Emmanuel Lyasse
A la recherche d'une lgitimit formelle: l'Assemble gnrale de l'UNEF du 14 fvrier 1971 et les mandats du congrs d'Orlans

Nous avons, durant l'hiver dernier, retrouv et publi sur le site beaucoup de documents de l'anne 1971, que nous n'avons pas encore eu le temps de commenter. On souhaite ici commencer ce travail par un des plus intressants, des plus nigmatiques aussi, dans sa forme comme dans son fond, conserv dans le fonds Jean Duma des archives de Seine Saint-Denis.

Il s'agit de l'assemble gnrale du 14 fvrier 1971, le moment dcisif de ce qu'on appelle couramment la scission (et il n'y a pas, dans ce cas, de raison dcisive de ne pas faire comme tout le monde), mais qui n'en fut pas vraiment une, plutt la fondation par le Renouveau d'une nouvelle Union nationale revendiquant la continuit avec l'ancienne (tandis que l'OCI faisait la mme chose paralllement)

Ce document de quatorze pages, qui semble en tre un compte-rendu officiel, commence par une liste de cinq pages des CA prsents, indiquant pour chacun un nombre de cartes, qui est le sujet principal de cette contribution, suivie du texte de l"intervention liminaire de Philippe Mhaut, de l'AGEN de Nancy (quatre pages), de l'intervention de Guy Konopnicki, qualifi de membre de la commission de contrle de l'UNEF (deux pages), et de trois motions adoptes, une convoquant le 59e congrs de l'UNEF pour les 5, 6 et 7 mars, une autre contre les subventions l'enseignement priv, la dernire adresse l'ambassadeur d'Algrie pour protester contre la dissolution de l'Union nationale des tudiants algriens.

Il a paru utile pour l'clairer d'avoir recours d'autres de l'anne prcdente, propos du 58e congrs de l'UNEF tenu Orlans du 1er au 5 avril 1970, la dclaration du Renouveau du 17 mars, intitule Une prparation anti dmocratique prsage-t-elle un congrs bidon? et l'intervention de Guy Konopniki, en son nom, au congrs, galement retrouves dans le fonds Duma, et un postrieur, une liste des cartes de notre UNEF AGE par AGE de 1971 1975, en province uniquement (malheureusement), trouve et conserve par Marc Rossetti dont la premire colonne donne un lment trs intressant de comparaison[1]. On parlera, bien sr, des statuts de 1969 de l'UNEF. On aura aussi recours aux mmoires de Xavier Dubois et de Sylvain Henry sur deux AGEL, celle de Lille et celle de Lyon, tous deux sur le site.

Deux prcautions liminaires avant d'aborder le fond.

Il sera ici question de cartes et de mandats, puisque c'est avec ce genre de choses qu'on s'affrontait, conformment la rgle de ce jeu. Bien videmment, on ne se demandera pas dans quelle mesure ces cartes donnant des mandats correspondaient des adhrents rels. C'est une consquence de la rgle de ce jeu qu'il est impossible de distinguer les vraies cartes des fausses dans le feu de l'action, plus forte raison aprs cinquante ans. Les nombres de cartes affichs sont une donne historique. Leur ralit ventuelle ne peut, faute de sources, que relever de la prhistoire.

D'autre part, on dsignera, comme on l'a dj fait ailleurs, les diffrentes forces en prsence par les noms des courants politiques les dirigeant (en sachant bien sr que tous leurs militants n'en taient pas forcment), PSU ou ESU, OCI ou AJS, sans s'embarrasser des laborieuses priphrases qu'on trouve chez les historiens officiels. Une exception sera faite pour le Renouveau, dont on ne peut pourtant nier qu'il ait t dirig par l'UEC, qui l'avait fond (Ce n'est pas moi qui le dis, mais Pierre Zarka, au dbut d'un rapport la journe d'tudes nationales de l'UEC du 17 janvier 1971: Nous avons cre la tendance UNEF Renouveau (dat de 1970 sur la couverture par une erreur manifeste au vu de son contenu). Il s'agit certes de la seule tendance alors officiellement constitue et nomme dans l'UNEF, mais ce n'est pas une raison suffisante. Avouons qu'il y a l une part de coquetterie, et surtout un souci de mnager la sensibilit de certains de nos lecteurs. Qu'il soit clair que a ne change rien quant au fond.

I Une tentative de combler un vide statutaire

Pour situer ce document dans son contexte[2], il faut rappeler que la direction PSU issue du 70e congrs s'tait littralement vanouie la veille du CN de janvier, tirant les consquences de son incapacit diriger l'UNEF, laissant face face les deux autres tendances officiellement minoritaires d'Orlans, le Renouveau et Unit syndicale (lambertiste). Le CN a permis de vrifier que l'accord entre elles tait impossible. Les statuts ne prvoyaient absolument rien en cas de vacance du BN[3]. Ce qui ressemblait le plus une solution tait la convocation d'une Assemble gnrale extraordinaire en cas de dsaccord entre BN et CN. Mais elle devait tre convoque par le CN (dont la tenue tait impossible, puisqu'il n'y avait ni BN pour le convoquer, ni entente possible entre les deux tendances), et pour ses modalits les statuts renvoyaient (comme d'ailleurs pour celles du congrs) un rglement intrieur qui, ma connaissance, n'avait jamais t crit.

Alors que les lambertistes, majoritaires dans ce qu'il reste du CN sans PSU sur la base des mandats reconnus au congrs d'Orlans, 610 contre 304 au Renouveau (on y reviendra) lui font adopter la tenue d'un congrs Dijon en fvrier, le Renouveau rejette cette dcision, dclare que le CN n'a pas pouvoir de convoquer un congrs et que seule une assemble gnrale extraordinaire peut, en l'absence de BN, le faire. La diffrence entre les deux est de taille. Le CN est compos de deux dlgus par AGE de province, un par CA de Paris o il n'y a plus d'AGE (on y vient), mais vote sur la base des mandats valids au congrs prcdent. Quels que soient les prsents et les dbats, le rsultat final ne peut tre que 610 304, les structures tenues par le PSU l'anne prcdente tant comptes comme s'abstenant. Pour l'AG, qui a les pouvoirs du congrs, on compte nouveau les mandats (en thorie, puisque ses modalits ne sont pas dfinies), ce qui permettait au Renouveau de rcuprer ceux des structures o il tait minoritaire face au PSU et reste seul. Mais tout cela reste thorique, puisque le BN disparu ne peut convoquer d'AG, que le CN lambertiste ne veut videmment pas, et qu'il n'y aurait de toute faon pas moyen de s'entendre sur la reconnaissance des mandats.

Devant ce vide statutaire, la thse du Renouveau est que c'est aux structures de base de suppler l'absence d'Union nationale, qu'une AG convoque par un grand nombre d'entre elles, o la majorit viendront, sera lgitime contre un CN non reprsentatif.

L vient une nouvelle complication. Depuis 1907, les structures de base adhrentes de l'UNEF taient les AGE, association gnrale des tudiants d'une ville, elles-mmes structures en corpos correspondant une facult ou quelque chose d'assimilable, sauf Paris o depuis que l'AGEP avait disparu dans les annes trente[4] les anciennes corpos avaient le statut d'AGE. Les statuts adopts en mai 1969, en application de la dcision du congrs de Marseille de transformer l'UNEF de syndicat tudiant en organisation politique de masse , voulue par les tudiants du PSU et quelques autres, combattue par le Renouveau, avaient chang cela, en crant comme nouvelle structure de base, les comits d'action UNEF (article 3), dont la dfinition tait trs floue unit de base de l'UNEF sur un terrain de lutte limit (UER, Facult, section anne, C.U) . Ils devaient tre des associations dclares et obtenir leur reconnaissance par le CN, sur proposition du BN, ratifier ensuite par le congrs. Summi fastigii vocabulum: le BN, qui avait donc seul l'initiative, s'arrogeait ainsi le pouvoir d'interdire l'affiliation l'UNEF de tout comit lui dplaisant sans recours possible, alors qu'il ne pouvait auparavant se dbarrasser d'une AGE reconnue sans une procdure d'exclusion. On en verra certains effets, en particulier Lille[5].

Devant la multiplication des comits candidats permises par le flou des statuts, le BN avait galement us de ce pouvoir discrtionnaire pour n'accepter, contre leur lettre, que des comits de Facult (Lettres, Sciences, Droit, Mdecine, Pharma), ni d'UER, ni d'anne, dans les universits de province[6], ce qui rduisait fortement le caractre de l'innovation qui se limitait remplacer comme structure de base les AGE par les corpos, sous le contrle du BN grce la table rase que la modification impliquait.

Notons au passage que le mode de scrutin tait, comme dans l'UNEF d'avant au niveau des AGE, strictement majoritaire. Sauf accord pralable, strictement impossible dans la priode qui nous intresse, ceux qui taient les plus nombreux, mme une voix prs, se voyaient attribuer tous les mandats du comit, raison d'un pour dix adhrents. La consquence tait qu'une tendance ou un groupe assur d'tre minoritaire dans un comit n'avait absolument aucun intrt y faire des cartes, ce qui tait dpenser de l'argent pour contribuer grossir le nombre de mandats donn sa majorit (mais pouvait, dans ce contexte troubl, en crer un concurrent et solliciter sa reconnaissance par le BN en lieu et place de celui prexistant. On verra cela). Hors ceux, assez rares vraisemblablement, o la majorit tait dispute, les comits seront donc peu prs monocolores.

De plus, les statuts de 1969 ont cette particularit que le nombre de dlgus au congrs n'tait pas proportionnel au nombre de mandats, lui mme proportionnel au nombre d'adhrents. Il y avait (article 5) un dlgu pour chacun, un deuxime partir de cinquante adhrents, le troisime ne venant qu' cinq cents, soit trs exceptionnellement comme on le voit la liste que nous commentons, ces dlgus ayant autant de voix que le comit avait de mandats. On peut remarquer, sans aucun moyen, rptons le, d'valuer l'ampleur ventuelle du phnomne, qu'un tel systme encourageait la fabrication de fausses cartes. Quand, comme a a t ensuite le cas dans notre UNEF (au contraire de l'UNEF-ID puis de la runifie), chaque dlgu n'a qu'un mandat, ce jeu a une limite naturelle: il ne sert rien de faire plus de fausses cartes qu'on a de vrais dlgus pour porter les mandats ainsi obtenus. L, deux vrais dlgus pouvaient tout aussi bien porter cinq mandats donns par cinquante et une cartes, que cinquante donns par quatre cent quatre-vingt dix-neuf.

Le Renouveau avait, logiquement, dnonc ce changement de statuts, dans une dclaration publie par son bulletin du 19 mai 1969. Il n'en tait pas moins oblig de s'en rclamer, alors qu'ils ne contenaient rien qui pt rsoudre le problme pos par la disparition du BN.

Difficult supplmentaire, quand il s'agissait de se faire reconnatre officiellement comme l'UNEF, ces statuts n'avaient aucune valeur lgale, ni d'ailleurs les prcdents en vigueur dans les annes soixante. Pour la prfecture, les seuls valables restaient ceux de 1929, depuis longtemps obsoltes qui, du fait de la dclaration d'utilit publique, ne pouvaient tre modifis sans l'agrment du ministre de l'Intrieur, agrment jamais obtenu pour les modifications faites depuis la Libration[7], mme pas recherch pour celle de 1969.

II Des chiffres pour prouver une majorit

Lgitimer la dmarche, tel est le but de la liste de CA et de nombres d'adhrents par laquelle commence ce document, laquelle nos arrivons enfin. Comme cela est indiqu, la liste est celle des CA reprsents l'AG, mais le nombre de cartes mentionn pour chacun n'est pas celui de leurs adhrents en fvrier 1971: c'est celui qui leur avait t reconnu lors du congrs de l'anne prcdente. Cela explique que certains, et non des moindres, n'en aient aucun: il s'agit de ceux dont les dlgations avaient t alors invalides. On sait que c'tait arriv de nombreux CA du Renouveau, et que c'est ainsi qu'il a expliqu que les lambertistes eussent deux fois plus de mandats que lui, et ni la lgitimit de leur majorit au CN une fois le PSU disparu.

Ce choix par le Renouveau comme rfrence du dcompte d'Orlans, contest par lui, pourrait surprendre. Il n'en est pas moins logique, quand le but est de prouver une majorit lgale, puisqu'il s'agit du dernier officiel de l'UNEF: il n'y a videmment pas eu de totalisation par le BN dmissionnaire des cartes prises pour l'anne 1970-71. (Mme si les remontes de cartes rue Soufflot avaient t fiables, les responsables du Renouveau n'y auraient pas eu accs, puisque le sige national tait occup (sur prise d'assaut) par les lambertistes). La liste, que nous avons par ailleurs dans un document de 1975, des nombres d'adhrents en 1971 AGE par AGE pour la province, est bien sr celle, en juin de l'UNEF rnove et d'elle seule, sans ceux de l'autre UNEF ni les ESU qui l'ont quitte. La comparaison entre ces deux listes ne manque pas d'intrt.

Tout fait paradoxalement, le Renouveau devait donc prouver la lgitimit de l'assemble qu'il convoquait partir de statuts qu'il avait combattus, et d'un dcompte des cartes qu'il avait dnonc. Une opration pour le moins acrobatique. Cette liste a pour but de prouver que la majorit des comits adhrents l'UNEF est prsente, et qu'ils reprsentent, selon ce dcompte, la majorit des tudiants adhrant un comit.

Curieusement, si cette majorit est affirme, elle n'est pas prouve, puisque ni le nombre total des comits reconnus Orlans, ni celui de leurs adhrents ne sont mentionns. Il n'y a mme pas de totalisation des cartes reconnues aux comits prsents, ni, cet endroit du document, du nombre de ces comits. La motion adopte par l'AG pour convoquer le congrs, plus loin, parle de 127 CA. J'en compte 132 sur la liste, reprsentant environ 10 000 cartes d'Orlans. Est-ce une erreur dans la motion? Cinq comits prsents au dbut taient-ils absents au moment du vote? Xavier Dubois, dans son mmoire sur l'AGEL de Lille, mentionne, sans donner sa source, un total de deux cent trente[8]. On peut dduire du total des votes d'Orlans qu'il y avait alors environ 18 000 cartes valides[9].

On comprend bien pourquoi il y a, dans notre liste, un nombre important de comits, 44 sur 132, zro carte, une curiosit dans un contexte normal. Il s'agit de comits qui avaient t reconnus depuis mai 1969 comme adhrents de l'UNEF, mais dont les dlgations pour le 58e congrs ont, pour diffrentes raisons, t invalides. Le cas le plus flagrant est celui de l'UGEN de Nice, une des principales AGE du Renouveau depuis 1968: six comits reconnus, aucune carte. On aurait bien sr tort de croire que tous ces comits invalids taient alors du Renouveau (Nous n'avons par exemple aucune trace que l'AGE de Strasbourg, galement zro, en ait t). Il est cependant improbable que certains aient t au PSU. Bien sr, en l'absence de toute garantie d'ordre juridique, ces invalidations ne pouvaient tre qu'arbitraires. Ces comits sont cits car ils doivent tre pris en compte quand on parle de majorit des structures de base, s'ils ne peuvent pas l'tre pour tablir celle d'tudiants adhrents.

Le cas des comits manquant sur la liste est plus complexe. Ils sont vraisemblablement de deux types : ceux qui, rgulirement valids, ont refus de participer l'AG parce qu'ils taient tenus par des lambertistes, ou par d'autres hostiles au Renouveau; ceux qui n'avaient pas t valids par le BN et n'taient donc pas formellement adhrents l'UNEF. Il est peu prs vident que Dijon et Clermont, qui n'ont qu'un comit prsent chacune, mdecine pour l'une, prpas pour l'autre, relvent du premier cas: c'taient les deux AGE lambertistes, ces deux comits tant apparemment au Renouveau. En revanche, l'absence de comits de Lettres et de Droit Lille, acquise au Renouveau, est vraisemblablement due au refus du BN de les faire valider avant ou aprs le congrs d'Orlans.

III Essai d'interprtation par AGE

La dclaration du Renouveau du 17 mars 1970 permet d'clairer certains points. Elle revendique 19 AGE[10], et se plaint que le BN n'accepte d'en reconnatre que six, dont elle donne la liste, Nancy, Brest, Lille, Mulhouse, Metz, Avignon, en prcisant que Lille mme est conteste (on y reviendra). En dduisant le nombre de mandats de ceux de cartes donnes par le document pour ces six AGE, en y ajoutant ceux du groupe d'Histoire de la Sorbonne (dont la dclaration nous apprend qu'il a t aussi reconnu la tendance) et de l'Union des grandes coles de Paris (sur laquelle le BN n'avait pas, en principe, se prononcer), on obtient peu prs les 304 attribus au Renouveau par le 58e congrs.

Ces six AGE sont deux trs anciennes, fondatrices en 1907 de ce qui est ensuite devenu l'UNEF, Lille et Nancy, et quatre rcentes[11] d'universits rcentes, dont Brest et Mulhouse taient parmi les fondatrices du Renouveau en janvier 1969. Metz et Avignon ont donc t conquises depuis, sans contestation du BN.

Il n'y a pas de liste des treize autres revendiques par le Renouveau, mais on peut essayer de la dduire de l'ensemble de la dclaration. Il manque, dans les six, quatre des huit fondatrices de la tendance. La dclaration en cite deux, l'AGET de Toulouse, une trs ancienne, et l'AGEO d'Orsay, rcente mais d'une Universit importante. Toulouse, selon elle, le BN a remplac la direction lgitime en refusant de donner des cartes par une alliance PSU/AJS en fait largement minoritaire. Dans son intervention au congrs, Guy Konopnicki dclare L'AG de Toulouse, comptant plus de 1500 cartes ne sera pas reprsente au congrs. Ce sont des comits d'action scissionnistes qui n'ont obtenu que 280 voix leurs propres lections qui reprsenteront cette ville. Le nombre de cartes indiqu par la liste (328, plus 68 pout l'UGE) serait donc celui de l'AGET qu'il dnonait alors comme illgitime.

Orsay, de mme, le BN aurait arbitrairement reconnu un Bureau AJS. Il est question, au 17 mars donc, de ngociations en cours et d'lections prvues. Ne connaissant par leur rsultat, nous ne pouvons savoir si les 250 cartes attribues par le document ce CA taient au Renouveau ou l'AJS. Dans un courrier priv rcent, Philippe Mhaut semble indiquer que l'AGEO a t finalement invalide et que Benot Monier n'a pu tre prsent au congrs.

L'AGESE de Saint-tienne n'est pas mentionne par la dclaration. Lors du rcent sminaire du GERME pour le cinquantime anniversaire du congrs d'Orlans[12], Jean-Paul Martin, alors du PSU, a racont qu'elle avait t prise au Renouveau par eux et que les communistes s'en taient retirs. Apparemment, cette dfaite n'est pas conteste. On observe qu'il n'y a pas de CA de Saint-tienne prsent l'AG de fvrier 1971. La liste des cartes de l'UNEF rnove de 1971 1975 n'attribue l'AGE que cinquante cartes pour la premire anne, ce qui semble trs peu.

Plus surprenante est l'absence de mention de l'UGEN de Nice, apparemment reconnue, avec six CA prsents l'AG, mais invalide[13], et qui la mme liste attribue 562 cartes pour 1971. Est-ce un oubli? Y a-t-il eu un rebondissement que nous ignorons?

Enfin, Lille, dont le cas tait incertain selon la dclaration du 17 mars n'a eu finalement, d'aprs la liste de fvrier 1971, que deux comits valids, les prpas (25 cartes) et les TS (118), pour six comits reconnus (dont Sciences et Mdecine, mais ni Lettres ni Droit). A Orlans, Guy Konopnicki citait Lille comme un des deux exemples les plus scandaleux, l'autre tant Toulouse, les deux AGE les plus importantes selon lui, Lille n'ayant que quinze mandats (12 en TS, 3 en prpas: le compte y est), son comit Lettes n'tant pas reprsent. Xavier Dubois p.69-73 cite de nombreux changes tendus entre le BN et la direction de l'AGEL, mais dit ne pas avoir les moyens de conclure sur le sort de la dlgation au congrs.

La dclaration du 17 mars revendique la conqute d'une AGE de plus, l'AGER de Rouen, laquelle a selon elle t reconnue par tous localement, mais nie par le BN. Il n'y a pourtant pas de comit rouennais cit parmi les participants l'AG.

Les autres des 19 AGE dont il est question ne sont pas des conqutes, mais des fondations ou refondations d'AGE dans des endroits o il n'y avait pas ou plus d'UNEF, que le BN refuse de reconnatre. Il y en a trois en province, Nantes, Tours et Chambry, deux en banlieue, Nanterre et Vincennes, quatre Paris, Sciences, Droit, Mdecine (prtendant remplacer les trois anciennes AGE de facults majos exclues de l'UNEF) et Prpas.

La liste cite un seul CA pour Nantes, en Sciences, sans cartes, quatre Tours, de mme. Il n'y est pas question de Chambry. En rgion parisienne, un CA Vincennes 177 cartes, quatre pour Nanterre, 235 cartes au total, un CA Paris Sciences sans cartes, trois de CHU avec 182 cartes au total, trois autres sans, un CA prpas 273.

Mais, bien videmment, et nous arrivons l au nud du problme, ces cartes taient celles des comits qui avaient, l'anne prcdente, t reconnus par le BN PSU contre ceux du Renouveau, qui sont prsents l'AG de fvrier 1971 en s'en rclamant pour le dcompte. De mme, dans toutes les AGE hors des 19 revendiques, tenues en 1970, par le PSU, ou d'autres qui sont galement partis, les comits du Renouveau se substituent ceux disparus, sans continuit juridique possible. Nous connaissons bien l'exemple de Lyon, par le mmoire de Sylvain Henry[14], qui montre que l'UNEF Renouveau s'tait construite, en particulier par la participation aux lections, totalement en dehors des structures de l'AGEL tenue par le PSU, et les a remplaces quand elle s'est vanouie pour devenir AGEL-UNEF. Un document du 17 janvier 1972, assez obscur[15], rcemment retrouv et scann par Rmi Fourche, que Sylvain Henry ne connaissait pas, nous indique qu'il y a eu une phase de transition o la nouvelle AGE s'est nomme UGEL, avant de reprendre l'ancien nom puisqu'il n'y avait plus personne pour le lui contester.

Bref, hors les quelques-uns reconnus l'anne prcdente comme tenus par le Renouveau par le BN PSU, qui nous ramnent aux trs fameux 304 mandats d'Orlans, les comits prsents l'AG ne sont pas ceux qui taient sur la liste, mais d'autres qui les ont remplacs en usant du vide laiss par le dpart en bloc du PSU, sans aucune continuit juridique.

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Il serait donc difficile de ne pas conclure que cet exercice, exclusivement formel, tait formellement tout fait vain, puisque, ayant pour but de dmontrer la lgitimit du Renouveau convoquer un 59e congrs de l'UNEF dans la continuit du 58e et de tous les prcdents, il ne pouvait convaincre que ceux qui en taient dj persuads.

Nous sommes ramens au problme de dpart, le vide statutaire cr par le dpart d'un BN homogne auquel ces statuts donnaient les pleins pouvoirs y compris pour pourvoir sa succession, la petite garantie que donnait, depuis Orlans, l'existence d'une commission de contrle pluraliste se trouvant neutralise par sa rduction deux membres incapables de s'entendre sur rien.

C'tait donc le jeu de la preuve impossible. Il est peu prs certain (cet peu prs tant une concession de pure forme au mythe de l'impartialit historique) que le Renouveau, soient les communistes et leurs soutiens, avait beaucoup plus d'adhrents que les lambertistes et leurs trs rares allis aprs le dpart du PSU, et tait donc majoritaire dans ce qu'il restait dans l'UNEF (On peut d'ailleurs juger crdible, sans qu'il soit bien sr possible de le prouver d'aucune faon, sa revendication de la majorit relle dans l'UNEF contre le PSU ds l'anne prcdente).

Il est tout fait certain qu'il n'avait aucun moyen, en fvrier 1971, d'tablir juridiquement cette majorit, et donc sa continuit avec l'UNEF d'avant, et que cet exercice de haute voltige partir des mandats d'Orlans et des statuts de 1969 n'en tait videmment pas un. Il n'est donc pas surprenant qu'il n'ait pas convaincu la justice bourgeoise, peu porte l'tre certes mais laquelle on ne peut donner tort sur ce point, qui a refus de reconnatre cette continuit notre UNEF comme celle des lambertistes, et a fini par conclure en 1976 l'existence de fait de deux organisations se nommant UNEF, sans fondement juridique[16].

On ne peut cependant conclure que tout cela tait totalement vain, puisqu'il est videmment impossible de dire ce qui serait arriv si on n'avait pas jou en fvrier 1971 ce jeu, et s'il n'a pas contribu, malgr tout, ce que notre UNEF pt s'appeler UNEF pendant trente ans, mme sans continuit juridique avec la prcdente.

Mijoux - Bellegarde, juillet - 15 novembre 2021.

[1] Pour la rgion parisienne, la liste conserve ne commence qu' l'anne 1971/72. Nous ignorons pourquoi, s'agissant de documents isols conservs par une sorte de miracle.

[2] On pourra bien sr relire sur ce point le rcit par Robi Morder pour le cinquantime anniversaire sur le site du GERME.

[3] a parat absurde, mais a n'a rien d'original pour une association loi 1901. D'ailleurs, trente ans plus tard, il n'y avait rien de prvu non plus dans le rglement intrieur de l'UNEF qui remplaait de fait les statuts, rests inchangs mais non appliqus, et ceux, dont j'tais, qui ont considr la runification comme une dmission de fait de la direction nationale ont t confronts exactement au mme problme.

[4] On trouvera des lments sur ce point dans R. Morder, Regards juridiques, sociologiques et politiques sur les structures de lUNEF, Les Cahiers du Germe, spcial 3, engagements tudiants, mars 1998, repris sur le site du Germe , I, A; 2 et III, B, 2.

[5] On pourrait se demander pourquoi, dans ces conditions, il a nanmoins reconnu certains opposants. La rponse est simple: quand un groupe politique tient une organisation syndicale et veut la conserver, il ne s'agit pas pour lui d'y rester seul, ce qui terait tout intrt sa possession. Il s'agit donc pour lui de pitiner les opposants suffisamment pour garantir le maintien de sa majorit, mais sans aller jusqu' leur donner envie de faire scission. On retrouve la mme situation dans l'UNEF finissante. En 1969/70, les ESU voulaient encore conserver l'UNEF, d'o leur reconnaissance d'une partie des AGE du Renouveau, dont la plus forte, Nancy. Ayant l'automne 1970 dcid de l'abandonner, ils n'avaient plus de raison de mnager personne (Comme le PCF partir de juin 2000).

[6] On lit la fin de la dclaration du 17 mars 1970, Lorsque le Bureau National a dcid la cration des C.A. par UER ou section, nous en avons dpos 450 avec les statuts proposs par leB.N. Ils n'ont pas t reconnus. Le congrs de l'UNEF a t repouss, le Bureau National a dcrt que par UER ce n'tait plus valable, que ce serait par Facult, nous avons accept.

[7] R. Morder, art. cit., III, B.

[8] Xavier Dubois, L'AGEL-UNEF et la scission de 1971: l'heure du choix entre syndicat tudiant et mouvement politique, Lille III, 2007, publi sur le site web, p.78

[9] Le rapport moral du BN est rejet par 1099 mandats contre 597, la motion PSU en obtient ensuite 824 contre 610 aux lambertistes et 304 au Renouveau (X. Dubois, p.74). On a vu qu'il y avait approximativement, par comit, un mandat pour dix cartes.

[10] il y a actuellement 19 A.G.E., 4 groupes de la Sorbonne, 14 Corpos, 600 Comits qui luttent pour le Renouvequ de l'UNEF qui reprsentent un courant important de l'UNEF [Les corpos et les groupes sont alors en train de devenir des CA, les comits cits ne sont videmment pas des CA reconnus, mais ceux fonds par le Renouveau pour prsenter des listes aux lections, par UER].

[11] Une recherche sur le site du journal officiel nous apprend que l'AGE d'Avignon a t cre en 1964, celle de Brest en 1960. Metz et Mulhouse, relevant du droit local en Alsace-Moselle, n'y sont pas rpertories.

[12] www.germe-inform.fr/?p=4110

[13] Notons que d'aprs la dclaration du 19 mai 1969, l'UGEN n'avait pas eu le droit de voter l'AG des 2 et 4 qui a adopt les nouveaux statuts. Il semble donc qu'elle ait pu ensuite faire reconnatre ses comits par le BN, mais se soit fait refuser les cartes pour le congrs.

[14] Sylvain Henry, LAGEL-UNEF, 1971-1994, aspects de la recomposition du syndicalisme tudiant Lyon aprs la scission de lUNEF, Lyon II, 1998, sur le site web tel qu'il tait repris sur le site de l'UNEF Lyon, premire partie et deuxime partie.

[15] Ce document, sign de Nicole Chambon et Alain Grossette affirme que l'AGEL UNEF a le monopole du sigle UNEF [ et] garde le monopole de son ancien titre, UGEL. C'est apparemment une raction la raction de l'UGEL-UNEF par l'autre UNEF, celle de l'AJS. On comprend que l'AGE du Renouveau s'est d'abord, brivement donc, nomme UGEL. On trouve confirmation de cela au Journal Officiel. Une UGEL a t cre le 25 fvrier 1971 se donnant pour objet de regrouper les structures de l'Union nationale des tudiants de France sur l'acadmie de Lyon, domicilie chez M. Maneval, 52, rue Molire, Lyon (3e) .qui change le 5 juin son nom en AGEL-UNEF, au mme domicile, laquelle est donc issue d'une cration ex nihilo sans rapport avec l'AGEL d'avant. 16

[16] On passera pudiquement sur l'allgation aberrante de l'arrt du 22 mars 1996 de la cour d'appel de Paris (14e chambre, section C), saisie un tout autre propos (une pitrerie lectorale entre PCF et LCR Paris I), que l'UNEF-ID est une scission de 1971 de l'UNEF, celle prside en 1996 par Marie-Pierre Vieu, qui ne dit rien de l'histoire de la construction juridique de notre UNEF, mais beaucoup de ce qu'est exactement le srieux de certains juges bourgeois. Quant la runification


Le compte-rendu de l'AG du 14 fvrier 1971

437J - Fonds Jean Duma - AD93


Une prparation anti dmocratique prsage-t-elle un congrs bidon?, dclaration du Renouveau sur la prparation du 58e congrs, 17 mars 1970

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Intervention de Guy Konopnicki au 58e congrs

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Les statuts adopts par l'AG de l'UNEF des 3 et 4 mai 1969


La raction du Renouveau, dans le Bulletin interne de la tendance du 19 mai 1969

Archives du Mjcf- Archives dpartementales de la Seine-Saint-Denis