune même organisation la masse des étudiants, en dépit des différentes sensibilités politiques. Ce passé est à la fois glorieux et mystique : la charte de Grenoble en 1946, la création de la sécurité sociale étudiante et de la M.N.E.F. en 1948, la première grève étudiante en 1947 pour les bourses et contre les droits dinscription, la création du projet dallocation détudes, les manifestations pour sopposer à la suppression des sursis étudiants puis pour sopposer à la guerre en Algérie de 1958 à 1961 . Or, les deux syndicats étudiants issus de la scission revendiquent ce passé. Chacun veut devenir un " syndicat de masse " et ambitionne dêtre la seule et unique U.N.E.F.. Dans ce contexte, lA.G.E.L-U.N.E.F. se considère comme le seul syndicat étudiant : " A lépoque, il ny avait pas dunité. Il nétait pas question pour nous dunité daction entre les différentes organisations syndicales étudiantes, parce que, pour nous, dorganisation étudiante à vocation syndicale, il ny en avait une seule : la nôtre. Cétait aussi lavis des autres, sauf que cétait la leur. [ ]. A lépoque, lidée était quil yavait de la place pour tout le monde à lU.N.E.F., à condition de ne pas créer de tendances organisées ". De par ses valeurs, ses attitudes, sa composition , lA.G.E.L-U.N.E.F. se considère comme la seule organisation syndicale étudiante. Puisque tout le monde peut venir à lA.G.E.L-U.N.E.F., les autres organisations nont plus de raisons dexister . Revenir à lunicité du syndicalisme étudiant suppose la disparition dune des deux U.N.E.F. et des autres organisations syndicales, ou la prédominance très forte de lune des deux. Cette volonté se conjugue mal avec lunité daction, puisque lunité daction ne permet pas de revendiquer à son profit exclusif une lutte auprès des étudiants, et donc de récupérer les dividendes : influence accrue auprès des étudiants, augmentation du nombre des adhérents.
Le poids du passé se traduit aussi par une haine tenace entre les deux U.N.E.F. : lA.G.E.L. et lU.G.E.L.. En effet, un gouffre historique sépare les deux branches de lU.N.E.F. : le souvenir de la scission de 1971. Il perdure dans la mémoire du syndicalisme étudiant et des militants, et demeure particulièrement vif, même au début des années 90, cest à dire près de 20 ans après !. Cette mémoire se compose dune trame chronologique simplifiée des événements et surtout de multiples anecdotes opposant les militants de lA.G.E.L-U.N.E.F. et de lU.G.E.L-U.N.E.F.. Elle est véhiculée par les cohabitations entre les strates successives dadhérents et est essentiellement orale. Elle peut remonter parfois fort loin, comme laffaire des cartes en 1969. En tout cas, elle nencourage pas lunité daction entre les deux organisations : " On avait lidée, une idée de violences, surtout de la part de lU.N.E.F- ID. Je me souviens [ ]lU.N.E.F- ID faisait référence au mouvement du 22 mars [ ] et à la scission de lU.N.E.F de 1971. Ils avaient , pour eux, il sétait passé quelque chose de violent, et ils perpétuaient cette violence. [ ]. LU.N.E.F- ID, cest lennemi, mais cest vraiment considéré comme lennemi. Ce nest pas ladversaire, cest lennemi. ". La haine entre les deux organisations va jusquà laffrontement physique. Ainsi, sous la présidence dA. Saint- Patrice en 1975-1976 : " Avec lU.G.E.L-U.N.E.F., on avait viscéralement une haine absolument féroce [ ]. Les relations étaient extrêmement tendues. Ils étaient [ ] tabasseurs, on ne létait pas. On sest fait taper dessus plusieurs fois. Y compris un camarade handicapé dans un fauteuil jeté dans les escaliers du deuxième étage [ ]. Des choses vraiment inqualifiables ".
Outre le poids du passé, la concurrence exacerbée entre les différentes associations et syndicats étudiants nuit à lunité daction. Elle nexiste pas seulement dans le monde étudiant, mais aussi entre les différents syndicats ouvriers. Cependant, la culture syndicale du monde ouvrier et salarié est de nature différente : le principe de pluralité de la représentation des salariées est acquise depuis le début du vingtième siècle avec la scission de la C.G.T. en 1921, la création de la C.F.T.C., des syndicats autonomes . De plus, les syndicats sont davantage différenciés, car ils sont porteurs de projets à long terme : la C.G.T. souhaitait changer la propriété des moyens de production . Enfin, la maturité du syndicalisme ouvrier est plus grande, plus responsable.
Enfin, une dernière cause réside dans la nature même de lunité daction. En effet, elle induit lidée dune mise en commun des forces pour régler un problème, car, seul, on ne dispose pas des capacités nécessaires à sa résolution. Chercher lunité daction, cest pour lA.G.E.L-U.N.E.F. reconnaître indirectement son incapacité, sa faiblesse à mener seule des luttes. Or, elle affirme et veut apparaître comme le seul syndicat étudiant, syndicat de masse.
Lunité daction nest donc pas, contrairement au syndicalisme ouvrier, un réflexe naturel. Au contraire, elle nest pas recherchée par les différents protagonistes.
La réalité diffère cependant : lunité daction est souvent imposée par les étudiants et par les circonstances lors des grands mouvements étudiants. Elle se réalise, de fait, lors des A.G.. Ouvertes à tous, lA.G. regroupe les représentants de toutes les organisations syndicales et politiques du campus. Or, cest lA.G. qui, souveraine, dirige le mouvement, au moins en apparence. Par conséquent, lunité daction se réalise à travers lAssemblée Générale. Les coordinations étudiantes, élues en A.G., comprennent des représentants de toutes les organisations et permettent lors dun mouvement étudiant la concrétisation de lunité daction. Dans les mouvements dampleur restreinte, la participation des étudiants nest pas suffisante pour imposer lunité daction. Ainsi, en octobre 1975, lA.G.E.L-U.N.E.F. organise un boycott des restaurants universitaires pour protester contre laugmentation du prix du ticket de R.U de 25 % par rapport à lannée précédente. La participation des étudiants, réduite au choix de boycotter ou non, permet à lA.G.E.L-U.N.E.F. de garder le contrôle et déviter limplication des autres syndicats.
Cependant, une évolution se dessine à la fin des années 80 dans la considération de lunité daction par lA.G.E.L-U.N.E.F.. Elle nest pas recherchée systématiquement, mais elle a lieu occasionnellement, même sur des mouvements restreints. Ainsi, à Lyon II, une pétition commune A.G.E.L-U.N.E.F./U.G.E.L-U.N.E.F./étudiants non- syndiqués sur les problèmes de budget est mise en circulation en novembre 1988. Laffaiblissement numérique des syndicats étudiants, et en particulier de lA.G.E.L-U.N.E.F. devenue groupusculaire en 1988, explique en partie cette évolution. Lunité daction devient une nécessité, un gage de réussite afin de mener jusquau bout une lutte. Dans le même temps, le monde étudiant éprouve un besoin accru de diversité. De plus, les divergences entre les syndicats étudiants, hormis lU.N.I., sestompent un peu plus. Des communautés de point de vue peuvent sétablir sur des problèmes précis, concrets et surtout locaux. Latténuation des différences a pour origine une resyndicalisation des deux branches de lU.N.E.F. et labandon des discours théoriques. LU.N.E.F., au congrès de Toulouse en 1990, se veut un syndicat proche des étudiants, un syndicat plus utile. La nouvelle orientation décide de partir des problèmes concrets pour mobiliser les étudiants. Elle est donc compatible avec lunité daction : la résolution de problèmes concrets ne nécessite pas lintervention de théories, de projets pour lUniversité, et ne déclenche pas ainsi de clivages théoriques. Enfin, des critiques émanent des rangs même des syndicats étudiants et prônent lunité daction sur certains problèmes. Le souvenir de la scission de 1971, encore vivace, satténue tout de même et lU.N.E.F- ID, qui passe dune majorité trotskiste peu engageante à une majorité issue du Parti Socialiste, devient un peu plus fréquentable. Toutefois, lunité daction se heurte toujours à des difficultés dans sa réalisation : " Cétait toujours des problèmes. Ne serait- ce que pour rédiger un tract, cela prenait des heures. Ou alors, carrément, un jour, un tract sort avec le logo de lA.G.E.L-U.N.E.F., de lU.N.E.F- ID et de PSA, sans que nous ayons participé à la rédaction ". De plus, un certain nombre de divergences dappréciation se maintiennent, comme lors de la réforme Jospin en 1991-1992.
3. Trois exceptions : les associations détudiants étrangers, la F.R.U.F. et lU.G.E..
La recherche de lunité daction nest donc pas un réflexe pour lA.G.E.L-U.N.E.F.. Pourtant, elle travaille, collabore sur certains problèmes avec des associations détudiants étrangers, la F.R.U.F. et lU.G.E..
Cependant, elles demeurent assez rares et ne sortent jamais de cet étroit domaine de compétence. De plus, lA.G.E.L-U.N.E.F. tente régulièrement déviter toute collaboration et dintégrer les questions touchant les étudiants étrangers à sa démarche. Ainsi, en octobre- novembre 1977, lA.G.E.L-U.N.E.F. lance des Comités de Défense des Etudiants Etrangers. Crées par des étudiants étrangers, ils sont ouverts à tous les étudiants, ont une activité de réflexion et surtout daction. En effet, ils portent de nombreuses revendications : attribution effective de toutes les chambres libres dans les cités universitaires, suppression des quotas détrangers dans les cités, possibilité pour les étudiants étrangers de loger dans les foyers Sonacotra au tarif du C.R.O.U.S., construction dune cité universitaire à Bron et reconstruction du bâtiment B de lI.N.S.A.. En avril 1979, lA.G.E.L-U.N.E.F. soutient la plainte dun étudiant tunisien contre la circulaire Bonnet. Dans toutes ces initiatives, elle agit seule, sans rechercher lunité daction avec les associations détudiants étrangers. Il ne sagit donc ici que dune collaboration réduite et ponctuelle.
Une véritable unité daction se réalise entre lU.N.E.F., la FRUF et lU.G.E.. Cependant, ces associations sont étroitement liées à lU.N.E.F., et ne disposent pas de véritable existence propre, ou du moins de structures totalement indépendantes.
LU.G.E., cest à dire lUnion des Grandes Ecoles, est le syndicat des élèves en grandes écoles. Elle est traditionnellement proche de lU.N.E.F. depuis sa fondation. Elle devient très rapidement proche de la tendance Renouveau : " On était à côté de la rue dAboukir où se trouvait le siège [ ] de lU.G.E.. Elle a été, dés le début, très proche. LU.G.E. a toujours existée en tant que tel à lépoque, a toujours eu son propre fonctionnement, et elle était du côté de lU.N.E.F- renouveau dés le début ". LU.G.E. est donc acquise au renouveau bien avant la scission de 1971. Sa situation à Lyon ,après 1971, est un peu particulière. Théoriquement, elle regroupe les élèves de lI.N.S.A., des classes préparatoires, des diverses grandes écoles : architecture, centrale . Dans la réalité, la situation est plus compliquée. LI.N.S.A. constitue à Lyon la seule implantation stable de lU.G.E., même si des structures éphémères naissent comme à Centrale, dans certaines prépas . Des structures composites ont même vu le jour, mélanges dU.N.E.F. et dU.G.E.. Ainsi, en 1972, un comité U.N.E.F-U.G.E., distinct de lA.G.E.L-U.N.E.F., existe à lécole vétérinaire de Lyon. En fait, lU.G.E. possède, peut- être jusquau milieu des années 70 environ (1976 ou 1977), ses propres structures à Lyon : " A lI.N.S.A.. Il yavait une autonomie de lU.N.E.F. et de lU.G.E. [ ]. Cétait une autre particularité locale, qui fait que les relations entre lU.N.E.F. et lU.G.E. étaient très complices. Lyon était une des rares A.G.E., où, pendant un temps, le président de lA.G.E.L-U.N.E.F. était de lU.G.E.. Ainsi, B. Fiat par exemple . Cela aurait été exclu à Toulouse ou ailleurs [ ], mais lU.G.E. a ses propres structures ". Elle dispose de son propre collectif de ville, de son propre bureau de ville . Cependant, des écoles lui échappent au profit de lA.G.E.L-U.N.E.F., comme lécole darchitecture. De plus, une interaction très forte se développe entre lU.N.E.F. et lU.G.E. à Lyon. Dés les premiers mois du renouveau à Lyon, lI.N.S.A. est entièrement acquise à lU.N.E.F- Renouveau et aide considérablement les autres implantations grâce à ses Ronéos, ses fortes capacités militantes (et parfois physiques avec notamment son équipe de rugby, utile comme service dordre ) . Par la suite, une fois le renouveau achevé, un responsable de lI.N.S.A. siège au bureau de lA.G.E.L-U.N.E.F., et plusieurs présidents dA.G.E. sont issus de lI.N.S.A., et donc de lU.G.E. : B. Fiat, A. Saint- Patrice . Il sagit véritablement dune exception ou dun cas rarissime en France. Logiquement, lU.G.E. est associée assez souvent aux actions de lA.G.E.L-U.N.E.F.. En mars 1973, lU.G.E. appelle à manifester contre la suppression des sursis militaires aux côtés de lA.G.E.L-U.N.E.F., du M.J.C.F., de lUD- C.A.L., et du CDJ- C.G.T.. En octobre 1976, elle participe à laction commune UGICT- C.G.T., A.G.E.L-U.N.E.F. sur le chômage des jeunes. Cependant, elle mène peu, et peut-être jamais, de luttes seule et napparaît jamais distinctement de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Sans doute existe til une forte confusion entre lA.G.E.L-U.N.E.F. et lU.G.E. : lU.G.E. possède ses propres structures, mais sa principale implantation, lI.N.S.A., est très fortement intégrée à lA.G.E.L-U.N.E.F.. LU.G.E. semble disparaître après 1976. En effet, elle napparaît pas lors de la lutte contre la réforme Haby dans les grandes écoles en 1977. La lutte, au lycée du Parc, est conduite par un comité U.N.E.F. et non U.G.E., tandis que des candidats U.N.E.F. se présentent aux postes de délégués de classe.Son implantation ne disparaît pourtant pas : des comités U.N.E.F. prennent la relève dans les prépas, à lI.N.S.A. . Sans doute, lU.G.E. sest elle fondue, intégrée à lA.G.E.L-U.N.E.F.. LA.G.E.L-U.N.E.F. se contente ensuite de gérer le sigle UGE. Il apparaît régulièrement lors des élections étudiantes, comme pour le C.A. du C.R.O.U.S . .
Les relations avec la F.R.U.F. sont différentes, en particulier avant 1975. Avant 1975, et sa scission, limplantation de la F.R.U.F. à Lyon est relativement conséquente. En 1973, elle est présente dans la plupart des cités universitaires de Lyon : Allix avec lAERUAA- FRUF, Jussieu et Puvis de Chavannes avec lAERU- FRUF. Les relations entre lU.N.E.F.- renouveau (puis lA.G.E.L-U.N.E.F.) et la F.R.U.F. varient selon les implantations. Ainsi, elles semblent particulièrement difficiles avec lAERUAA- FRUF, probablement aux mains de lA.J.S. ou du P.S.U.. La liste du bureau sortant se livre, dans sa profession de foi, à une violente critique de la position de lU.N.E.F- renouveau vis à vis de la cogestion : " participation stupide et stérile ", " cautionner la politique du gouvernement ", " illusion ". Elle soppose aussi au bureau national de la F.R.U.F. acquis à lU.N.E.F- renouveau et à la signature par ce même B.N. du programme commun de la gauche. La F.R.U.F. possède alors ses propres structures à Lyon et est, de fait, strictement indépendante de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Indépendance réaffirmée lors du quatrième congrès de la F.R.U.F. et lors dune rencontre entre la F.R.U.F. et lA.G.E.L-U.N.E.F. en février 1972. Les relations sont assez lâches et peu chaleureuses. Le rapprochement entre lU.N.E.F. et la F.R.U.F. se fait au niveau national et non local. Cependant la tiédeur, et parfois lhostilité, des relations ne gêne pas un travail en commun entre les deux organisations. Des rencontres entre les bureaux de la F.R.U.F. et de lA.G.E.L-U.N.E.F. ont lieu à partir de décembre 1971. Elles sont loccasion de préparer des actions communes sur certaines questions, mais uniquement dans le domaine du C.R.O.U.S.. Une pétition sur les conditions de vie est élaborée en décembre 1971, une action sur les restaurants universitaires est envisagée en mars 1972 . Lunité daction avec la F.R.U.F. se réalise, mais les relations entre les deux organisations demeurent tendues, en particulier avec lAERUUA- FRUF. Tiraillée entre deux tendances, la F.R.U.F. éclate en 1975. Les adhérents proches de lU.N.E.F- Unité Syndicale scissionnent et créent la F.E.R.U.F.. A cette occasion, la F.R.U.F. perd à Lyon la plupart de ses implantations. Elle est, en 1975, présente dans une cité universitaire sur huit. En 1981, elle demeure implantée à Mermoz, puis disparaît au cours des années 80. La scission de 1975 rapproche la F.R.U.F. de lU.N.E.F.. Concrètement, cela se traduit de deux façons. Tout dabord, une liste commune U.N.E.F-F.R.U.F-U.G.E. est systématiquement présentée aux élections au C.A. du C.R.O.U.S.. Ensuite, lA.G.E.L-U.N.E.F. simmisce toujours davantage dans la F.R.U.F.. A plusieurs reprises, le B.N. de lU.N.E.F. demande à lA.G.E.L-U.N.E.F. de reconstruire et de développer la F.R.U.F. à Lyon, cest à dire dinvestir des militants. Cest le cas en 1975. En 1981, la F.R.U.F. est recrée à partir de militants de lA.G.E.L-U.N.E.F.. Elle se développe à nouveau et simplante dans quelques cités universitaires : Mermoz, Allix et Puvis de Chavannes. Elle est alors capable dimpulser des luttes, comme la rétention des loyers à Mermoz en mars 1981. Cependant, lédifice demeure fragile, en particulier à cause du renouvellement rapide des adhérents. En 1984- 1985, un nouvel effort doit être entrepris : la F.R.U.F. simplante à Saint- Irénée et à Puvis de Chavannes. Chaque nouvelle implantation nécessite un travail de fond : porte à porte, présence lors des élections . A la fin des années 80, la F.R.U.F. disparaît définitivement et lA.G.E.L-U.N.E.F. se contente de gérer le sigle F.R.U.F. pour les élections au C.A. du C.R.O.U.S.
En dépit des apparences, les archives de lA.G.E.L-U.N.E.F. regorgent de courriers provenant dassociations diverses et de syndicats, lA.G.E.L-U.N.E.F. est peu intégrée au tissu syndical, politique et associatif.
En effet, la politique de lA.G.E.L-U.N.E.F. vis à vis des autres organisations est profondément marquée par trois caractéristiques : irrégularité dans les relations, prudence dans les engagements, politiques en particulier, et rejet de lunité daction avec la plupart des associations et syndicats étudiants.
Elle développe des relations sans exclusivité, mais se heurte rapidement à lanticommunisme de plusieurs centrales syndicales comme la F.E.N., la C.F.D.T., la C.G.T-F.O.. Elle se tourne donc essentiellement vers des syndicats dits de " sensibilité communiste ", cest à dire la C.G.T., le S.N.E.Sup.. Les relations sont assez distantes et se déroulent la plupart du temps de manière informelle, par lintermédiaire des militants ou des élus dans les conseils.
Vis à vis du tissu politique lyonnais, lA.G.E.L-U.N.E.F. développe très peu de relations officielles ou suivis avec les partis de gauche. Elles sont plus complexes avec lUnion des Etudiants Communistes, puisquelles partagent en commun un même noyau militant. En dépit du reproche traditionnel des étudiants sur la politisation excessive des syndicats étudiants, lengagement de lA.G.E.L-U.N.E.F. dans le domaine politique demeure très faible. Au final, lA.G.E.L-U.N.E.F. est un syndicat isolé dans le paysage politique, syndical et associatif lyonnais.
La recomposition de lU.N.E.F à Lyon se concrétise, en 1971, par la cohabitation de trois organisations : lA.G.E.L-U.N.E.F issue de lU.N.E.F-Renouveau, lU.G.E.L-U.N.E.F-Unité Syndicale et lA.G.E.L détenue par le P.S.U. La naissance de lA.G.E.L-U.N.E.F en 1971 a lieu dans des conditions particulières et originales. Organisation indépendante dés mai 1969, la création de lU.N.E.F-Renouveau à Lyon est une fondation et non une scission : elle est affiliée à lU.N.E.F par lintermédiaire de la tendance Renouveau, mais rejette catégoriquement toute relation avec lA.G.E.L. Le rôle de lU.G.E et de lU.E.C semblent assez particuliers. Si lU.G.E simplique totalement dans le renouveau de lU.N.E.F à Lyon au point de délaisser quelque peu ses propres structures, limplication de lU.E.C est moindre et le renouveau ne se réduit pas au seul cercle des militants communistes. Contrairement à beaucoup dautres A.G.E, des bases syndicales se redéveloppent hors de lU.E.C.
Lévolution de lA.G.E.L-U.N.E.F est étroitement liée au milieu étudiant et au contexte universitaire. Or, le contexte étudiant et universitaire nest pas favorable au syndicalisme étudiant. Certes, sous leffet de la " massification " de lEnseignement Supérieur et de lUniversité en particulier (lUniversité de Lyon double de volume et passe de 57 000 étudiants en 1976 à 110 000 en 1994), de très nombreux mouvements étudiants, tant nationaux que locaux, se développent en prenant pour cibles les réformes successives des secrétaires dEtat aux universités. Mais le déplacement des thèmes mobilisateurs, lapparition de nouvelles formes dorganisation ne sont pas favorables à lémergence dun syndicat étudiant puissant capable de rassembler les étudiants et de conduire les luttes revendicatives. LA.G.E.L-U.N.E.F trouve très rapidement sa place au sein du mouvement étudiant, mais elle doit composer désormais avec dautres organisations.
De 1971 à 1994, lA.G.E.L-U.N.E.F développe un syndicalisme étudiant original et qui ne se retrouve, encore faudrait-il le vérifier, que dans certaines grandes A.G.E, comme Toulouse par exemple. La reconstruction dun syndicat étudiant puissant à Lyon sinscrit à la fois en continuité et en rupture avec le passé incarné par la mythique " grande U.N.E.F " et qui ne cesse de hanter les esprits.
La continuité sincarne particulièrement à travers la volonté de lA.G.E.L-U.N.E.F, et surtout la conviction, dêtre le seul véritable syndicat à défendre les intérêts des étudiants. Peu impliquée dans le tissu syndical, politique et associatif lyonnais, elle réagit à léclatement de la représentation étudiante en dénonçant la collusion entre le pouvoir et les autres associations étudiantes, et en refusant, autant que possible, lunité daction. Indiscutablement, lA.G.E.L-U.N.E.F sinscrit dans une vision du mouvement étudiant antérieure à la scission et résumée par le Figaro en 1956 : lU.N.E.F, " grand syndicat unique de la classe étudiante ".
Continuité encore avec la synthèse ébauchée à partir de 1976 et réalisée en 1979 en conciliant " au mieux un syndicalisme de revendication et de négociation avec la nécessité de rendre des services aux étudiants ". En effet, avec la création du CERCOOPE, lA.G.E.L-U.N.E.F sengage résolument dans la voie de la reconstruction dune économie sociale étudiante en délivrant de multiples services aux étudiants de Lyon, mais aussi de Saint-Etienne, de Grenoble, de Besançon et de Dijon. Dans le même temps, elle conserve son caractère revendicatif et profite du changement de gouvernement en 1981 pour entamer des négociations sur lavenir de lUniversité.
Continuité enfin dans le rôle de socialisation et de formation joué dans la carrière professionnelle des anciens militants de lA.G.E.L-U.N.E.F. En effet, le syndicat étudiant lyonnais est à la fois le lieu de nouveaux engagements politiques, en particulier communistes, et le lieu de lacquisition dun vécu essentiel dans la socialisation et la formation des militants.
Cependant, lA.G.E.L-U.N.E.F nest pas une copie, une reproduction à lidentique du passé ? Au contraire, des ruptures profondes existent et donnent un nouveau visage à lorganisation étudiante. La principale rupture est linstabilité de lA.G.E.L-U.N.E.F durant toute cette période. En effet, et contrairement aux années 50 et 60, une instabilité permanente existe et se concentre sur lorganisation, sur les structures. Elle sexprime tout dabord dans le caractère aléatoire et chaotique de limplantation. les effectifs fluctuent fortement en lespace de quelques années. Le cas du milieu des années 80 est éloquent : de 1500 adhérents en 1984-1985, les effectifs chutent pour atteindre 70 à 90 adhérents en 1987-1988. Ensuite, il existe une instabilité des structures de base, qui sont fréquemment renouvelées en fonction de leurs objectifs, de leurs insuffisances . Enfin, les finances de lA.G.E.L-U.N.E.F sont un dernier facteur dinstabilité. Très dépendante des subventions des collectivités territoriales ou universitaires, il est incapable de sautofinancer par le biais des cotisations et connaît, en particulier durant les années 70, des difficultés financières.
Outre cette instabilité, dautres ruptures existent : relatif isolement politique et syndical, changement profond de lorientation syndicale au congrès de Toulouse en 1990 où le rôle de lU.N.E.F est redéfinit comme " loutil des étudiants ", relations ambiguës avec le B.N de lU.N.E.F et oscillant entre un alignement complet sur lorientation nationale, un soutien constant au B.N, une indépendance assez marquée dans les faits et une faible participation à lélaboration de lorientation nationale sauf entre 1979 et le milieu des années 80.
Le syndicalisme étudiant, et cest le cas de lA.G.E.L-U.N.E.F, est puissant sil concilie en son sein un certain nombre dactivités : cogestion, services de proximité, action revendicative, action culturelle. Elles permettent à lensemble des adhérents de sexprimer et de participer. La cotisation est alors perçue comme une contrepartie des services. Cependant, en dépit de sa puissance à certaines périodes, lA.G.E.L-U.N.E.F sinscrit dans un contexte plus vaste de désyndicalisation. Certes, elle réussit, en particulier grâce à ses services, à freiner considérablement les conséquences de ce phénomène jusquau milieu des années 80. Mais les signes précurseurs sont déjà visibles dés le début des années 70 : faible taux de syndicalisation à lA.G.E.L-U.N.E.F, effacement de ladhérent, déplacement de la nature, du rôle du syndicat dans le mouvement étudiant (il est au début lexpression du mouvement étudiant pour en devenir loutil), activité syndicale assumée par un petit groupe de militants, substitution à la notion dadhérent celles délecteur et de client, éclatement des différentes fonctions du syndicat. Toutefois, la désyndicalisation nexplique pas la disparition de lA.G.E.L-U.N.E.F et les causes conjoncturelles apparaissent prépondérantes