Un témoignage d'Olivier Mayer (en novembre 2020) sur l'automne 1971

[Ndlr: la photo ci-contre est un peu postérieure puisque nous l'avons tirée d'un passage à la télévision d'Olivier Mayer le 21 mars 1973, à propos de loi Debré, qu'on peut voir ici, lequel suffit à démentir sa prétention à avoir été un mauvais président de l'UNEF.]

Bon je me décide à écrire pour que les historiens ne manquent pas ce qui suit et qui n’est consigné dans aucune archive.

Savez-vous qu’il y a un lien étroit entre la présidence de l’Unef et les cuisses de grenouilles ?

J’ai été président de l’Unef en 1971- 72-73. Je n’ai pas gardé de documents sur cette époque où tous les écrits, les rapports se faisaient au stylo-bille. Mais j’ai gardé quelques souvenirs que je peux raconter et il est certain qu’ils seront d’un grand secours pour écrire l’Histoire (avec un grand H).

Nous sommes en septembre 1971 à la Fête de l’Humanité. Guy Konopnicki a été élu président de l’Unef « rénovée » au printemps. Moi je suis membre du bureau national et ma tache est de coordonner l’activité des AG parisiennes et d’Ile de France. Je ne fréquente pas assidûment les réunions du BN de l’Unef dont la tenue n’est pas d’un grand sérieux. Mais j’essaie de faire mon boulot sérieusement et avec mes petits moyens.

Le dimanche après-midi de la Fête, je passe au stand de l’UEC et là, le secrétaire national, Gérard Molina, me dit qu’il faut qu’on parle. Et il m’entraine dans les allées de la Fête. Je suis un peu surpris de cette démarche. Il me parle de choses et d’autres, mais à un moment, il s’arrête et me demande si je veux manger quelque chose. Je lui réponds : « Tu sais, Gérard, il est 16 heures, ce n’est pas tout à fait l’heure de manger. » Mais il insiste et me demande ce qui me ferait plaisir. Alors je regarde autour de moi et je vois, pas trop loin, un stand qui affiche « Cuisses de grenouilles ». Je dis à Gérard que je n’ai jamais mangé de cuisses de grenouilles. Et nous voilà attablé devant une assiette de cuisses de grenouilles que nous nous partageons. Et c’est là qu’il me dit : « Konop se barre et ça doit être toi qui le remplace ». Je dégringole de ma chaise ! Que Konop se barre ne m’étonne pas trop. Mais moi pour le remplacer ! J’essaie de raisonner Molina : je suis incapable de parler en public, je n’ai aucune expérience de direction, je suis quelqu’un de timide…

Rien n’y fait. Alors je lui énumère les camarades du BN de l’Unef mieux à même que moi de prendre cette responsabilité. Je cite Roger Martelli, Gilbert Wassermann, René Maurice, Alain Barasz… (Ceux qui connaissent ces noms sont à même de juger combien ils auraient été meilleurs présidents que moi.) Mais à chaque fois, Gérard argumente. Il ne veut pas en démordre. « Il n’y a que toi pour faire l’affaire ».

J’étais mal, j’ai essayé de jouer la montre, faire jouer l’inertie. Je n’ai jamais dit d’accord. Mais en octobre, à la réunion nationale qui regroupait tous les présidents d’AG, Konop était absent. Quelqu’un a dit qu’il fallait élire un vice-président et m’a proposé. Tout le monde a voté. Et j’ai bien dû essayer de commencer à diriger l’Unef. Heureusement pour elle, ça n’a pas duré trop longtemps.

Mais je digère mal, depuis, les cuisses de grenouilles.

Publié le 9 novembre 2020 sur notre groupe Facebook